ZZ v Secretary of State for the Home Department.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2013:363
Docket NumberC‑300/11
Celex Number62011CJ0300
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date04 June 2013
62011CJ0300

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

4 juin 2013 ( *1 )

«Libre circulation des personnes — Directive 2004/38/CE — Décision interdisant à un citoyen de l’Union européenne l’accès au territoire d’un État membre pour des raisons de sécurité publique — Article 30, paragraphe 2, de ladite directive — Obligation d’informer le citoyen concerné des motifs de cette décision — Divulgation contraire aux intérêts de la sûreté de l’État — Droit fondamental à une protection juridictionnelle effective»

Dans l’affaire C‑300/11,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) (Royaume-Uni), par décision du 19 mai 2011, parvenue à la Cour le 17 juin 2011, dans la procédure

ZZ

contre

Secretary of State for the Home Department,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, M. K. Lenaerts, vice-président, M. A. Tizzano, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. T. von Danwitz (rapporteur), G. Arestis, Mme M. Berger et M. E. Jarašiūnas, présidents de chambre, MM. E. Juhász, J.-C. Bonichot, M. Safjan, D. Šváby et Mme A. Prechal, juges,

avocat général: M. Y. Bot,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 19 juin 2012,

considérant les observations présentées:

pour ZZ, par MM. H. Southey, QC, S. Cox, barristers, mandatés par M. R. Singh, solicitor,

pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme S. Behzadi-Spencer, en qualité d’agent, assistée de M. T. Eicke, barrister,

pour le gouvernement tchèque, par M. D. Hadroušek, en qualité d’agent,

pour le gouvernement français, par M. G. de Bergues et Mme B. Beaupère-Manokha, en qualité d’agents,

pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. G. Palatiello, avvocato dello Stato,

pour le gouvernement slovaque, par Mme B. Ricziová, en qualité d’agent,

pour la Commission européenne, par Mme C. Tufvesson et M. M. Wilderspin, en qualité d’agents,

pour l’Autorité de surveillance AELE, par MM. X. Lewis et G. Mathisen ainsi que par Mme F. Cloarec, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 12 septembre 2012,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 30, paragraphe 2, de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO L 158, p. 77, et rectificatifs JO L 229, p. 35 et JO 2005, L 197, p. 34), lu à la lumière, notamment, de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «Charte»).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant ZZ au Secretary of State for the Home Department (ci-après le «Secretary of State») au sujet de la décision de ce dernier lui interdisant, pour des raisons de sécurité publique, d’accéder au territoire du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

Le chapitre VI de la directive 2004/38 contient des dispositions relatives à la limitation par les États membres du droit d’entrée et du droit de séjour des citoyens de l’Union européenne pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique.

4

À cet égard, l’article 27, paragraphe 1, de ladite directive dispose:

«Sous réserve des dispositions du présent chapitre, les États membres peuvent restreindre la liberté de circulation et de séjour d’un citoyen de l’Union ou d’un membre de sa famille, quelle que soit sa nationalité, pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique. Ces raisons ne peuvent être invoquées à des fins économiques.»

5

L’article 30, paragraphes 1 et 2, de la même directive prévoit:

«1. Toute décision prise en application de l’article 27, paragraphe 1, est notifiée par écrit à l’intéressé dans des conditions lui permettant d’en saisir le contenu et les effets.

2. Les motifs précis et complets d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique qui sont à la base d’une décision le concernant sont portés à la connaissance de l’intéressé, à moins que des motifs relevant de la sûreté de l’État ne s’y opposent.»

6

L’article 31, paragraphes 1 et 3, de la directive 2004/38 est libellé comme suit:

«1. Les personnes concernées ont accès aux voies de recours juridictionnelles et, le cas échéant, administratives dans l’État membre d’accueil pour attaquer une décision prise à leur encontre pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique.

[…]

3. Les procédures de recours permettent un examen de la légalité de la décision ainsi que des faits et circonstances justifiant la mesure envisagée. Elles font également en sorte que la décision ne soit pas disproportionnée, notamment par rapport aux exigences posées par l’article 28.»

Le droit du Royaume-Uni

L’accès et l’interdiction d’accès au territoire du Royaume-Uni

7

Le règlement de 2006 relatif à l’immigration en provenance de l’Espace économique européen [Immigration (European Economic Area) Regulations 2006, ci-après le «règlement relatif à l’immigration»] transpose la directive 2004/38 dans le droit du Royaume-Uni. L’article 2 de ce règlement dispose:

«(1) Aux fins du présent règlement, on entend par:

[…]

‘décision EEE [Espace économique européen]’, une décision prise au titre du présent règlement qui concerne:

(a)

le droit d’une personne à entrer au Royaume-Uni;

[…]»

8

Aux termes de l’article 11, paragraphes 1 et 5, de ce règlement:

«(1) Un ressortissant de l’EEE doit être autorisé à entrer sur le territoire du Royaume-Uni s’il produit à son arrivée une carte d’identité ou un passeport en cours de validité délivré par un État de l’EEE.

[…]

(5) Toutefois, le présent article s’applique sous réserve de l’article 19, paragraphe 1 […].»

9

L’article 19 dudit règlement, intitulé «Interdiction d’accès au territoire du Royaume-Uni et éloignement», dispose à son paragraphe 1:

«Une personne n’est pas autorisée à entrer sur le territoire du Royaume-Uni en application de l’article 11 si l’interdiction d’accès est justifiée pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique conformément à l’article 21.»

10

L’article 25 du même règlement prévoit:

«(1) Aux fins de la présente partie, on entend par:

[…]

‘Commission’ la Commission visée dans la loi de 1997 relative à la Commission spéciale des appels en matière d’immigration (Special Immigration Appeals Commission, ci-après la ‘SIAC’);

[…]»

11

L’article 28 du règlement relatif à l’immigration énonce:

«(1) Un recours contre une décision EEE peut être formé devant la [SIAC] dans les cas où les paragraphes 2 ou 4 s’appliquent.

[…]

(4) Le présent paragraphe s’applique si le Secretary of State certifie que la décision EEE a été adoptée, totalement ou en partie, sur la base d’informations qui, selon lui, ne devraient pas être rendues publiques

(a)

pour des motifs relevant de la sécurité nationale;

[…]

(8) La loi de 1997 relative à la Commission spéciale des appels en matière d’immigration [Special Immigration Appeals Commission Act 1997 (ci-après la ‘loi relative à la SIAC’)] s’applique aux recours formés devant la [SIAC] au titre du présent règlement de la même façon qu’elle s’applique aux recours formés au titre de l’article 2 de ladite loi lorsque le paragraphe 2 dudit article s’applique (recours contre une décision en matière d’immigration), à l’exception du point i) dudit paragraphe.»

Les règles applicables au recours contre une décision portant interdiction d’accès

12

En vertu de l’article 1er de la loi relative à la SIAC, cette dernière doit être une juridiction ordinaire supérieure.

13

L’article 5, paragraphes 1, 3 et 6, de ladite loi prévoit:

«(1) Le Lord Chancellor peut édicter des règles […]

[…]

(3) Les règles visées au présent article peuvent, notamment:

(a)

prévoir que la procédure devant la [SIAC] peut se dérouler sans que tous les détails des motifs de la décision faisant l’objet du recours soient communiqués au requérant,

[…]

(6) Lors de l’élaboration des règles visées au présent article, le Lord Chancellor prend en particulier en considération:

(a)

la nécessité d’assurer que les décisions faisant l’objet d’un recours sont correctement contrôlées, et

(b)

la nécessité d’assurer que des informations ne sont pas divulguées d’une façon contraire à l’intérêt général.»

14

L’article 6 de la loi relative à la SIAC prévoit la désignation d’avocats spéciaux. À cet égard, le paragraphe 1 de cet article dispose que l’Attorney General peut désigner une personne habilitée à plaider devant la High Court of Justice (England & Wales) afin de représenter les intérêts d’un requérant dans toute procédure devant la SIAC, dont ce dernier et tous ses représentants légaux sont exclus. Le paragraphe 4 du même article prévoit, en outre, que cette personne «n’est pas responsable envers la personne dont elle est chargée de représenter les intérêts».

15

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