M. M. v Minister for Justice, Equality and Law Reform, Ireland and Attorney General.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2012:744
Date22 November 2012
Celex Number62011CJ0277
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC‑277/11
62011CJ0277

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

22 novembre 2012 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Système européen commun d’asile — Directive 2004/83/CE — Normes minimales relatives aux conditions d’octroi du statut de réfugié ou du statut conféré par la protection subsidiaire — Article 4, paragraphe 1, seconde phrase — Coopération de l’État membre avec le demandeur pour évaluer les éléments pertinents de sa demande — Portée — Régularité de la procédure nationale suivie lors du traitement d’une demande de protection subsidiaire à la suite du rejet d’une demande d’octroi du statut de réfugié — Respect des droits fondamentaux — Droit d’être entendu»

Dans l’affaire C‑277/11,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la High Court (Irlande), par décision du 1er juin 2011, parvenue à la Cour le 6 juin 2011, dans la procédure

M. M.

contre

Minister for Justice, Equality and Law Reform,

Ireland,

Attorney General,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Tizzano, président de chambre, MM. A. Borg Barthet, M. Ilešič, J.-J. Kasel (rapporteur) et Mme M. Berger, juges,

avocat général: M. Y. Bot,

greffier: Mme K. Sztranc-Sławiczek, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 28 mars 2012,

considérant les observations présentées:

pour M. M., par MM. P. O’Shea et I. Whelan, BL, mandatés par M. B. Burns, solicitor,

pour l’Irlande, par M. D. O’Hagan, en qualité d’agent, assisté de M. D. Conlan Smyth, barrister,

pour le gouvernement tchèque, par MM. M. Smolek et J. Vláčil, en qualité d’agents,

pour le gouvernement allemand, par M. N. Graf Vitzthum, en qualité d’agent,

pour le gouvernement hongrois, par M. Z. Fehér Miklós ainsi que par Mmes K. Szíjjártó et Z. Tóth, en qualité d’agents,

pour le gouvernement néerlandais, par Mmes C. Wissels et M. Noort, en qualité d’agents,

pour le gouvernement polonais, par M. M. Szpunar, en qualité d’agent,

pour le gouvernement suédois, par Mme K. Petkovska, en qualité d’agent,

pour la Commission européenne, par Mme M. Condou-Durande et M. M. Wilderspin, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 26 avril 2012,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2004/83/CE du Conseil, du 29 avril 2004, concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d’autres raisons, ont besoin d’une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts (JO L 304, p. 12, et rectificatif JO 2005, L 204, p. 24).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. M. au Minister for Justice, Equality and Law Reform (ci-après le «Minister»), à l’Ireland ainsi qu’à l’Attorney General au sujet de la régularité de la procédure suivie lors du traitement d’une demande de protection subsidiaire qu’il avait déposée à la suite du rejet de sa demande d’octroi du statut de réfugié.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La charte des droits fondamentaux de l’Union européenne

3

L’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «Charte»), intitulé «Droit à une bonne administration», dispose à ses paragraphes 1 et 2:

«1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l’Union.

2. Ce droit comporte notamment:

a)

le droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre;

b)

le droit d’accès de toute personne au dossier qui la concerne, dans le respect des intérêts légitimes de la confidentialité et du secret professionnel et des affaires;

c)

l’obligation pour l’administration de motiver ses décisions.»

4

L’article 47, deuxième alinéa, de la Charte vise le droit de toute personne à un recours effectif devant un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi. Cet article précise que toute personne a la possibilité de se faire conseiller, défendre et représenter. Conformément à l’article 48, paragraphe 2, de la Charte, le respect des droits de la défense est garanti à tout accusé.

5

En application de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte, les dispositions de celle-ci s’adressent aux États membres lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union.

Le système européen commun d’asile

6

Le Conseil européen de Strasbourg des 8 et 9 décembre 1989 a fixé l’objectif d’une harmonisation des politiques d’asile des États membres.

7

Les conclusions du Conseil européen de Tampere des 15 et 16 octobre 1999 ont prévu, notamment, la mise en place d’un régime d’asile européen commun, fondé sur l’application intégrale et globale de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 [Recueil des traités des Nations unies, vol. 189, p. 150, no 2545 (1954)] et entrée en vigueur le 22 avril 1954 (ci-après la «convention de Genève»). Cette convention a été complétée par le protocole relatif au statut des réfugiés, conclu à New York le 31 janvier 1967, lui-même entré en vigueur le 4 octobre 1967 (ci-après le «protocole de 1967»).

8

Tous les États membres sont parties contractantes à la convention de Genève et au protocole de 1967. L’Union européenne n’est pas partie contractante à ceux-ci, mais les articles 78, paragraphe 1, TFUE et 18 de la Charte prévoient que le droit d’asile est garanti, notamment, dans le respect de cette convention et du protocole de 1967.

9

Le traité d’Amsterdam, conclu le 2 octobre 1997, a introduit l’article 63 dans le traité CE, qui donnait compétence au Conseil de l’Union européenne, statuant après consultation du Parlement européen, pour adopter les mesures recommandées par le Conseil européen de Tampere.

10

C’est sur ce fondement juridique qu’a été adoptée la directive 2004/83, de même que la directive 2005/85/CE du Conseil, du 1er décembre 2005, relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres (JO L 326, p. 13, et rectificatif JO 2006, L 236, p. 36).

11

Depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, c’est l’article 78 TFUE qui prévoit la mise en place d’un système européen commun d’asile.

12

Les directives 2004/83 et 2005/85 énoncent, dans leur considérant 1, qu’une politique commune en matière d’asile, comprenant un régime d’asile européen commun, est un élément constitutif de l’objectif de l’Union visant à mettre en place progressivement un espace de liberté, de sécurité et de justice ouvert à ceux qui, poussés par les circonstances, recherchent légitimement une protection dans la Communauté européenne. Elles font en outre référence, dans leur considérant 2, aux conclusions du Conseil européen de Tampere.

13

Les directives 2004/83 et 2005/85 indiquent, respectivement à leur considérant 10 et 8, qu’elles respectent les droits fondamentaux et observent les principes qui sont reconnus, notamment, par la Charte.

La directive 2004/83

14

Conformément à son article 1er, la directive 2004/83 a pour objet d’établir des normes minimales relatives, d’une part, aux conditions que doivent remplir les ressortissants de pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale et, d’autre part, au contenu de la protection accordée.

15

Aux termes de l’article 2 de la même directive, aux fins de celle-ci, on entend par:

«a)

‘protection internationale’, le statut de réfugié et le statut conféré par la protection subsidiaire définis aux points d) et f);

[…]

c)

‘réfugié’, tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays […]

d)

‘statut de réfugié’, la reconnaissance, par un État membre, de la qualité de réfugié de tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride;

e)

‘personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire’, tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 15, […] cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays;

f)

‘statut conféré par la protection subsidiaire’, la reconnaissance, par un État membre, d’un ressortissant d’un pays tiers ou d’un apatride en tant que personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire;

g)

‘demande de protection internationale’, la demande de protection présentée à un État membre par un ressortissant d’un pays tiers ou un apatride, qui peut...

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