Bundesrepublik Deutschland v Y and Z.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2012:518
Docket NumberC‑99/11,C‑71/11
Celex Number62011CJ0071
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date05 September 2012
62011CJ0071

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

5 septembre 2012 ( *1 )

«Directive 2004/83/CE — Normes minimales relatives aux conditions d’octroi du statut de réfugié ou du statut conféré par la protection subsidiaire — Article 2, sous c) — Qualité de ‘réfugié’ — Article 9, paragraphe 1 — Notion d’‘actes de persécution’ — Article 10, paragraphe 1, sous b) — Religion comme motif de la persécution — Lien entre ce motif de persécution et les actes de persécution — Ressortissants pakistanais membres de la communauté religieuse ahmadiyya — Actes des autorités pakistanaises visant à interdire le droit de manifester sa religion en public — Actes suffisamment graves pour que l’intéressé puisse craindre avec raison d’être exposé à une persécution en raison de sa religion — Évaluation individuelle des faits et circonstances — Article 4»

Dans les affaires jointes C‑71/11 et C‑99/11,

ayant pour objet des demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduites par le Bundesverwaltungsgericht (Allemagne), par décisions du 9 décembre 2010, parvenues à la Cour respectivement les 18 février et 2 mars 2011, dans les procédures

Bundesrepublik Deutschland

contre

Y (C‑71/11),

Z (C‑99/11),

en présence de:

Vertreter des Bundesinteresses beim Bundesverwaltungsgericht,

Bundesbeauftragter für Asylangelegenheiten beim Bundesamt für Migration und Flüchtlinge,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, MM. A. Tizzano, J. N. Cunha Rodrigues, K. Lenaerts et J.-C. Bonichot, présidents de chambre, M. A. Rosas, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. E. Levits, A. Ó Caoimh, L. Bay Larsen (rapporteur), T. von Danwitz, A. Arabadjiev et C. G. Fernlund, juges,

avocat général: M. Y. Bot,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 28 février 2012,

considérant les observations présentées:

pour Y et Z, par Mes C. Borschberg et R. Marx, Rechtsanwälte,

pour le gouvernement allemand, par MM. T. Henze et N. Graf Vitzthum ainsi que par Mme K. Petersen, en qualité d’agents,

pour le gouvernement français, par M. G. de Bergues et Mme B. Beaupère-Manokha, en qualité d’agents,

pour le gouvernement néerlandais, par Mmes C. M. Wissels et B. Koopman, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par Mme M. Condou-Durande et M. W. Bogensberger, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 19 avril 2012,

rend le présent

Arrêt

1

Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation des articles 2, sous c), et 9, paragraphe 1, sous a), de la directive 2004/83/CE du Conseil, du 29 avril 2004, concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d’autres raisons, ont besoin d’une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts (JO L 304, p. 12, et rectificatif JO 2005, L 204, p. 24, ci-après la «directive»).

2

Ces demandes ont été présentées dans le cadre de litiges opposant la Bundesrepublik Deutschland, représentée par le Bundesministerium des Innern (ministère fédéral de l’Intérieur), lui-même représenté par le Bundesamt für Migration und Flüchtlinge (Office fédéral de la migration et des réfugiés, ci-après le «Bundesamt»), à Y et à Z, ressortissants pakistanais, au sujet du rejet par le Bundesamt des demandes d’asile et d’octroi du statut de réfugié introduites par ces derniers.

Le cadre juridique

Le droit international

La convention relative au statut des réfugiés

3

La convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 [Recueil des traités des Nations unies, vol. 189, p. 150, no 2545 (1954)], est entrée en vigueur le 22 avril 1954. Elle a été complétée par le protocole relatif au statut des réfugiés, conclu à New York le 31 janvier 1967, entré en vigueur le 4 octobre 1967 (ci-après la «convention de Genève»).

4

En vertu de l’article 1er, section A, paragraphe 2, premier alinéa, de la convention de Genève, le terme «réfugié» s’applique à toute personne qui, «craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner».

La convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales

5

La convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la «CEDH»), prévoit à son article 9, intitulé «Liberté de pensée, de conscience et de religion»:

«1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites.

2. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d’autrui.»

6

L’article 15 de la CEDH, intitulé «Dérogation en cas d’état d’urgence», stipule:

«1. En cas de guerre ou en cas d’autre danger public menaçant la vie de la nation, toute Haute Partie contractante peut prendre des mesures dérogeant aux obligations prévues par la présente Convention, dans la stricte mesure où la situation l’exige et à la condition que ces mesures ne soient pas en contradiction avec les autres obligations découlant du droit international.

2. La disposition précédente n’autorise aucune dérogation à l’article 2 [‘Droit à la vie’], sauf pour le cas de décès résultant d’actes licites de guerre, et aux articles 3 [‘Interdiction de la torture’], 4 (paragraphe 1) [‘Interdiction de l’esclavage’] et 7 [‘Pas de peine sans loi’].

[...]»

Le droit de l’Union

La charte des droits fondamentaux de l’Union européenne

7

L’article 10 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «charte»), intitulé «Liberté de pensée, de conscience et de religion», comporte un paragraphe 1 qui est rédigé dans des termes identiques à ceux de l’article 9, paragraphe 1, de la CEDH.

8

Les droits qui ne peuvent faire l’objet d’aucune dérogation au titre de l’article 15, paragraphe 2, de la CEDH sont consacrés aux articles 2, 4, 5, paragraphe 1, et 49 de la charte.

La directive

9

Aux termes du considérant 3 de la directive, la convention de Genève constitue la pierre angulaire du régime juridique international de protection des réfugiés.

10

Ainsi qu’il découle du considérant 10 de la directive, lu à la lumière de l’article 6, paragraphe 1, TUE, celle-ci respecte les droits, les libertés et les principes énoncés dans la charte. En particulier, elle vise à garantir, sur la base des articles 1er et 18 de la charte, le plein respect de la dignité humaine et du droit d’asile des demandeurs d’asile.

11

Les considérants 16 et 17 de la directive sont libellés comme suit:

«(16)

Il convient que des normes minimales relatives à la définition et au contenu du statut de réfugié soient établies pour aider les instances nationales compétentes des États membres à appliquer la convention de Genève.

(17)

Il est nécessaire d’adopter des critères communs pour reconnaître aux demandeurs d’asile le statut de réfugié au sens de l’article 1er de la convention de Genève.»

12

Selon son article 1er, la directive a pour objet d’établir des normes minimales relatives, d’une part, aux conditions que doivent remplir les ressortissants de pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale et, d’autre part, au contenu de la protection accordée.

13

Aux termes de l’article 2 de la directive, aux fins de celle-ci, on entend par:

«a)

‘protection internationale’, le statut de réfugié et le statut conféré par la protection subsidiaire définis [sous] d) et f);

[...]

c)

‘réfugié’, tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays [...]

d)

‘statut de réfugié’, la reconnaissance, par un État membre, de la qualité de réfugié de tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride;

[...]»

14

L’article 3 de la directive permet aux États membres d’adopter ou de maintenir des normes plus favorables pour décider quelles sont les personnes qui remplissent les conditions d’octroi du statut de réfugié et pour déterminer le contenu de la protection internationale, dans la mesure où ces normes sont compatibles avec la directive.

15

L’article 4 de la directive, contenu à son chapitre II, intitulé...

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