Petri Manninen.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2004:484
Docket NumberC-319/02
Celex Number62002CJ0319
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date07 September 2004
Arrêt de la Cour
Affaire C-319/02


Procédure engagée parPetri Manninen


(demande de décision préjudicielle, formée par le Korkein hallinto-oikeus)

«Impôt sur le revenu – Avoir fiscal pour les dividendes versés par des sociétés finlandaises – Articles 56 CE et 58 CE – Cohérence du régime fiscal»

Conclusions de l'avocat général Mme J. Kokott, présentées le 18 mars 2004
Arrêt de la Cour (grande chambre) du 7 septembre 2004

Sommaire de l'arrêt

Libre circulation des capitaux – Restrictions – Avoir fiscal octroyé aux assujettis pour les dividendes versés par des sociétés anonymes – Limitation aux sociétés nationales – Inadmissibilité – Justification – Absence

(Art. 56 CE et 58 CE)
Les articles 56 CE et 58 CE s’opposent à une réglementation nationale en vertu de laquelle le droit d’une personne assujettie à l’impôt à titre principal dans un État membre au bénéfice de l’avoir fiscal en raison des dividendes qui lui sont versés par des sociétés anonymes, avoir fiscal imputant l’impôt dû par celles-ci au titre de l’impôt sur les sociétés sur l’impôt dû par l’actionnaire au titre de l’impôt sur les revenus de capitaux, est exclu lorsque ces sociétés ne sont pas établies dans cet État. Une telle réglementation fiscale constitue une restriction à la libre circulation des capitaux en ce qu’elle a pour effet de dissuader les personnes assujetties à l’impôt à titre principal dans l’État membre concerné d’investir leurs capitaux dans des sociétés ayant leur siège dans un autre État membre; elle produit également un effet restrictif à l’égard des sociétés établies dans d’autres États membres en ce qu’elle constitue à leur encontre un obstacle à la collecte de capitaux dans l’État membre concerné. Cette réglementation ne saurait être justifiée par une différence de situation objective de nature à fonder une différence de traitement fiscal, conformément à l’article 58, paragraphe 1, sous a), CE. En effet, au regard d’une réglementation fiscale qui vise à prévenir une double imposition - impôt sur les sociétés puis impôt sur le revenu - des bénéfices distribués par la société au profit de laquelle l’investissement est réalisé, les actionnaires assujettis à l’impôt à titre principal dans l’État membre concerné se trouvent dans une situation comparable, qu’ils perçoivent des dividendes d’une société établie dans cet État membre ou d’une société ayant son siège social dans un autre État membre, dans la mesure où, dans les deux cas, les dividendes sont, abstraction faite de l’avoir fiscal, susceptibles d’être frappés par une double imposition. En outre, ladite réglementation ne saurait être considérée comme une émanation du principe de territorialité, ce principe ne s’opposant pas à l’octroi d’un avoir fiscal en faveur des dividendes versés par des sociétés établies dans d’autres États membres. En tout état de cause, au regard de l’article 58, paragraphe 1, sous a), CE, le principe de territorialité ne saurait justifier un traitement différent des dividendes distribués par des sociétés établies dans l’État membre concerné et de ceux versés par des sociétés ayant leur siège social dans d’autres États membres, si les catégories de dividendes concernées par cette différence de traitement partagent la même situation objective. Par ailleurs, même si cette réglementation fiscale repose sur un lien entre l’avantage fiscal et le prélèvement fiscal compensatoire, en prévoyant que l’avoir fiscal octroyé à l’actionnaire assujetti à l’impôt à titre principal dans l’État membre concerné est calculé en fonction de l’impôt sur les sociétés dû par la société établie dans cet État membre sur les bénéfices distribués par celle-ci, une telle réglementation n’apparaît pas nécessaire à la préservation de la cohérence du régime fiscal national. En effet, eu égard à l’objectif de prévention de la double imposition, l’octroi à l’actionnaire détenant des actions d’une société établie dans un autre État membre d’un avoir fiscal qui serait calculé en fonction de l’impôt dû par celle-ci au titre de l’impôt sur les sociétés dans ce dernier État membre ne mettrait pas en cause la cohérence du régime fiscal national et constituerait une mesure moins restrictive pour la libre circulation des capitaux. Quant à la réduction des recettes fiscales relatives aux dividendes versés par des sociétés établies dans d’autres États membres, elle ne saurait être considérée comme une raison impérieuse d’intérêt général pouvant être invoquée pour justifier une mesure contraire à une liberté fondamentale.

(cf. points 20, 22-24, 32-36, 38-39, 44-46, 49, 55 et disp.)




ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)
7 septembre 2004(1)


«Impôt sur le revenu – Avoir fiscal pour les dividendes versés par des sociétés finlandaises – Articles 56 CE et 58 CE – Cohérence du régime fiscal»

Dans l'affaire C-319/02,ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l'article 234 CE,introduite par le Korkein hallinto-oikeus (Finlande), par décision du 10 septembre 2002, enregistrée à la Cour le 12 septembre 2002, dans la procédure engagée par Petri Manninen,

LA COUR (grande chambre),,



composée de M. V. Skouris, président, MM. P. Jann, C. W. A. Timmermans, C. Gulmann, J.-P. Puissochet et J. N. Cunha Rodrigues, présidents de chambre, M. R. Schintgen, Mmes F. Macken et N. Colneric, MM. S. von Bahr et K. Lenaerts (rapporteur), juges, avocat général: Mme J. Kokott,
greffier: Mme L. Hewlett, administrateur principal, vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 17 février 2004,considérant les observations présentées:
pour M. Manninen, par lui-même,
pour le gouvernement finlandais, par Mmes E. Bygglin et T. Pynnä, en qualité d'agents,
pour le gouvernement français, par MM. G. de Bergues et D. Petrausch, en qualité d'agents,
pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. K. Manji, en qualité d'agent, assisté de M. M. Hoskins, barrister,
pour la Commission des Communautés européennes, par MM. R. Lyal et I. Koskinen, en qualité d'agents,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 18 mars 2004,

rend le présent



Arrêt

1
La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 56 CE et 58 CE.
2
Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure engagée devant le Korkein hallinto-oikeus par M. Manninen, dans laquelle ce dernier a mis en cause la compatibilité avec le droit communautaire de la réglementation fiscale finlandaise relative à l’imposition des dividendes (ci-après la «réglementation fiscale finlandaise»).
Le cadre juridique
Le droit communautaire
3
L’article 56, paragraphe 1, CE énonce: «Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites.»
4
L’article 58, paragraphe 1, CE prévoit: «L’article 56 ne porte pas atteinte au droit qu’ont les États membres:
a)
d’appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale qui établissent une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis;
b)
de prendre toutes les mesures indispensables pour faire échec aux infractions à leurs lois et règlements, notamment en matière fiscale [...]»
5
L’article 58, paragraphe 3, CE dispose: «Les mesures et procédures visées aux paragraphes 1 et 2 ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux et des paiements telle que définie à l’article 56.» Le droit finlandais
6
Conformément à l’article 32 de la tuloverolaki (loi relative à l’impôt sur le revenu) (1535/1992), les dividendes qu’une personne assujettie à l’impôt à titre principal en Finlande reçoit d’une société finlandaise ou étrangère cotée en bourse sont imposables en tant que revenus de capitaux.
7
Conformément à l’article 124 de ladite tuloverolaki, telle que modifiée par la loi 1459/2001, les revenus de capitaux supportent un impôt dont le taux est de 29 %.
8
Les sociétés établies en Finlande payent sur leurs bénéfices un impôt dont le taux est également de 29 %. Afin de prévenir une double imposition de ces revenus liée à la répartition des dividendes, l’article 4, paragraphe 1, de la laki yhtiöveron hyvityksestä (loi sur l’avoir fiscal) (1232/1988), tel que modifié par la loi 1224/1999, accorde aux actionnaires un avoir fiscal qui est égal à 29/71 du montant des dividendes qu’ils ont perçus pendant l’exercice fiscal en cause.
9
Conformément à l’article 4, paragraphe 2, de la loi sur l'avoir fiscal, tel que modifié par la loi 1224/1999, le dividende et l’avoir fiscal sont des revenus imposables dans le chef de l’actionnaire. L’octroi de l’avoir fiscal a pour effet que l’impôt total grevant un bénéfice distribué par une société cotée en bourse s’élève à 29 %.
10
En vertu de l’article 1er de la loi sur l’avoir fiscal, l’avoir fiscal ne s’applique qu’aux dividendes distribués par des sociétés finlandaises au bénéfice de personnes assujetties à l’impôt à titre principal en Finlande.
11
S’il s’avère que l’impôt payé par une société finlandaise au titre de l’impôt sur les sociétés est inférieur à 29/71 du montant des dividendes dont la distribution a été décidée pendant l’exercice fiscal concerné, la différence est, conformément à l’article 9 de la loi sur l'avoir fiscal, tel que modifié par la loi 1542/1992, mise à la charge de cette société au moyen d’un impôt complémentaire.
Le litige au principal et les questions...

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