Italy v Commission
Jurisdiction | European Union |
Celex Number | 62006TJ0060 |
Date | 22 April 2016 |
Court | General Court (European Union) |
Docket Number | T-62/06 |
ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre élargie)
22 avril 2016 (*)
« Aides d’État – Directive 92/81/CEE – Droits d’accises sur les huiles minérales – Huiles minérales utilisées comme combustible pour la production d’alumine – Exonération de l’accise – Caractère sélectif de la mesure – Aides pouvant être considérées comme compatibles avec le marché commun – Encadrement communautaire des aides d’État pour la protection de l’environnement – Lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale de 1998 – Confiance légitime – Sécurité juridique – Principe lex specialis derogat legi generali – Principe de la présomption de légalité et de l’effet utile des actes des institutions – Principe de bonne administration – Obligation de motivation »
Dans les affaires jointes T‑60/06 RENV II et T‑62/06 RENV II,
République italienne, représentée par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. G. Aiello, avvocato dello Stato,
Eurallumina SpA, établie à Portoscuso (Italie), représentée par Mme L. Martin Alegi, MM. R. Denton, A. Stratakis et Mme L. Philippou, solicitors,
parties requérantes,
contre
Commission européenne, représentée par MM. V. Di Bucci, N. Khan, G. Conte, D. Grespan et Mme K. Walkerová, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande d’annulation de la décision 2006/323/CE de la Commission, du 7 décembre 2005, concernant l’exonération du droit d’accise sur les huiles minérales utilisées comme combustible pour la production d’alumine dans la région de Gardanne, dans la région du Shannon et en Sardaigne, mise en œuvre respectivement par la France, l’Irlande et l’Italie (JO 2006, L 119, p. 12), pour autant que celle-ci constate l’existence d’une aide d’État accordée par la République italienne, entre le 3 février 2002 et le 31 décembre 2003, sur le fondement de l’exonération du droit d’accise sur les huiles minérales utilisées comme combustible pour la production d’alumine en Sardaigne (Italie) et qu’elle ordonne à la République italienne de récupérer ladite aide,
LE TRIBUNAL (première chambre élargie),
composé de M. H. Kanninen, président, Mme I. Pelikánová (rapporteur), MM. E. Buttigieg, S. Gervasoni et L. Madise, juges,
greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 6 mars 2015,
rend le présent
Arrêt
Antécédents du litige
L’exonération litigieuse
1 L’alumine (ou oxyde d’aluminium) est une poudre blanche principalement utilisée dans les fonderies pour produire de l’aluminium. Elle est extraite de la bauxite par un procédé de raffinage dont la dernière étape est la calcination. L’alumine calcinée est utilisée à plus de 90 % pour la fusion de l’aluminium. Le reste est soumis à de nouvelles transformations et est utilisé dans des applications chimiques. Il existe deux marchés de produits distincts, à savoir celui de l’alumine métallurgique et celui de l’alumine chimique. Des huiles minérales peuvent être utilisées comme combustible pour la production d’alumine.
2 Il n’y a qu’un seul producteur d’alumine en Irlande, un seul en Italie et un seul en France. Il s’agit, en Italie, d’Eurallumina SpA, établie en Sardaigne. Des producteurs d’alumine sont également présents en Allemagne, en Espagne, en Grèce, en Hongrie et au Royaume-Uni.
3 Depuis 1993, la République italienne exonère de droit d’accise les huiles minérales utilisées comme combustible pour la production d’alumine en Sardaigne (ci-après l’« exonération litigieuse »). L’exonération litigieuse a été introduite en droit italien par le decreto legislativo 26 ottobre 1995, n° 504, testo unico delle disposizioni legislative concernenti le imposte sulla produzione e sui consumi e relative sanzioni penale e amministrative (décret législatif n° 504, du 26 octobre 1995, portant texte unique des dispositions législatives relatives aux taxes sur la production, la consommation et les sanctions pénales et administratives en la matière, supplément ordinaire à la GURI n° 279, du 29 novembre 1995, ci-après le « décret législatif de 1995 »).
4 L’application de l’exonération litigieuse en Sardaigne a été autorisée, jusqu’au 31 décembre 1994, par la décision 93/697/CE du Conseil, du 13 décembre 1993, autorisant certains États membres à appliquer ou à continuer à appliquer à certaines huiles minérales utilisées à des fins spécifiques des réductions ou des exonérations d’accise conformément à la procédure prévue à l’article 8, paragraphe 4, de la directive 92/81/CEE (JO L 321, p. 29). Cette autorisation a ensuite été prorogée par le Conseil de l’Union européenne, jusqu’au 31 décembre 1996, par la décision 96/273/CE, du 22 avril 1996, autorisant certains États membres à appliquer ou à continuer à appliquer à certaines huiles minérales utilisées à des fins spécifiques des réductions ou des exonérations d’accise selon la procédure prévue à l’article 8, paragraphe 4, de la directive 92/81/CEE (JO L 102, p. 40). Elle a encore été prorogée par le Conseil, jusqu’au 31 décembre 1998, par la décision 97/425/CE, du 30 juin 1997, autorisant les États membres à appliquer ou à continuer à appliquer à certaines huiles minérales utilisées à des fins spécifiques les réductions de taux d’accise ou les exonérations d’accises existantes, conformément à la procédure prévue à la directive 92/81/CEE (JO L 182, p. 22). L’autorisation a de nouveau été prorogée par le Conseil, jusqu’au 31 décembre 1999, par la décision 1999/255/CE, du 30 mars 1999, autorisant certains États membres, conformément à la directive 92/81/CEE, à appliquer ou à continuer à appliquer à certaines huiles minérales des réductions de taux d’accise ou des exonérations d’accises, et portant modification de la décision 97/425 (JO L 99, p. 26). Elle a ensuite été prorogée par le Conseil, jusqu’au 31 décembre 2000, par la décision 1999/880/CE, du 17 décembre 1999, autorisant les États membres à appliquer ou à continuer à appliquer à certaines huiles minérales utilisées à des fins spécifiques les réductions de taux d’accise ou les exonérations d’accises existantes, conformément à la procédure prévue à la directive 92/81/CEE (JO L 331, p. 73).
5 La décision 2001/224/CE du Conseil, du 12 mars 2001, relative aux taux réduits et aux exonérations de droits d’accise sur certaines huiles minérales utilisées à des fins spécifiques (JO L 84, p. 23), à savoir la dernière concernant l’exonération litigieuse, proroge ladite exonération jusqu’au 31 décembre 2006. Selon son considérant 5, cette décision « ne préjuge pas de l’issue d’éventuelles procédures relatives aux distorsions de fonctionnement du marché unique qui pourraient être intentées notamment en vertu des articles 87 [CE] et 88 [CE] » et « ne dispense pas les États membres, conformément à l’article 88 [CE], de l’obligation de notifier à la Commission les aides d’État susceptibles d’être instituées ».
Procédure administrative
6 Par lettre du 29 mai 1998, la Commission des Communautés européennes a demandé des renseignements aux autorités italiennes afin de vérifier si l’exonération litigieuse relevait du champ d’application des articles 87 CE et 88 CE. À la suite d’un rappel de la Commission du 16 juin 1998, la République italienne a répondu le 20 juillet 1998.
7 Par lettre du 17 juillet 2000, la Commission a demandé à la République italienne de lui notifier l’exonération litigieuse. La Commission a rappelé sa demande à la République italienne, qu’elle a invitée à fournir un complément d’information par lettre du 27 septembre 2000. À la suite d’un rappel de la Commission du 20 novembre 2000, la République italienne a répondu le 7 décembre 2000.
8 Par la décision C (2001) 3300, du 30 octobre 2001, la Commission a ouvert la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE à l’égard de l’exonération litigieuse (ci-après la « procédure formelle d’examen »). Cette décision a été notifiée à la République italienne, par lettre du 5 novembre 2001, et a été publiée, le 2 février 2002, au Journal officiel des Communautés européennes (JO C 30, p. 17).
9 Par lettres des 26 et 28 février et 1er mars 2002, la Commission a reçu les observations respectives d’Aughinish Alumina Ltd, d’Eurallumina, d’Alcan Inc. et de l’Association européenne de l’aluminium. Celles-ci ont été communiquées à la République italienne le 26 mars 2002.
10 La République italienne a présenté ses observations par lettre du 6 février 2002.
Décision alumine I
11 Le 7 décembre 2005, la Commission a adopté la décision 2006/323/CE, concernant l’exonération du droit d’accise sur les huiles minérales utilisées comme combustible pour la production d’alumine dans la région de Gardanne, dans la région du Shannon et en Sardaigne, mise en œuvre respectivement par la France, l’Irlande et l’Italie (JO 2006, L 119, p. 12, ci-après la « décision alumine I »).
12 La décision alumine I porte sur la période antérieure au 1er janvier 2004, date à laquelle est devenue applicable la directive 2003/96/CE du Conseil, du 27 octobre 2003, restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité (JO L 283, p. 51), abrogeant la directive 92/81/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant l’harmonisation des structures des droits d’accises sur les huiles minérales (JO L 316, p. 12), ainsi que la directive 92/82/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant le rapprochement des taux d’accises sur les huiles minérales (JO L 316, p. 19), avec effet au 31 décembre 2003 (considérant 57). Elle étend néanmoins la procédure formelle d’examen à la période postérieure au 31 décembre 2003 (considérant 92).
13 Le dispositif de la décision alumine I énonce notamment :
« Article premier
Les exonérations des droits d’accise sur les huiles minérales lourdes utilisées dans la production d’alumine accordées par la France, l’Irlande et l’Italie jusqu’au 31 décembre 2003 constituent des aides d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, [CE].
Article 2
L’aide...
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