Günter Fuß v Stadt Halle.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2010:609
Date14 October 2010
Celex Number62009CJ0243
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-243/09

Affaire C-243/09

Günter Fuß

contre

Stadt Halle

(demande de décision préjudicielle, introduite par le Verwaltungsgericht Halle)

«Politique sociale — Protection de la sécurité et de la santé des travailleurs — Directive 2003/88/CE — Aménagement du temps de travail — Sapeurs-pompiers employés dans le secteur public — Service d’intervention — Articles 6, sous b), et 22, paragraphe 1, premier alinéa, sous b) — Durée maximale hebdomadaire de travail — Refus d’effectuer un travail dépassant cette durée — Mutation forcée dans un autre service — Effet direct — Conséquence pour les juridictions nationales»

Sommaire de l'arrêt

1. Politique sociale — Protection de la sécurité et de la santé des travailleurs — Directive 2003/88 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail

(Directive du Parlement européen et du Conseil, 2003/88, art. 6, b))

2. Politique sociale — Protection de la sécurité et de la santé des travailleurs — Directive 2003/88 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail — Article 6, sous b) — Effet direct

(Directive du Parlement européen et du Conseil 2003/88, art. 6, b))

1. L'article 6, sous b), de la directive 2003/88, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une réglementation nationale qui permet à un employeur du secteur public de procéder à la mutation forcée dans un autre service d'un travailleur employé en qualité de sapeur-pompier dans un service d'intervention, au motif qu'il a demandé que la durée moyenne maximale de travail hebdomadaire prévue à ladite disposition soit respectée dans ce dernier service. La circonstance qu'un tel travailleur ne subit, en raison de cette mutation, aucun préjudice spécifique autre que celui résultant de la violation dudit article 6, sous b), est à cet égard sans incidence.

(cf. points 53-55 et disp.)

2. L'article 6, sous b), de la directive 2003/88, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, remplit toutes les conditions requises pour produire un effet direct, étant donné qu'il met à la charge des États membres, dans des termes non équivoques, une obligation de résultat précise, et qui n'est assortie d'aucune condition quant à l'application de la règle qu'il énonce, consistant à prévoir un plafond de 48 heures, comprenant les heures supplémentaires, en ce qui concerne la durée moyenne hebdomadaire de travail. La circonstance que la directive permet aux États membres de déroger à l'article 6 de ladite directive n'affecte pas le caractère précis et inconditionnel de ce dernier article, sous b). En effet, la faculté des États membres de ne pas appliquer l'article 6 est subordonnée au respect de toutes les conditions énoncées à l'article 22, paragraphe 1, premier alinéa, de la même directive, de sorte qu'il est possible de déterminer la protection minimale qui doit en tout état de cause être mise en œuvre.

Dès lors, un travailleur employé dans le secteur public est en droit de se prévaloir directement des dispositions de l'article 6, sous b), de la directive 2003/88 à l'encontre de son employeur afin de faire respecter le droit à une durée moyenne hebdomadaire de travail n'excédant pas 48 heures garanti par cette disposition. À cet égard, les juridictions nationales et les organes de l'administration, y inclus les autorités décentralisées, ont l'obligation d'appliquer intégralement le droit de l'Union et de protéger les droits que celui-ci confère aux particuliers, en laissant au besoin inappliquée toute disposition contraire du droit interne.

Une mutation forcée, au motif que le travailleur a demandé que la durée moyenne maximale de travail hebdomadaire prévue à ladite disposition soit respectée, a pour effet de vider de toute substance le droit conféré par cette disposition. Une telle mesure annihile l'effet utile de la disposition à l'égard de ce travailleur. Il est donc manifeste que ladite mesure n'assure ni l'application intégrale dudit article 6, sous b), de la directive 2003/88 ni la protection des droits que cette disposition confère aux travailleurs dans l'État membre concerné.

En outre, le droit fondamental à une protection juridictionnelle effective, garanti par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, laquelle a, selon l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, TUE, «la même valeur juridique que les traités», serait substantiellement affecté si un employeur, en réaction à une plainte ou à une action en justice engagée par un travailleur en vue d’assurer le respect des dispositions d’une directive visant à protéger sa sécurité et sa santé, était en droit de prendre une mesure de rétorsion. En effet, la crainte de pareille mesure de rétorsion, contre laquelle aucun recours juridictionnel ne serait ouvert, risquerait de dissuader les travailleurs s’estimant lésés par une mesure prise par leur employeur de faire valoir leurs droits par voie juridictionnelle et, partant, serait de nature à compromettre gravement la réalisation de l’objectif poursuivi par la directive.

(cf. points 57-61, 63, 65-66)







ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

14 octobre 2010 (*)

«Politique sociale – Protection de la sécurité et de la santé des travailleurs – Directive 2003/88/CE – Aménagement du temps de travail – Sapeurs-pompiers employés dans le secteur public – Service d’intervention – Articles 6, sous b), et 22, paragraphe 1, premier alinéa, sous b) – Durée maximale hebdomadaire de travail – Refus d’effectuer un travail dépassant cette durée – Mutation forcée dans un autre service – Effet direct – Conséquence pour les juridictions nationales»

Dans l’affaire C‑243/09,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Verwaltungsgericht Halle (Allemagne), par décision du 25 mars 2009, parvenue à la Cour le 3 juillet 2009, dans la procédure

Günter Fuß

contre

Stadt Halle,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. J. N. Cunha Rodrigues, président de chambre, MM. A. Arabadjiev, A. Rosas, U. Lõhmus et A. Ó Caoimh (rapporteur), juges,

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: M.A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

– pour M. Fuß, par Me M. Geißler, Rechtsanwalt,

– pour la Stadt Halle, par M. Willecke, en qualité d’agent,

– pour le gouvernement allemand, par MM. M. Lumma et C. Blaschke, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement autrichien, par Mme C. Pesendorfer, en qualité d’agent,

– pour la Commission des Communautés européennes, par MM. V. Kreuschitz et M. van Beek, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 22, paragraphe 1, premier alinéa, sous b), de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail (JO L 299, p. 9).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Fuß à son employeur, la Stadt Halle, au sujet de sa mutation forcée dans un service autre que celui dans lequel il était précédemment affecté en qualité de sapeur-pompier.

Le cadre juridique

La réglementation de l’Union

3 Selon son premier considérant, la directive 2003/88 procède, dans un souci de clarté, à la codification des dispositions de la directive 93/104/CE du Conseil, du 23 novembre 1993, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail (JO L 307, p. 18), telle que modifiée par la directive 2000/34/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 juin 2000 (JO L 195, p. 41, ci-après la «directive 93/104»). Les directives 93/104 et 2000/34 devaient être transposées par les États membres dans leur droit interne au plus tard respectivement les 23 novembre 1996 et 1er août 2003.

4 Aux termes de l’article 1er de la directive 2003/88, intitulé «Objet et champ d’application»:

«1. La présente directive fixe des prescriptions minimales de sécurité et de santé en matière d’aménagement du temps de travail.

2. La présente directive s’applique:

a) aux périodes minimales de repos journalier, de repos hebdomadaire et de congé annuel ainsi qu’au temps de pause et à la durée maximale hebdomadaire de travail, et

[…]»

5 Sous le titre «Durée maximale hebdomadaire de travail», l’article 6 de la même directive dispose:

«Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que, en fonction des impératifs de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs:

a) la durée hebdomadaire du travail soit limitée au moyen de dispositions législatives, réglementaires ou administratives ou de conventions collectives ou d’accords conclus entre partenaires sociaux;

b) la durée moyenne de travail pour chaque période de sept jours n’excède pas quarante-huit heures, y compris les heures supplémentaires.»

6 L’article 15 de ladite directive, intitulé «Dispositions plus favorables», énonce:

«La présente directive ne porte pas atteinte à la faculté des États membres d’appliquer ou d’introduire des dispositions législatives, réglementaires ou administratives plus favorables à la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs ou de favoriser ou de permettre l’application de conventions collectives ou d’accords conclus entre partenaires sociaux plus favorables à la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs.»

7 L’article 17 de la directive 2003/88, intitulé «Dérogations», prévoit:

«1. Dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs, les États membres peuvent déroger aux articles 3 à 6, 8 et 16 lorsque la durée du temps de travail, en raison des caractéristiques particulières de l’activité exercée, n’est pas mesurée et/ou prédéterminée ou peut être déterminée par les travailleurs eux-mêmes, […]

[…]

3. Conformément...

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