MP v Secretary of State for the Home Department.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2018:276
Date24 April 2018
Celex Number62016CJ0353
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-353/16
62016CJ0353

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

24 avril 2018 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Politique d’asile – Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Article 4 – Directive 2004/83/CE – Article 2, sous e) – Conditions pour pouvoir bénéficier de la protection subsidiaire – Article 15, sous b) – Risque d’atteinte grave à la santé psychologique du demandeur en cas de renvoi dans son pays d’origine – Personne ayant été soumise à la torture dans son pays d’origine »

Dans l’affaire C‑353/16,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Supreme Court of the United Kingdom (Cour suprême du Royaume-Uni), par décision du 22 juin 2016, parvenue à la Cour le 27 juin 2016, dans la procédure

MP

contre

Secretary of State for the Home Department,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président, M. A. Tizzano, vice–président, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. T. von Danwitz, J. L. da Cruz Vilaça, E. Levits et C. Vajda, présidents de chambre, MM. E. Juhász, A. Borg Barthet, Mmes M. Berger, K. Jürimäe, MM. C. Lycourgos (rapporteur) et M. Vilaras, juges,

avocat général : M. Y. Bot,

greffier : Mme L. Hewlett, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 12 septembre 2017,

considérant les observations présentées :

pour MP, par MM. A. Mackenzie et T. Tridimas, barristers, M. A. Gananathan, solicitor, et M. R. Husain, QC,

pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. S. Brandon, en qualité d’agent, assisté de M. B. Lask, barrister,

pour la Commission européenne, par Mme M. Condou-Durande et M. M. Wilderspin, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 24 octobre 2017,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 2, sous e), et de l’article 15, sous b), de la directive 2004/83/CE du Conseil, du 29 avril 2004, concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d’autres raisons, ont besoin d’une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts (JO 2004, L 304, p. 12).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant MP au Secretary of State for the Home Department (ministre de l’Intérieur, Royaume Uni) au sujet du rejet de sa demande d’asile.

Le cadre juridique

Le droit international

La CEDH

3

L’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), énonce :

« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

La convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

4

Conformément à son sixième considérant, la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, adoptée à New York le 10 décembre 1984 (ci-après la « convention contre la torture »), vise à « accroître l’efficacité de la lutte contre la torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants dans le monde entier ».

5

L’article 2, paragraphes 1 et 2, de cette convention dispose :

« 1. Tout État partie prend des mesures législatives, administratives, judiciaires et autres mesures efficaces pour empêcher que des actes de torture soient commis dans tout territoire sous sa juridiction.

2. Aucune circonstance exceptionnelle, quelle qu’elle soit, qu’il s’agisse de l’état de guerre ou de menace de guerre, d’instabilité politique intérieure ou de tout autre état d’exception, ne peut être invoquée pour justifier la torture. »

6

L’article 3 de ladite convention prévoit :

« 1. Aucun État partie n’expulsera, ne refoulera, ni n’extradera une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture.

2. Pour déterminer s’il y a de tels motifs, les autorités compétentes tiendront compte de toutes les considérations pertinentes, y compris, le cas échéant, de l’existence, dans l’État intéressé, d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives. »

7

L’article 14, paragraphe 1, de la même convention dispose :

« Tout État partie garantit, dans son système juridique, à la victime d’un acte de torture, le droit d’obtenir réparation et d’être indemnisée équitablement et de manière adéquate, y compris les moyens nécessaires à sa réadaptation la plus complète possible. En cas de mort de la victime résultant d’un acte de torture, les ayants cause de celle-ci ont droit à indemnisation. »

Le droit de l’Union

La directive 2004/83

8

Les considérants 6 et 25 de la directive 2004/83 énoncent :

« (6)

L’objectif principal de la présente directive est, d’une part, d’assurer que tous les États membres appliquent des critères communs pour l’identification des personnes qui ont réellement besoin de protection internationale et, d’autre part, d’assurer un niveau minimal d’avantages à ces personnes dans tous les États membres.

[...]

(25)

Il convient de fixer les critères que doivent remplir les demandeurs d’une protection internationale pour pouvoir bénéficier de la protection subsidiaire. Ces critères devraient être définis sur la base des obligations internationales au titre des instruments relatifs aux droits de l’homme et des pratiques déjà existantes dans les États membres. »

9

L’article 2 de cette directive dispose :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

e)

“personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire”, tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 15, l’article 17, paragraphes 1 et 2, n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ;

[...] »

10

Aux termes de l’article 4, paragraphe 4, de ladite directive :

« Le fait qu’un demandeur a déjà été persécuté ou a déjà subi des atteintes graves ou a déjà fait l’objet de menaces directes d’une telle persécution ou de telles atteintes est un indice sérieux de la crainte fondée du demandeur d’être persécuté ou du risque réel de subir des atteintes graves, sauf s’il existe de bonnes raisons de penser que cette persécution ou ces atteintes graves ne se reproduiront pas. »

11

L’article 6 de la même directive énonce :

« Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être :

a)

l’État ;

b)

des partis ou organisations qui contrôlent l’État ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

c)

des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves au sens de l’article 7. »

12

L’article 15 de la directive 2004/83 prévoit :

« Les atteintes graves sont :

a)

la peine de mort ou l’exécution, ou

b)

la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine, ou

c)

des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international. »

13

Aux termes de l’article 16 de cette directive :

« 1. Un ressortissant d’un pays tiers ou un apatride cesse d’être une personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire lorsque les circonstances qui ont justifié l’octroi de cette protection cessent d’exister ou ont évolué dans une mesure telle que cette protection n’est plus nécessaire.

2. Aux fins de l’application du paragraphe 1, les États membres tiennent compte du changement de circonstances, en déterminant s’il est suffisamment important et non provisoire pour que la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire ne coure plus de risque réel de subir des atteintes graves. »

14

L’article 18 de ladite directive dispose :

« Les États membres octroient le statut conféré par la protection subsidiaire à un ressortissant d’un pays tiers ou à un apatride qui remplit les conditions pour être une personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire conformément aux chapitres II et V. »

La directive 2008/115/CE

15

L’article 5 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (JO 2008, L 348, p. 98), est libellé comme suit :

« Lorsqu’ils mettent en œuvre la présente directive, les États membres tiennent dûment compte :

a)

de l’intérêt supérieur de l’enfant,

b)

de la vie familiale,

c)

de l’état de santé du ressortissant concerné d’un pays tiers,

et respectent le principe de non-refoulement. »

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