Secretary of State for Work and Pensions v Taous Lassal.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2010:592
Date07 October 2010
Celex Number62009CJ0162
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-162/09

Affaire C-162/09

Secretary of State for Work and Pensions

contre

Taous Lassal

(demande de décision préjudicielle, introduite par

la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division))

«Renvoi préjudiciel — Libre circulation des personnes — Directive 2004/38/CE — Article 16 — Droit de séjour permanent — Application dans le temps — Périodes accomplies avant la date de transposition»

Sommaire de l'arrêt

Citoyenneté de l'Union européenne — Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres — Directive 2004/38 — Droit de séjour permanent des citoyens de l'Union

(Directive du Parlement européen et du Conseil 2004/38, art. 16, § 1 et 4)

L’article 16, paragraphes 1 et 4, de la directive 2004/38, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement nº 1612/68 et abrogeant les directives 64/221, 68/360, 72/194, 73/148, 75/34, 75/35, 90/364, 90/365 et 93/96, doit être interprété en ce sens que :

- des périodes de séjour ininterrompu de cinq ans, accomplies avant la date de transposition de la directive 2004/38, à savoir le 30 avril 2006, conformément à des instruments du droit de l’Union antérieurs à cette date, doivent être prises en considération aux fins de l’acquisition du droit de séjour permanent au titre de l’article 16, paragraphe 1, de cette directive, et

- des absences de l’État membre d’accueil, inférieures à deux ans consécutifs, intervenues avant le 30 avril 2006 et postérieurement à un séjour légal ininterrompu de cinq ans accompli avant cette date, ne sont pas de nature à affecter l’acquisition du droit de séjour permanent au titre dudit article 16, paragraphe 1.

Certes, l’obtention d’un droit de séjour permanent en raison d’un séjour légal pendant une période ininterrompue de cinq ans sur le territoire de l’État membre d’accueil, prévu à l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2004/38, ne figurait pas dans les instruments du droit de l’Union adoptés pour l’application de l’article 18 CE, antérieurement à l’intervention de cette directive. Toutefois, une interprétation selon laquelle seules les périodes de séjour légal ininterrompu de cinq ans commençant après le 30 avril 2006 devraient être prises en compte aux fins de l’acquisition de ce droit de séjour permanent aboutit à ce qu’un tel droit ne pourrait être accordé qu’à partir du 30 avril 2011. Une telle interprétation reviendrait à priver les séjours accomplis par les citoyens de l’Union conformément à des instruments de droit de l’Union antérieurs au 30 avril 2006 de tout effet aux fins de l’acquisition dudit droit de séjour permanent, ce qui est contraire à la finalité de la directive 2004/38 et prive cette dernière de son effet utile. En outre, l’interprétation selon laquelle seules les périodes de séjour légal ininterrompu de cinq ans prenant fin le 30 avril 2006 ou après cette date devraient être prises en considération, aux fins de l’acquisition du droit de séjour permanent prévu à l’article 16 de la directive 2004/38, est également contraire à la finalité et à l’effet utile de cette directive. En effet, le législateur de l’Union a subordonné l’obtention d’un droit de séjour permanent au titre de l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2004/38 à l’intégration du citoyen de l’Union dans l’État membre d’accueil. Or, il serait incompatible avec l’idée d’intégration qui sous-tend l’article 16 de ladite directive de considérer que le degré requis d’intégration dans l’État membre d’accueil dépend du point de savoir si le séjour ininterrompu de cinq ans a pris fin avant le 30 avril 2006 ou après cette date. Par ailleurs, dans la mesure où le droit de séjour permanent prévu à l’article 16 de la directive 2004/38 ne saurait être acquis qu’à partir du 30 avril 2006, la prise en compte des périodes de séjour accomplies avant cette date a pour conséquence non pas de donner un effet rétroactif à l’article 16 de la directive 2004/38, mais simplement d’octroyer un effet actuel à des situations nées antérieurement à la date de transposition de cette directive.

En outre, tant les objectifs et la finalité de la directive 2004/38, visant à faciliter l’exercice du droit fondamental de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres ainsi qu’à renforcer ce droit fondamental, que, plus précisément, ceux de l’article 16 de cette directive, visant à promouvoir la cohésion sociale et à renforcer le sentiment de citoyenneté de l’Union au moyen du droit de séjour permanent, se verraient sérieusement compromis si ce droit de séjour était refusé à des citoyens de l’Union ayant séjourné légalement sur le territoire de l’État membre d’accueil pendant une période ininterrompue de cinq ans accomplie avant le 30 avril 2006, au seul motif que des absences temporaires, d’une durée inférieure à deux ans consécutifs, seraient intervenues postérieurement à cette période mais avant cette même date. De plus, dans la mesure où les périodes de séjour de cinq ans accomplies avant le 30 avril 2006 doivent être prises en compte aux fins de l’acquisition du droit de séjour permanent prévu à l’article 16, paragraphe 1, de la directive 2004/38, cet article 16, paragraphe 4, doit nécessairement être applicable auxdites périodes. À défaut, les États membres seraient tenus d’accorder, en vertu dudit article 16, ce droit de séjour permanent même en cas d’absences importantes qui remettent en cause le lien entre la personne concernée et l’État membre d’accueil.

(cf. points 33, 35-38, 53, 56, 59 et disp.)







ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

7 octobre 2010 (*)

«Renvoi préjudiciel – Libre circulation des personnes – Directive 2004/38/CE – Article 16 – Droit de séjour permanent – Application dans le temps – Périodes accomplies avant la date de transposition»

Dans l’affaire C‑162/09,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) (Royaume-Uni), par décision du 10 mars 2009, parvenue à la Cour le 8 mai 2009, dans la procédure

Secretary of State for Work and Pensions

contre

Taous Lassal,

en présence de:

The Child Poverty Action Group,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président de chambre, Mme R. Silva de Lapuerta (rapporteur), MM. G. Arestis, J. Malenovský et T. von Danwitz, juges,

avocat général: Mme V. Trstenjak,

greffier: M. N. Nanchev, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 17 mars 2010,

considérant les observations présentées:

– pour The Child Poverty Action Group, par Mme S. Clarke, solicitor, M. R. Drabble, QC, et M. R. Turney, barrister,

– pour le gouvernement du Royaume-Uni, par MM. L. Seeboruth et S. Ossowski, en qualité d’agents, assistés de M. D. Beard, barrister,

– pour le gouvernement belge, par Mme L. Van den Broeck, en qualité d’agent,

– pour la Commission européenne, par Mme D. Maidani et M. M. Wilderspin, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 11 mai 2010,

rend le présent

Arrêt

1 La demande préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 16 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) n° 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO L 158, p. 77, et rectificatifs JO 2004 L 229, p. 35, JO 2005, L 197, p. 34, et JO 2007, L 204, p. 28).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Mme Lassal au Secretary of State for Work and Pensions (ministre du Travail et des Pensions, ci-après le «Secretary of State»). Le Child Poverty Action Group (ci-après le «CPAG») est partie intervenante au litige au principal, au soutien de Mme Lassal.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3 L’article 45 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, intitulé «Liberté de circulation et de séjour», dispose:

«1. Tout citoyen de l’Union a le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres.

2. La liberté de circulation et de séjour peut être accordée, conformément aux traités, aux ressortissants de pays tiers résidant légalement sur le territoire d’un État membre.»

4 Selon les premier à troisième ainsi que dix-septième à dix-neuvième considérants de la directive 2004/38:

«(1) La citoyenneté de l’Union confère à chaque citoyen de l’Union un droit fondamental et individuel de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, sous réserve des limitations et des restrictions fixées par le traité et des mesures adoptées en vue de leur application.

(2) La libre circulation des personnes constitue une des libertés fondamentales du marché intérieur, qui comporte un espace sans frontières intérieures dans lequel cette liberté est assurée selon les dispositions du traité.

(3) La citoyenneté de l’Union devrait constituer le statut de base des ressortissants des États membres lorsqu’ils exercent leur droit de circuler et de séjourner librement. Il est par conséquent nécessaire de codifier et de revoir les instruments communautaires existants qui visent séparément les travailleurs salariés, les non salariés, les étudiants et autres personnes sans emploi en vue de simplifier et de renforcer le droit à la liberté de circulation et de séjour de tous les citoyens de l’Union.

[…]

(17) La jouissance d’un séjour permanent pour les citoyens de l’Union qui ont choisi de s’installer durablement dans l’État membre d’accueil renforcerait le sentiment de citoyenneté de l’Union et est un élément clef pour promouvoir la cohésion sociale, qui est l’un des...

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