Federico Cipolla v Rosaria Fazari, née Portolese (C-94/04) and Stefano Macrino and Claudia Capoparte v Roberto Meloni (C-202/04).

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2006:758
Date05 December 2006
Celex Number62004CJ0094
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-94/04,C-202/04

Affaires jointes C-94/04 et C-202/04

Federico Cipolla e.a.

contre

Rosaria Portolese, épouse Fazari et Roberto Meloni

(demandes de décision préjudicielle, introduites par la Corte d'appello

di Torino et par le Tribunale di Roma)

«Règles communautaires en matière de concurrence — Régimes nationaux relatifs au tarif des honoraires d'avocat — Fixation de tarifs professionnels — Libre prestation des services»

Conclusions de l'avocat général M. M. Poiares Maduro, présentées le 1er février 2006

Arrêt de la Cour (grande chambre) du 5 décembre 2006

Sommaire de l'arrêt

1. Questions préjudicielles — Compétence de la Cour

(Art. 234 CE)

2. Concurrence — Règles communautaires — Obligations des États membres

(Art. 10 CE, 81 CE et 82 CE)

3. Libre prestation des services — Dispositions du traité — Champ d'application

(Art. 49 CE)

4. Libre prestation des services — Restrictions

(Art. 49 CE)

1. Lorsque, dans le cadre d'une question préjudicielle, tous les éléments du litige dont est saisie la juridiction de renvoi sont cantonnés à l'intérieur d'un seul État membre, une réponse peut néanmoins être utile à la juridiction de renvoi, notamment dans l'hypothèse où le droit national imposerait de faire bénéficier un ressortissant dudit État membre des mêmes droits que ceux qu'un ressortissant d'un autre État membre tirerait du droit communautaire dans la même situation.

(cf. point 30)

2. S'il est vrai que, par eux-mêmes, les articles 81 CE et 82 CE concernent uniquement le comportement des entreprises et ne visent pas des mesures législatives ou réglementaires émanant des États membres, il n'en reste pas moins que ces articles, lus en combinaison avec l'article 10 CE, qui instaure un devoir de coopération, imposent aux États membres de ne pas prendre ou maintenir en vigueur des mesures, même de nature législative ou réglementaire, susceptibles d'éliminer l'effet utile des règles de concurrence applicables aux entreprises. Il y a violation des articles 10 CE et 81 CE lorsqu'un État membre soit impose ou favorise la conclusion d'ententes contraires à l'article 81 CE ou renforce les effets de telles ententes, soit retire à sa propre réglementation son caractère étatique en déléguant à des opérateurs privés la responsabilité de prendre des décisions d'intervention d'intérêt économique.

À cet égard, on ne saurait considérer qu'un État membre a délégué à des opérateurs privés la responsabilité de prendre des décisions d'intervention en matière économique, ce qui aurait pour conséquence d'enlever à la réglementation son caractère étatique, lorsque, d'une part, l'organisation professionnelle concernée n'est chargée que d'établir un projet de tarif qui, en tant que tel, est dénué de force obligatoire, le ministre ayant le pouvoir de faire amender le projet par ladite organisation, et que, d'autre part, la réglementation nationale prévoit que la liquidation des honoraires est effectuée par les autorités judiciaires sur la base des critères visés par la même réglementation et, par ailleurs, autorise, dans certaines circonstances exceptionnelles, le juge à déroger, par une décision dûment motivée, aux limites maximales et minimales fixées. Dans ces conditions, il ne saurait non plus être reproché à l'État membre d'imposer ou de favoriser la conclusion d'ententes contraires à l'article 81 CE ou d'en renforcer les effets, ou encore d'imposer ou de favoriser des abus de position dominante contraires à l'article 82 CE ou de renforcer les effets de tels abus.

Il en résulte que les articles 10 CE, 81 CE et 82 CE ne s'opposent pas à l'adoption par un État membre d'une mesure normative qui approuve, sur la base d'un projet établi par un ordre professionnel d'avocats, un tarif fixant une limite minimale pour les honoraires des membres de la profession d'avocat, tarif auquel il ne peut, en principe, être dérogé s'agissant tant de prestations réservées à ces membres que de celles, telles les prestations de services extrajudiciaires, qui peuvent être effectuées également par tout autre opérateur économique non soumis audit tarif.

(cf. points 46-47, 50-54, disp. 1)

3. L'article 49 CE exige non seulement l'élimination de toute discrimination à l'encontre du prestataire de services établi dans un autre État membre en raison de sa nationalité, mais également la suppression de toute restriction, même si cette restriction s'applique indistinctement aux prestataires nationaux et à ceux d'autres États membres, lorsqu'elle est de nature à prohiber ou à gêner davantage les activités du prestataire établi dans un autre État membre, où il fournit légalement des services analogues.

En outre, ledit article 49 CE s'oppose à l'application de toute réglementation nationale ayant pour effet de rendre la prestation de services entre États membres plus difficile que la prestation de services purement interne à un État membre.

(cf. points 56-57)

4. Une interdiction imposée par un État membre de déroger, par convention, aux honoraires minimaux fixés par un tarif des honoraires d'avocat pour des prestations qui sont, d'une part, de nature juridique et, d'autre part, réservées aux avocats est de nature à rendre plus difficile l'accès des avocats établis dans un autre État membre au marché des prestations juridiques du premier État membre et, dès lors, est propre à restreindre l'exercice de leurs activités de prestation de services dans cet État membre. Partant, cette interdiction s'analyse comme une restriction au sens de l'article 49 CE.

En effet, ladite interdiction prive les avocats établis dans un autre État membre de la possibilité de livrer, par la demande d'honoraires inférieurs à ceux fixés par le tarif, une concurrence plus efficace aux avocats installés de façon stable dans l'État membre concerné et disposant, de ce fait, de plus grandes facilités que les avocats établis à l'étranger pour s'attacher une clientèle.

De même, l'interdiction ainsi prévue limite le choix des destinataires de services dudit État membre, car ces derniers ne peuvent pas recourir aux services d'avocats établis dans d'autres États membres qui offriraient dans cet État membre leurs prestations à un prix moindre que celui résultant des honoraires minimaux fixés par le tarif.

Toutefois, une telle interdiction peut être justifiée dès lors qu'elle répond à des raisons impérieuses d'intérêt général, pour autant qu'elle est propre à garantir la réalisation de l'objectif qu'elle poursuit et ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre.

À cet égard, la protection, d'une part, des consommateurs, notamment des destinataires des services judiciaires fournis par des auxiliaires de justice, et, d'autre part, de la bonne administration de la justice sont des objectifs figurant au nombre de ceux qui peuvent être considérés comme des raisons impérieuses d'intérêt général susceptibles de justifier une restriction à la libre prestation des services, à la double condition que la mesure nationale en cause au principal soit propre à garantir la réalisation de l'objectif poursuivi et qu'elle n'aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif.

Il incombe à la juridiction nationale de décider si la restriction à la libre prestation de services instaurée par la réglementation nationale respecte ces conditions. À cette fin, il lui appartiendra de tenir compte des éléments suivants.

Ainsi, il conviendra de vérifier, en particulier, s'il existe une corrélation entre le niveau des honoraires et la qualité des prestations fournies par les avocats et si, notamment, la fixation de tels honoraires minimaux constitue une mesure appropriée permettant d'atteindre les objectifs poursuivis, à savoir la protection des consommateurs et la bonne administration de la justice.

S'il est vrai qu'un tarif imposant des honoraires minimaux ne saurait empêcher des membres de la profession d'offrir des services de qualité médiocre, il ne saurait être a priori exclu qu'un tel tarif permette d'éviter que les avocats ne soient incités, dans le contexte d'un marché qui est caractérisé par la présence d'un nombre extrêmement élevé d'avocats inscrits et en activité, à se livrer une concurrence pouvant se traduire par l'offre de prestations au rabais, avec le risque d'une détérioration de la qualité des services fournis.

Il conviendra également de tenir compte des particularités propres tant au marché en cause qu'aux services en cause et, notamment, du fait que, dans le domaine des prestations d'avocat, il existe normalement une asymétrie de l'information entre les «clients-consommateurs» et les avocats. En effet, les avocats disposent d'un niveau élevé de compétences techniques que les consommateurs ne possèdent pas nécessairement, de sorte que ces derniers éprouvent des difficultés pour apprécier la qualité des services qui leur sont fournis.

Cependant, il y aura lieu, pour la juridiction nationale, de vérifier si des règles professionnelles relatives aux avocats, notamment des règles d'organisation, de qualification, de déontologie, de contrôle et de responsabilité, sont en elles-mêmes suffisantes pour atteindre les objectifs de protection des consommateurs et de bonne administration de la justice.

Il en résulte qu'une réglementation interdisant de manière absolue de déroger, par convention, aux honoraires minimaux fixés par un tarif des honoraires d'avocat pour des prestations qui sont, d'une part, de nature juridique et, d'autre part, réservées aux avocats constitue une restriction à la libre prestation de services prévue à l'article 49 CE. Il appartient à la juridiction nationale de vérifier si une telle réglementation, au regard de ses modalités concrètes d'application, répond véritablement aux objectifs de protection des consommateurs et de bonne administration de la justice susceptibles de la justifier et si les restrictions qu'elle impose n'apparaissent pas disproportionnées au regard de ces objectifs.

(cf. points 58-61, 64-70...

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