Dragoș Constantin Târșia v Statul român and Serviciul Public Comunitar Regim Permise de Conducere si Inmatriculare a Autovehiculelor.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2015:662
Date06 October 2015
Celex Number62014CJ0069
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-69/14
62014CJ0069

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

6 octobre 2015 ( * )

«Renvoi préjudiciel — Principes d’équivalence et d’effectivité — Autorité de la chose jugée — Répétition de l’indu — Restitution des taxes perçues par un État membre en violation du droit de l’Union — Décision juridictionnelle définitive imposant le paiement d’une taxe incompatible avec le droit de l’Union — Demande en révision d’une telle décision juridictionnelle — Législation nationale permettant la révision, au regard des arrêts postérieurs de la Cour rendus à titre préjudiciel, des seules décisions juridictionnelles définitives rendues en matière administrative»

Dans l’affaire C‑69/14,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunalul Sibiu (tribunal de grande instance de Sibiu, Roumanie), par décision du 16 janvier 2014, parvenue à la Cour le 10 février 2014, dans la procédure

Dragoș Constantin Târșia

contre

Statul român,

Serviciul public comunitar regim permise de conducere și înmatriculare a autovehiculelor,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, M. K. Lenaerts, vice-président, MM. M. Ilešič (rapporteur), L. Bay Larsen, T. von Danwitz, A. Ó Caoimh et J.‑C. Bonichot, présidents de chambre, M. A. Arabadjiev, Mmes C. Toader, M. Berger, A. Prechal, MM. E. Jarašiūnas et C. G. Fernlund, juges,

avocat général: M. N. Jääskinen,

greffier: Mme L. Carrasco Marco, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 27 janvier 2015,

considérant les observations présentées:

pour M. Târșia, par lui-même,

pour le gouvernement roumain, par MM. R. Radu et V. Angelescu ainsi que par Mme D. Bulancea, en qualité d’agents,

pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna ainsi que par Mmes B. Czech et K. Pawłowska, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par MM. R. Lyal et G.‑D. Bălan, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 23 avril 2015,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 110 TFUE, de l’article 6 TUE, des articles 17, 20, 21 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ainsi que de principes généraux du droit de l’Union.

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Târşia au Statul român (État roumain), représenté par le ministère des Finances et de l’Économie (Ministerul Finanţelor şi Economiei) et au Serviciul public comunitar regim permise de conducere şi înmatriculare a autovehiculelor (Service public communautaire portant sur le régime des permis de conduire et de l’immatriculation des véhicules automobiles), au sujet d’un recours en révision d’une décision définitive, rendue par une juridiction nationale, imposant à M. Târşia le paiement d’une taxe ultérieurement jugée incompatible avec le droit de l’Union.

Le cadre juridique roumain

3

L’article 21 de la loi no 554/2004, sur le contentieux administratif (Legea contenciosului administrativ nr. 554/2004), du 2 décembre 2004 (Monitorul Oficial al României, partie I, no 1154 du 7 décembre 2004, ci-après la «loi sur le contentieux administratif»), telle qu’en vigueur à la date de l’introduction de la demande en révision, prévoyait:

«1) Des voies de recours prévues par le code de procédure civile peuvent être exercées contre les décisions définitives et irrévocables prononcées par les instances du contentieux administratif.

2) Constitue un motif de révision, qui s’ajoute à ceux prévus par le code de procédure civile, le prononcé d’un jugement définitif et irrévocable, en violation du principe de primauté du droit [de l’Union] prévu à l’article 148, paragraphe 2, lu en combinaison avec l’article 20, paragraphe 2, de la Constitution de la Roumanie, telle que republiée. La demande de révision est introduite dans les 15 jours qui suivent la date de la communication, laquelle est faite, par dérogation à la règle consacrée à l’article 17, paragraphe 3, sur demande dûment motivée de la partie intéressée, dans les 15 jours qui suivent la date du prononcé de la décision. Il est statué en urgence et prioritairement sur la demande de révision et dans un délai maximal de 60 jours à compter de son enregistrement.»

Le litige au principal et la question préjudicielle

4

M. Târşia, un ressortissant roumain, a acheté en France, le 3 mai 2007, un véhicule automobile d’occasion. Afin de procéder à l’immatriculation de ce véhicule en Roumanie, le 5 juin 2007, il a dû s’acquitter d’un montant de 6899,51 lei roumains (RON) (environ 1560 euros) au titre de la taxe spéciale sur les véhicules de tourisme, exigible en vertu des articles 214 bis et 214 ter du code fiscal, dans leur version en vigueur à la date de l’immatriculation dudit véhicule.

5

Considérant que cette taxe est incompatible avec l’article 110 TFUE, M. Târşia a entamé, devant la Judecătoria Sibiu (tribunal de première instance de Sibiu), une procédure de nature civile afin d’obtenir la restitution du montant de ladite taxe. Cette juridiction a, en condamnant l’État roumain par jugement du 13 décembre 2007, fait droit à cette demande, au motif que la même taxe est contraire à l’article 110 TFUE.

6

L’État roumain, représenté par le ministère des Finances et de l’Économie, s’est pourvu en cassation contre ce jugement. Par la décision no 401/2008, la section civile du Tribunalul Sibiu (tribunal de grande instance de Sibiu) a limité la restitution de la taxe spéciale sur les véhicules de tourisme acquittée par M. Târşia à un montant égal à la différence entre cette taxe et celle, postérieure, sur la pollution exigible en vertu de l’ordonnance d’urgence du gouvernement no 50/2008, établissant la taxe sur la pollution des véhicules automobiles (Ordonanţă de urgenţă a Guvernului nr. 50/2008 pentru instituirea taxei pe poluare pentru autovehicule) du 21 avril 2008 (Monitorul Oficial al României, partie I, no 327 du 25 avril 2008).

7

Cette dernière décision a fait l’objet d’un recours en révision introduit par M. Târşia le 29 septembre 2011 devant le Tribunalul Sibiu (tribunal de grande instance de Sibiu). M. Târşia a demandé, sur le fondement de l’article 21, paragraphe 2, de la loi sur le contentieux administratif, d’une part, l’annulation de la décision no 401/2008 de cette juridiction et, d’autre part, qu’il soit de nouveau statué, au motif que la Cour aurait dit pour droit, dans son arrêt Tatu (C‑402/09, EU:C:2011:219), que l’article 110 TFUE s’oppose à une taxe telle que celle sur la pollution résultant de ladite ordonnance d’urgence du gouvernement no 50/2008. M. Târşia considère, par conséquent, qu’il a été fait droit au pourvoi de l’État roumain en violation du principe de primauté du droit de l’Union et que la taxe spéciale sur les véhicules de tourisme acquittée devrait lui être restituée dans son entièreté.

8

La juridiction de renvoi relève à cet égard que les règles procédurales applicables au contentieux civil ne prévoient pas la possibilité d’introduire un recours en révision d’une décision juridictionnelle définitive en raison d’une violation du droit de l’Union, alors qu’un tel recours peut être introduit selon les règles procédurales régissant le contentieux administratif.

9

Dans ces conditions, le Tribunalul Sibiu (tribunal de grande instance de Sibiu) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Les articles 17, 20, 21 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, l’article 6 TUE, l’article 110 TFUE, et le principe de sécurité juridique résultant du droit [de l’Union] et de la jurisprudence de la [Cour] doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation telle que l’article 21, paragraphe 2, de la [loi sur le contentieux administratif] qui prévoit que seules les décisions des juridictions internes prononcées en matière de contentieux administratif peuvent faire l’objet d’une révision en cas de violation du principe de primauté du droit [de l’Union] et ne permet pas de réviser les décisions des juridictions internes prononcées dans les domaines autres que celui du contentieux administratif (civil, pénal) lorsque ce même principe de primauté du droit [de l’Union] est violé par l’une de ces décisions?»

Sur la question préjudicielle

Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle

10

Le gouvernement roumain estime que la présente demande de décision préjudicielle n’est pas recevable. À cet égard, ce gouvernement soutient, en premier lieu, que le rapport juridique entre M. Târşia et l’État roumain relève du droit fiscal. Par conséquent, le droit procédural applicable à la demande de M. Târşia serait le droit procédural fiscal, lequel relève du droit du contentieux administratif. Dans ces conditions, bien que ce soit la formation de la juridiction de renvoi, compétente en matière civile, ayant rendu la décision no 401/2008 qui a été saisie du recours en révision de cette décision, cette juridiction serait tenue d’appliquer le droit procédural du contentieux administratif, y compris les dispositions concernant le motif d’ouverture du recours en révision prévu à l’article 21, paragraphe 2, de la loi sur le contentieux administratif.

11

En second lieu, le gouvernement roumain soutient que M. Târşia aurait pu exercer un recours extraordinaire en annulation de ladite décision. Cette voie de droit aurait permis le renvoi de l’affaire considérée à la formation en charge du contentieux administratif, qui aurait pu appliquer l’article 21, paragraphe 2, de la loi sur le contentieux administratif. L’ordre juridique roumain...

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