France Télécom SA v Commission of the European Communities.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2009:214
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-202/07
Date02 April 2009
Celex Number62007CJ0202
Procedure TypeRecurso de anulación

Affaire C-202/07 P

France Télécom SA

contre

Commission des Communautés européennes

«Pourvoi — Abus de position dominante — Marché des services d'accès à Internet à haut débit — Prix prédateurs — Récupération des pertes — Droit à l'alignement»

Sommaire de l'arrêt

1. Procédure — Motivation des arrêts — Portée

(Statut de la Cour de justice, art. 36)

2. Pourvoi — Moyens — Impossibilité de faire valoir des moyens ayant fait l'objet d'une renonciation en première instance ou d'une déclaration d'irrecevabilité elle-même non contestée

(Statut de la Cour de justice, art. 58)

3. Concurrence — Position dominante — Abus — Pratique de prix inférieurs à un certain niveau de coûts

(Art. 82 CE)

1. L'obligation pour le Tribunal de motiver ses décisions ne saurait être interprétée comme impliquant que celui-ci soit tenu de répondre dans le détail à chaque argument invoqué par le requérant, en particulier s'il ne revêt pas un caractère suffisamment clair et précis et ne repose pas sur des éléments de preuve circonstanciés.

(cf. points 30, 117)

2. Dans le cadre d'un pourvoi, le requérant n'est pas recevable à se prévaloir de moyens que le Tribunal a rejetés comme irrecevables, alors que cette déclaration d'irrecevabilité n'est pas mise en cause.

(cf. point 93)

3. La possibilité de récupération des pertes subies du fait de l'application, par une entreprise en position dominante, de prix inférieurs à un certain niveau de coûts ne constitue pas une condition nécessaire afin d'établir le caractère abusif d'une telle politique de prix. Cela n'exclut pas que la Commission puisse considérer une telle possibilité de récupération des pertes comme étant un élément pertinent dans l'appréciation du caractère abusif de la pratique en question, en ce qu'elle peut contribuer, par exemple, à exclure, en cas d'application de prix inférieurs à la moyenne des coûts variables, des justifications économiques autres que l'élimination d'un concurrent, ou à établir, en cas d'application de prix inférieurs à la moyenne des coûts totaux mais supérieurs à la moyenne des coûts variables, l'existence d'un plan ayant pour but d'éliminer un concurrent. Du reste, l'absence de toute possibilité de récupération des pertes ne saurait suffire à exclure que l'entreprise en question parvienne à renforcer sa position dominante à la suite, notamment, de la sortie du marché d'un ou de plusieurs de ses concurrents, de sorte que le degré de concurrence existant sur le marché, déjà affaibli en raison précisément de la présence de l'entreprise en question, soit réduit davantage et que les consommateurs subissent un dommage du fait de la limitation de leurs possibilités de choix.

(cf. points 110-112)







ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

2 avril 2009 (*)

«Pourvoi – Abus de position dominante – Marché des services d’accès à Internet à haut débit – Prix prédateurs – Récupération des pertes – Droit à l’alignement»

Dans l’affaire C‑202/07 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice, introduit le 10 avril 2007,

France Télécom SA, établie à Paris (France), représentée par Mes J. Philippe, H. Calvet, O.W. Brouwer et T. Janssens, avocats,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant:

Commission des Communautés européennes, représentée par M. E. Gippini Fournier, en qualité d’agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (première chambre),

composée de M. P. Jann, président de chambre, MM. M. Ilešič, A. Tizzano (rapporteur), A. Borg Barthet et J.-J. Kasel, juges,

avocat général: M. J. Mazák,

greffier: M. M.-A. Gaudissart, chef d’unité,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 3 avril 2008,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 25 septembre 2008,

rend le présent

Arrêt

1 Par son pourvoi, France Télécom SA (ci-après «France Télécom») demande à la Cour d’annuler l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 30 janvier 2007, France Télécom/Commission (T-340/03, Rec. p. II‑107, ci‑après l’«arrêt attaqué»), par lequel le Tribunal a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la Commission du 16 juillet 2003 relative à une procédure d’application de l’article 82 CE (affaire COMP/38.233 – Wanadoo Interactive, ci‑après la «décision litigieuse»).

Les antécédents du litige, la procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

2 Wanadoo Interactive SA (ci-après «WIN») était à l’époque des faits litigieux une société du groupe France Télécom active, en France, dans le secteur des services d’accès à Internet, y compris les services ADSL (Asymmetric Digital Subscriber Line, ligne numérique à paire asymétrique).

3 À l’article 1er de la décision litigieuse, la Commission des Communautés européennes a constaté que, du mois de mars 2001 au mois d’octobre 2002, WIN «a enfreint l’article [82 CE] en pratiquant pour ses services eXtense et Wanadoo ADSL des prix prédateurs ne lui permettant pas de couvrir ses coûts variables jusqu’en août 2001 et ne lui permettant pas de couvrir ses coûts complets à partir d’août 2001, dans le cadre d’un plan visant à préempter le marché de l’accès à Internet à haut débit dans une phase importante de son développement». À l’article 2 de cette décision, la Commission lui a, dès lors, ordonné de mettre fin à cette infraction et, à l’article 4 de ladite décision, lui a infligé une amende de 10,35 millions d’euros.

4 Le 2 octobre 2003, WIN, aux droits de laquelle est venue France Télécom à la suite d’une opération de fusion intervenue le 1er septembre 2004, a saisi le Tribunal d’un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse. Ce recours a été rejeté par l’arrêt attaqué.

5 Dans son recours en annulation, WIN a, en particulier, soulevé un moyen tiré de la violation par la Commission de l’article 82 CE. Par l’une des branches de ce moyen, WIN a fait valoir que la Commission n’avait pas établi à suffisance de droit l’abus de position dominante commis par elle sous la forme de l’application de prix prédateurs pour les services en cause du mois de mars 2001 au mois d’octobre 2002 et avait commis une série d’erreurs de droit.

6 La branche en question se composait de deux groupes d’arguments relatifs, respectivement, à la méthode suivie par la Commission pour le calcul du taux de couverture des coûts et à l’application par celle-ci du test de prédation.

7 S’agissant des arguments relatifs à la méthode de calcul du taux de couverture des coûts, le Tribunal a, à titre liminaire, rappelé, aux points 129 et 130 de l’arrêt attaqué, le large pouvoir d’appréciation reconnu à la Commission en matière d’appréciation économique complexe ainsi que les critères dégagés par la jurisprudence afin de considérer un prix comme prédateur.

8 Se référant, notamment, aux arrêts du 3 juillet 1991, AKZO/Commission (C‑62/86, Rec. p. I‑3359), et du 14 novembre 1996, Tetra Pak/Commission (C‑333/94 P, Rec. p. I‑5951), le Tribunal a, au point 130 de l’arrêt attaqué, rappelé que, «d’une part, des prix inférieurs à la moyenne des coûts variables permettent de présumer le caractère éliminatoire d’une pratique de prix et que, d’autre part, des prix inférieurs à la moyenne des coûts totaux mais supérieurs à la moyenne des coûts variables doivent être considérés comme abusifs lorsqu’ils sont fixés dans le cadre d’un plan ayant pour but d’éliminer un concurrent».

9 Cela étant rappelé, le Tribunal a, tout d’abord, constaté que, en l’espèce, la Commission, afin de calculer le taux de couverture des coûts, avait choisi la méthode de calcul des coûts retraités. Cette méthode est décrite au point 132 de l’arrêt attaqué dans les termes suivants:

«[...] Selon le principe de l’amortissement d’une immobilisation, la Commission a pris l’hypothèse d’un étalement des coûts d’acquisition de la clientèle sur 48 mois. Elle a, sur cette base, examiné séparément la couverture des coûts variables retraités et celle des coûts complets retraités, en affirmant que la Cour prévoit deux tests de couverture des coûts, selon que les agissements de l’entreprise dominante s’inscrivent ou non dans le cadre d’un plan visant à écarter des concurrents. [...]»

10 En appliquant ladite méthode des coûts retraités, la Commission a conclu, ainsi que l’a relevé le Tribunal au point 138 de l’arrêt attaqué, ce qui suit:

«[...] les prix pratiqués par WIN ne lui permettaient pas de couvrir ses coûts variables jusqu’en août 2001 ni ses coûts complets de janvier 2001 à octobre 2002 [...], la non‑couverture des coûts complets jusqu’en août 2001 ne faisant pas de doute compte tenu du niveau de couverture des coûts variables.»

11 Rejetant ensuite les allégations de WIN visant à démontrer que la méthode choisie par la Commission était statique et ne prenait pas en considération les variations des coûts tout au long de la période considérée de 48 mois, le Tribunal a observé, au point 143 de l’arrêt attaqué, que la Commission avait bien intégré, pour chaque période de l’infraction considérée ainsi que pour l’ensemble des abonnés, les baisses successives de tarifs intervenues au cours de la période durant laquelle l’infraction a duré et structuré son analyse en fonction de ces baisses.

12 En outre, le Tribunal a, au point 152 de l’arrêt attaqué, jugé que la Commission avait considéré à bon droit que les recettes ainsi que les coûts postérieurs au mois d’octobre 2002 et, partant, postérieurs à l’infraction ne sauraient entrer en ligne de compte pour évaluer le taux de couverture des coûts pendant ladite période.

13 Enfin, le Tribunal a, au point 153 de l’arrêt attaqué, estimé que, même à supposer, ainsi que le soutenait WIN, qu’il eût été adapté d’appliquer en l’espèce une autre méthode de calcul, en particulier celle visant à calculer la valeur nette actualisée des abonnés, cette circonstance ne saurait suffire à prouver l’illégalité de la méthode finalement retenue par la Commission.

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