Federación de Servicios Privados del sindicato Comisiones obreras (CC.OO.) v Tyco Integrated Security SL and Tyco Integrated Fire & Security Corporation Servicios SA.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2015:578
Docket NumberC-266/14
Celex Number62014CJ0266
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date10 September 2015
62014CJ0266

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

10 septembre 2015 ( *1 )

«Renvoi préjudiciel — Politique sociale — Directive 2003/88/CE — Protection de la sécurité et de la santé des travailleurs — Aménagement du temps de travail — Article 2, point 1 — Notion de ‘temps de travail’ — Travailleurs n’ayant pas de lieu de travail fixe ou habituel — Temps de déplacement entre le domicile des travailleurs et les sites du premier et du dernier clients»

Dans l’affaire C‑266/14,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Cour nationale (Audiencia Nacional, Espagne), par décision du 22 mai 2014, parvenue à la Cour le 2 juin 2014, dans la procédure

Federación de Servicios Privados del sindicato Comisiones obreras (CC.OO.)

contre

Tyco Integrated Security SL,

Tyco Integrated Fire & Security Corporation Servicios SA,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. M. Ilešič, président de chambre, M. A. Ó Caoimh (rapporteur), Mme C. Toader, MM. E. Jarašiūnas et C. G. Fernlund, juges,

avocat général: M. Y. Bot,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 22 avril 2015,

considérant les observations présentées:

pour la Federación de Servicios Privados del sindicato Comisiones obreras (CC.OO.), par Mes E. Lillo Pérez et F. Gualda Alcalá, abogados,

pour Tyco Integrated Security SL et Tyco Integrated Fire & Security Corporation Servicios SA, par Me J. Martínez Pérez de Espinosa, abogado,

pour le gouvernement espagnol, par Mme M. J. García‑Valdecasas Dorrego, en qualité d’agent,

pour le gouvernement tchèque, par M. M. Smolek, en qualité d’agent,

pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. F. Varrone, avvocato dello Stato,

pour le gouvernement du Royaume‑Uni, par MM. L. Christie et L. Barfoot, en qualité d’agents, assistés de Mme S. Lee, QC, et de M. G. Facenna, Barrister‑at‑Law,

pour la Commission européenne, par MM. M. van Beek et N. Ruiz García, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 11 juin 2015,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 2, point 1, de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail (JO L 299, p. 9).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la Federación de Servicios Privados del sindicato Comisiones obreras (CC.OO.) à Tyco Integrated Security SL et à Tyco Integrated Fire & Security Corporation Servicios SA (ci‑après, ensemble, «Tyco») au sujet du refus de ces derniers de considérer que le temps que consacrent leurs employés aux déplacements quotidiens entre leur domicile et les sites du premier et du dernier clients désignés par leur employeur (ci‑après le «temps de déplacement domicile‑clients») constitue du «temps de travail», au sens de l’article 2, point 1, de ladite directive.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

Aux termes du considérant 4 de la directive 2003/88:

«L’amélioration de la sécurité, de l’hygiène et de la santé des travailleurs au travail représente un objectif qui ne saurait être subordonné à des considérations de caractère purement économique.»

4

L’article 1er de cette directive dispose:

«1. La présente directive fixe des prescriptions minimales de sécurité et de santé en matière d’aménagement du temps de travail.

2. La présente directive s’applique:

a)

aux périodes minimales de repos journalier, de repos hebdomadaire et de congé annuel ainsi qu’au temps de pause et à la durée maximale hebdomadaire de travail, et

b)

à certains aspects du travail de nuit, du travail posté et du rythme de travail.

3. La présente directive s’applique à tous les secteurs d’activités, privés ou publics, au sens de l’article 2 de la directive 89/391/CEE [du Conseil, du 12 juin 1989, concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail (JO L 183, p. 1)], sans préjudice des articles 14, 17, 18 et 19 de la présente directive.

[...]

4. Les dispositions de la directive 89/391[...] s’appliquent pleinement aux matières visées au paragraphe 2, sans préjudice des dispositions plus contraignantes et/ou spécifiques contenues dans la présente directive.»

5

L’article 2 de ladite directive, intitulé «Définitions», prévoit, à ses points 1 et 2:

«Aux fins de la présente directive, on entend par:

1. ‘temps de travail’: toute période durant laquelle le travailleur est au travail, à la disposition de l’employeur et dans l’exercice de son activité ou de ses fonctions, conformément aux législations et/ou pratiques nationales;

2. ‘période de repos’: toute période qui n’est pas du temps de travail».

6

L’article 3 de la même directive, intitulé «Repos journalier», est libellé comme suit:

«Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie, au cours de chaque période de vingt‑quatre heures, d’une période minimale de repos de onze heures consécutives.»

Le droit espagnol

7

L’article 34 du statut des travailleurs, dans sa version résultant du décret législatif royal 1/1995 portant approbation du texte refondu de la loi portant statut des travailleurs (Real Decreto Legislativo 1/1995 por el que se aprueba el texto refundido de la Ley del Estatuto de los Trabajadores), du 24 mars 1995 (BOE no 75, du 29 mars 1995, p. 9654), dispose, à ses paragraphes 1, 3, et 5:

«1. La durée du temps de travail sera celle qui a été convenue dans les conventions collectives ou les contrats de travail.

La durée maximum du temps de travail ordinaire sera de 40 heures par semaine de travail effectif en moyenne calculée sur l’année.

[...]

3. Douze heures minimum devront s’écouler entre la fin d’une journée de travail et le début de la journée de travail suivante.

Le nombre d’heures ordinaire de travail effectif ne pourra pas excéder neuf heures par jour, à moins qu’une convention collective ou, à défaut de celle‑ci, un accord conclu entre l’entreprise et les représentants des travailleurs ne prévoie une autre répartition du temps de travail quotidien, le temps de repos entre deux journées de travail devant être respecté en toute hypothèse.

[...]

5. Le temps de travail sera calculé de manière à ce que le travailleur se trouve à son poste de travail tant en début qu’en fin de journée.»

Le litige au principal et la question préjudicielle

8

Tyco exerce, dans la plupart des provinces espagnoles, une activité d’installation et de maintenance de systèmes de sécurité permettant de détecter les intrusions et de prévenir les cambriolages.

9

Au cours de l’année 2011, Tyco a fermé ses bureaux situés en province (ci‑après les «bureaux régionaux») et a rattaché tous ses employés au bureau central de Madrid (Espagne).

10

Les techniciens employés par Tyco installent et maintiennent en état de fonctionnement les dispositifs de sécurité dans des maisons privées et dans des établissements industriels et commerciaux situés dans la zone territoriale à laquelle ils sont affectés et qui comprend tout ou partie d’une province, voire parfois plusieurs provinces.

11

Ces travailleurs disposent chacun d’un véhicule de fonction, au moyen duquel ils se déplacent chaque jour depuis leur domicile vers les lieux où ils doivent effectuer les opérations d’installation ou de maintenance des systèmes de sécurité. Ils utilisent ce véhicule pour rentrer chez eux en fin de journée.

12

Selon la juridiction de renvoi, la distance entre le domicile desdits travailleurs et les lieux où ils doivent effectuer une intervention peut varier considérablement et parfois excéder 100 kilomètres. Elle donne l’exemple d’un cas dans lequel, en raison de l’intensité de la circulation, le temps de déplacement domicile‑clients a été de trois heures.

13

Les mêmes travailleurs doivent également se rendre, une ou plusieurs fois par semaine, dans les bureaux d’une agence logistique de transport proche de leur domicile pour y récupérer du matériel, ainsi que les appareils et les pièces détachées dont ils ont besoin pour leurs interventions.

14

Pour exercer leurs fonctions, les travailleurs en cause au principal disposent chacun d’un téléphone portable qui leur permet de communiquer à distance avec le bureau central de Madrid. Une application installée dans leur téléphone permet à ces travailleurs de recevoir quotidiennement, la veille de leur journée de travail, une feuille de route répertoriant les différents sites qu’ils devront visiter au cours de cette journée, à l’intérieur de leur zone territoriale, ainsi que les horaires des rendez‑vous avec les clients. À l’aide d’une autre application, lesdits travailleurs relèvent les données relatives aux interventions effectuées et les transmettent à Tyco, aux fins d’enregistrer les incidents rencontrés et les opérations effectuées.

15

La juridiction de renvoi indique que Tyco ne décompte pas, comme faisant partie du temps de travail, le temps de déplacement domicile‑clients, considérant ainsi qu’il s’agit de temps de repos.

16

Selon cette juridiction, Tyco calcule la durée quotidienne de travail en comptabilisant le temps écoulé entre l’heure d’arrivée de ses employés sur le site du premier client de la journée et celle où ces employés quittent le...

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