European Commission v Republic of Poland.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2019:924
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-192/18
Date05 November 2019
Procedure TypeRecurso por incumplimiento
Celex Number62018CJ0192
62018CJ0192

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

5 novembre 2019 ( *1 )

« Manquement d’État – Article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE – État de droit – Protection juridictionnelle effective dans les domaines couverts par le droit de l’Union – Principes d’inamovibilité et d’indépendance des juges – Abaissement de l’âge du départ à la retraite des juges des juridictions de droit commun polonaises – Possibilité de continuer à exercer les fonctions de juge au-delà de l’âge nouvellement fixé moyennant autorisation du ministre de la Justice – Article 157 TFUEDirective 2006/54/CE – Article 5, sous a), et article 9, paragraphe 1, sous f) – Prohibition des discriminations fondées sur le sexe en matière de rémunération, d’emploi et de travail – Instauration d’âges du départ à la retraite différents pour les femmes et les hommes occupant les fonctions de juge des juridictions de droit commun polonaises et du Sąd Najwyższy (Cour suprême, Pologne) ainsi que celles de magistrat du parquet polonais »

Dans l’affaire C‑192/18,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 15 mars 2018,

Commission européenne, représentée par Mmes A. Szmytkowska, K. Banks et C. Valero ainsi que par M. H. Krämer, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

République de Pologne, représentée par M. B. Majczyna ainsi que par Mmes K. Majcher et S. Żyrek, en qualité d’agents, assistés de M. W. Gontarski, avocat,

partie défenderesse,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président, Mme R. Silva de Lapuerta, vice-présidente, Mme A. Prechal (rapporteure), MM. M. Vilaras, E. Regan, P. G. Xuereb et Mme L. S. Rossi, présidents de chambre, MM. E. Juhász, M. Ilešič, J. Malenovský, L. Bay Larsen, D. Šváby et Mme K. Jürimäe, juges,

avocat général : M. E. Tanchev,

greffier : M. M. Aleksejev, chef d’unité,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 8 avril 2019,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 20 juin 2019,

rend le présent

Arrêt

1

Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater :

d’une part, que, en instaurant, par l’article 13, points 1 à 3, de l’ustawa o zmianie ustawy – Prawo o ustroju sądów powszechnych oraz niektórych innych ustaw (loi portant modification de la loi sur l’organisation des juridictions de droit commun et de certaines autres lois), du 12 juillet 2017 (Dz. U. de 2017, position 1452, ci-après la « loi modificative du 12 juillet 2017 »), un âge du départ à la retraite différent pour les femmes et les hommes appartenant à la magistrature du siège dans les juridictions de droit commun polonaises et au Sąd Najwyższy (Cour suprême, Pologne) ou à la magistrature du parquet polonais, la République de Pologne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 157 TFUE ainsi que de l’article 5, sous a), et de l’article 9, paragraphe 1, sous f), de la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 juillet 2006, relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail (JO 2006, L 204, p. 23), et

d’autre part, que, en abaissant, par l’article 13, point 1, de la loi modificative du 12 juillet 2017, l’âge du départ à la retraite applicable aux magistrats du siège des juridictions de droit commun polonaises et en habilitant le ministre de la Justice (Pologne) à autoriser ou non la prolongation de la période d’exercice actif de la fonction de magistrat du siège, au titre de l’article 1er, point 26, sous b) et c), de ladite loi, la République de Pologne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions combinées de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE et de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

Le traité UE

2

L’article 2 TUE se lit comme suit :

« L’Union [européenne] est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, de l’État de droit, ainsi que de respect des droits de l’homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités. Ces valeurs sont communes aux États membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l’égalité entre les femmes et les hommes. »

3

L’article 19, paragraphe 1, TUE dispose :

« La Cour de justice de l’Union européenne comprend la Cour de justice, le Tribunal et des tribunaux spécialisés. Elle assure le respect du droit dans l’interprétation et l’application des traités.

Les États membres établissent les voies de recours nécessaires pour assurer une protection juridictionnelle effective dans les domaines couverts par le droit de l’Union. »

Le traité FUE

4

L’article 157 TFUE énonce :

« 1. Chaque État membre assure l’application du principe de l’égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur.

2. Aux fins du présent article, on entend par rémunération, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l’employeur au travailleur en raison de l’emploi de ce dernier.

[...]

3. Le Parlement européen et le Conseil [de l’Union européenne], statuant selon la procédure législative ordinaire et après consultation du Comité économique et social, adoptent des mesures visant à assurer l’application du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre les hommes et les femmes en matière d’emploi et de travail, y compris le principe de l’égalité des rémunérations pour un même travail ou un travail de même valeur.

4. Pour assurer concrètement une pleine égalité entre hommes et femmes dans la vie professionnelle, le principe de l’égalité de traitement n’empêche pas un État membre de maintenir ou d’adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter l’exercice d’une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou à prévenir ou compenser des désavantages dans la carrière professionnelle. »

La Charte

5

Le titre VI de la Charte, intitulé « Justice », comprend l’article 47 de celle-ci, intitulé « Droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial », qui dispose :

« Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article.

Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi. [...]

[...] »

6

Aux termes de l’article 51 de la Charte :

« 1. Les dispositions de la présente Charte s’adressent aux institutions, organes et organismes de l’Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu’aux États membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union. En conséquence, ils respectent les droits, observent les principes et en promeuvent l’application, conformément à leurs compétences respectives et dans le respect des limites des compétences de l’Union telles qu’elles lui sont conférées dans les traités.

2. La présente Charte n’étend pas le champ d’application du droit de l’Union au-delà des compétences de l’Union, ni ne crée aucune compétence ni aucune tâche nouvelles pour l’Union et ne modifie pas les compétences et tâches définies dans les traités. »

La directive 2006/54

7

Les considérants 14 et 22 de la directive 2006/54 énoncent :

« (14)

Bien que la notion de rémunération au sens de l’article [157 TFUE] n’inclue pas les prestations de sécurité sociale, il est désormais clairement établi qu’un régime de pension pour fonctionnaires entre dans le champ d’application du principe de l’égalité de rémunération si les prestations payables en vertu du régime sont versées au travailleur en raison de sa relation de travail avec l’employeur public, nonobstant le fait que ce régime fasse partie d’un régime légal général. Conformément aux [arrêts du 28 septembre 1994, Beune (C‑7/93, EU:C:1994:350), et du 12 septembre 2002, Niemi (C‑351/00, EU:C:2002:480)], cette condition est satisfaite si le régime de pension concerne une catégorie particulière de travailleurs et si les prestations sont directement fonction du temps de service accompli et calculées sur la base du dernier traitement du fonctionnaire. Par souci de clarté, il convient donc de prendre des dispositions particulières à cet effet.

[...]

(22)

Conformément à l’article [157, paragraphe 4, TFUE], pour assurer concrètement une pleine égalité entre hommes et femmes dans la vie professionnelle, le principe de l’égalité de traitement n’empêche pas les États membres de maintenir ou d’adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter l’exercice d’une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou à prévenir ou à compenser des désavantages dans la carrière professionnelle. Étant donné la situation actuelle et compte tenu de la déclaration no 28 annexée au traité d’Amsterdam, les États membres devraient viser avant tout à améliorer la situation des femmes dans la vie professionnelle. »

8

Aux termes de l’article 1er de la directive 2006/54 :

« La présente directive vise à garantir la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail.

À cette fin, elle contient des dispositions destinées à mettre en œuvre le principe de l’égalité de traitement en...

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