A v B and Others.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2014:2195
Date11 September 2014
Celex Number62013CJ0112
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC‑112/13
62013CJ0112

ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

11 septembre 2014 ( *1 )

«Article 267 TFUE — Constitution nationale — Procédure incidente de contrôle de constitutionnalité obligatoire — Examen de la conformité d’une loi nationale tant avec le droit de l’Union qu’avec la Constitution nationale — Compétence judiciaire et exécution des décisions en matière civile et commerciale — Absence de domicile ou d’un lieu de séjour connu du défendeur sur le territoire d’un État membre — Prorogation de compétence en cas de comparution du défendeur — Curateur du défendeur absent»

Dans l’affaire C‑112/13,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Oberster Gerichtshof (Autriche), par décision du 17 décembre 2012, parvenue à la Cour le 8 mars 2013, dans la procédure

A

contre

B e.a.,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. T. von Danwitz (rapporteur), président de chambre, MM. E. Juhász, A. Rosas, D. Šváby et C. Vajda, juges,

avocat général: M. Y. Bot,

greffier: Mme C. Strömholm, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 27 février 2014,

considérant les observations présentées:

pour A, par Me T. Frad, Rechtsanwalt,

pour B e.a., par Me A. Egger, Rechtsanwalt,

pour le gouvernement autrichien, par M. G. Hesse, en qualité d’agent,

pour le gouvernement allemand, par MM. T. Henze et J. Kemper, en qualité d’agents,

pour le gouvernement français, par MM. G. de Bergues, D. Colas et Mme B. Beaupère-Manokha, en qualité d’agents,

pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. L. D’Ascia, avvocato dello Stato,

pour la Commission européenne, par MM. W. Bogensberger, H. Krämer et Mme A.‑M. Rouchaud-Joët, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 2 avril 2014,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 267 TFUE ainsi que de l’article 24 du règlement (CE) no 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2001, L 12, p. 1).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant A à B e.a. au sujet d’une action en dommages et intérêts que ces dernières ont introduite contre A devant les juridictions autrichiennes.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3

Les considérants 2, 11 et 12 du règlement no 44/2001 énoncent:

«(2)

Certaines différences entre les règles nationales en matière de compétence judiciaire et de reconnaissance des décisions rendent plus difficile le bon fonctionnement du marché intérieur. Des dispositions permettant d’unifier les règles de conflit de juridictions en matière civile et commerciale ainsi que de simplifier les formalités en vue de la reconnaissance et de l’exécution rapides et simples des décisions émanant des États membres liés par le présent règlement sont indispensables.

[...]

(11)

Les règles de compétence doivent présenter un haut degré de prévisibilité et s’articuler autour de la compétence de principe du domicile du défendeur et cette compétence doit toujours être disponible, sauf dans quelques cas bien déterminés où la matière en litige ou l’autonomie des parties justifie un autre critère de rattachement. S’agissant des personnes morales, le domicile doit être défini de façon autonome de manière à accroître la transparence des règles communes et à éviter les conflits de juridictions.

(12)

Le for du domicile du défendeur doit être complété par d’autres fors autorisés en raison du lien étroit entre la juridiction et le litige ou en vue de faciliter une bonne administration de la justice.»

4

L’article 2, paragraphe 1, de ce règlement énonce:

«Sous réserve des dispositions du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre.»

5

Aux termes de l’article 3 dudit règlement:

«1. Les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre ne peuvent être attraites devant les tribunaux d’un autre État membre qu’en vertu des règles énoncées aux sections 2 à 7 du présent chapitre.

2. Ne peuvent être invoquées contre elles notamment les règles de compétence nationales figurant à l’annexe I.»

6

Au chapitre II, section 7, intitulée «Prorogation de compétence», l’article 24 du règlement no 44/2001 prévoit:

«Outre les cas où sa compétence résulte d’autres dispositions du présent règlement, le juge d’un État membre devant lequel le défendeur comparaît est compétent. Cette règle n’est pas applicable si la comparution a pour objet de contester la compétence ou s’il existe une autre juridiction exclusivement compétente en vertu de l’article 22.»

7

L’article 26 de ce même règlement qui figure à la section 8 de ce chapitre, intitulée «Vérification de la compétence et de la recevabilité», énonce:

«1. Lorsque le défendeur domicilié sur le territoire d’un État membre est attrait devant une juridiction d’un autre État membre et ne comparaît pas, le juge se déclare d’office incompétent si sa compétence n’est pas fondée aux termes du présent règlement.

2. Le juge est tenu de surseoir à statuer aussi longtemps qu’il n’est pas établi que ce défendeur a été mis à même de recevoir l’acte introductif d’instance ou un acte équivalent en temps utile pour se défendre ou que toute diligence a été faite à cette fin.

[...]»

8

Sous le chapitre III, intitulé «Reconnaissance et exécution», l’article 34 du règlement no 44/2001 prévoit, à son point 2, qu’une décision n’est pas reconnue si «l’acte introductif d’instance ou un acte équivalent n’a pas été signifié ou notifié au défendeur défaillant en temps utile et de telle manière qu’il puisse se défendre, à moins qu’il n’ait pas exercé de recours à l’encontre de la décision alors qu’il était en mesure de le faire».

Le droit autrichien

La Loi constitutionnelle fédérale

9

Conformément à l’article 89, paragraphes 1 et 2, de la Loi constitutionnelle fédérale (Bundes-Verfassungsgesetz, ci-après le «B‑VG»), les juridictions ordinaires ne disposent pas du droit d’annulation de lois ordinaires pour inconstitutionnalité. L’Oberster Gerichtshof ainsi que les juridictions appelées à décider en deuxième instance sont tenus, en cas de doutes quant à la constitutionnalité d’une loi ordinaire, d’introduire une demande visant à l’annulation de la loi ordinaire concernée auprès du Verfassungsgerichtshof (Cour constitutionnelle).

10

L’article 92, paragraphe 1, du B‑VG dispose que l’Oberster Gerichtshof est la plus haute juridiction dans les affaires civiles et pénales.

11

En vertu de l’article 140, paragraphe 1, du B‑VG le Verfassungsgerichtshof est compétent pour juger de la constitutionnalité des lois ordinaires sur la demande, notamment, de l’Oberster Gerichtshof ainsi que des juridictions appelées à décider en deuxième instance. La décision du Verfassungsgerichtshof portant l’annulation d’une loi ordinaire pour inconstitutionnalité a, selon l’article 140, paragraphes 6 et 7, du B‑VG un effet général et lie toutes les juridictions et les autorités administratives.

Le code de procédure civile

12

L’article 115 du code de procédure civile (Zivilprozessordnung, ci-après la «ZPO») prévoit, en principe, que la signification aux personnes dont l’adresse est inconnue est effectuée par la publication d’un avis officiel dans une banque de données d’avis officiels («Ediktsdatei»).

13

Aux termes de l’article 116 de la ZPO:

«Pour les personnes auxquelles la signification pourrait être effectuée seulement par voie de publication parce que leur lieu de résidence est inconnu, la juridiction doit, d’office ou sur demande, nommer un curateur du défendeur absent (article 9 [de la ZPO]) lorsque, à la suite de la signification à effectuer, ces personnes devraient accomplir un acte de procédure pour préserver leurs droits et en particulier lorsque la signification comporte une assignation à comparaître.»

14

Conformément à l’article 117 de la ZPO, la nomination du curateur doit être publiée par avis officiel dans la banque de données des avis officiels.

Le litige au principal et les questions préjudicielles

15

Le 12 octobre 2009, B e.a. ont saisi le Landesgericht Wien d’un recours en dommages et intérêts contre A, par lequel elles ont fait valoir que celui-ci avait enlevé leurs époux ou leurs pères au Kazakhstan.

16

En ce qui concerne la compétence des juridictions autrichiennes, B e.a. ont soutenu que A avait son domicile habituel dans le ressort de la juridiction saisie.

17

Le Landesgericht Wien a entrepris plusieurs tentatives de notification qui ont fait apparaître que A n’était plus domicilié aux adresses de notification. Le 27 août 2010, cette juridiction a nommé, à la demande de B e.a., un curateur du défendeur absent («Abwesenheitskurator») conformément à l’article 116 de la ZPO.

18

Après la signification de la requête, ce curateur du défendeur absent a déposé un mémoire en défense concluant au rejet du recours et soulevant de nombreuses objections de fond, sans pour autant contester la compétence internationale des juridictions autrichiennes.

19

Ce n’est que par la suite qu’un cabinet d’avocats mandaté par A est intervenu pour ce dernier et a contesté la compétence...

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