Axel Kittel v Belgian State (C-439/04) and Belgian State v Recolta Recycling SPRL (C-440/04).

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2006:446
Docket NumberC-440/04,C-439/04
Celex Number62004CJ0439
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date06 July 2006

Affaires jointes C-439/04 et C-440/04

Axel Kittel

contre

État belge et État belge contre Recolta Recycling SPRL

(demandes de décision préjudicielle, introduites par

la Cour de cassation (Belgique))

«Sixième directive TVA — Déduction de la TVA acquittée en amont — Fraude de type 'carrousel' — Contrat de vente frappé de nullité absolue en droit interne»

Conclusions de l'avocat général M. D. Ruiz-Jarabo Colomer, présentées le 14 mars 2006

Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 6 juillet 2006

Sommaire de l'arrêt

Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Taxes sur le chiffre d'affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée — Déduction de la taxe payée en amont

(Directive du Conseil 77/388, art. 17)

Lorsqu'une livraison est effectuée à un assujetti qui ne savait pas et n'aurait pas pu savoir que l'opération concernée était impliquée dans une fraude commise par le vendeur, l'article 17 de la sixième directive 77/388 en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, telle que modifiée par la directive 95/7, doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une règle de droit national selon laquelle l'annulation du contrat de vente, en vertu d'une disposition de droit civil, qui frappe ce contrat de nullité absolue comme contraire à l'ordre public pour une cause illicite dans le chef du vendeur, entraîne la perte du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée par ledit assujetti. Est sans pertinence à cet égard la question de savoir si ladite nullité résulte d'une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée ou d'autres fraudes.

En revanche, lorsqu'il est établi, au vu des éléments objectifs, que la livraison est effectuée à un assujetti qui savait ou aurait dû savoir que, par son acquisition, il participait à une opération impliquée dans une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée, il appartient à la juridiction nationale de refuser audit assujetti le bénéfice du droit à déduction.

(cf. points 52, 59-61 et disp.)




ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

6 juillet 2006 (*)

«Sixième directive TVA – Déduction de la TVA acquittée en amont – Fraude de type ‘carrousel’ – Contrat de vente frappé de nullité absolue en droit interne»

Dans les affaires jointes C-439/04 et C-440/04,

ayant pour objet des demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduites par la Cour de cassation (Belgique), par décisions du 7 octobre 2004, parvenues à la Cour le 19 octobre 2004, dans les procédures

Axel Kittel (C-439/04)

contre

État belge,

et

État belge (C-440/04)

contre

Recolta Recycling SPRL,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. A. Rosas, président de chambre, MM. J.-P. Puissochet, S. von Bahr (rapporteur), U. Lõhmus et A. Ó Caoimh, juges,

avocat général: M. D. Ruiz-Jarabo Colomer,

greffier: M. B. Fülöp, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 9 février 2006,

considérant les observations présentées:

– pour Axel Kittel, par Me J. Bublot, avocat (C-439/04),

– pour Recolta Recycling SPRL, par Mes T. Afschrift et A. Rayet, avocats (C‑440/04),

– pour l’État belge, par Mme E. Dominkovits, puis par Mme L. Van den Broeck, en qualité d’agents, assistées par Me B. van de Walle de Ghelcke, avocat,

– pour le gouvernement italien, par M. I. M. Braguglia, en qualité d’agent, assisté par M. G. De Bellis, avvocato dello stato,

– pour la Commission des Communautés européennes, par M. J.-P. Keppenne et Mme M. Afonso, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 14 mars 2006,

rend le présent

Arrêt

1 Les demandes préjudicielles portent sur l’interprétation de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1), telle que modifiée par la directive 95/7/CE du Conseil, du 10 avril 1995 (JO L 102, p. 18, ci‑après la «sixième directive»).

2 Ces demandes ont été présentées dans le cadre de deux litiges, opposant respectivement, M. Kittel et Recolta Recycling SPRL (ci‑après «Recolta») à l’État belge au sujet du refus de l’administration fiscale belge d’admettre le droit à déduire la taxe sur la valeur ajoutée (ci‑après la «TVA») acquittée en amont sur des opérations qui seraient impliquées dans des fraudes de type «carrousel».

Le cadre juridique

La réglementation communautaire

3 L’article 2 de la première directive 67/227/CEE du Conseil, du 11 avril 1967, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires (JO 71, p. 1301), telle que modifiée par la sixième directive (ci‑après la «première directive»), dispose:

«Le principe du système commun de taxe sur la valeur ajoutée, est d’appliquer aux biens et aux services un impôt général sur la consommation exactement proportionnel au prix des biens et des services, quel que soit le nombre des transactions intervenues dans le processus de production et de distribution antérieur au stade d’imposition.

À chaque transaction, la taxe sur la valeur ajoutée, calculée sur le prix du bien ou du service au taux applicable à ce bien ou à ce service, est exigible déduction faite du montant de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé directement le coût des divers éléments constitutifs du prix.

Le système commun de taxe sur la valeur ajoutée est appliqué jusqu’au stade du commerce de détail inclus.»

4 L’article 2, point 1, de la sixième directive dispose:

«Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée:

1. les livraisons de biens et les prestations de services, effectuées à titre onéreux à l’intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel;»

5 Aux termes de l’article 4, paragraphes 1 et 2, de ladite directive:

«1. Est considéré comme assujetti quiconque accomplit, d’une façon indépendante et quel qu’en soit le lieu, une des activités économiques mentionnées au paragraphe 2, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité.

2. Les activités économiques visées au paragraphe 1 sont toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. Est notamment considérée comme activité économique une opération comportant l’exploitation d’un bien corporel ou incorporel en vue d’en retirer des recettes ayant un caractère de permanence.»

6 Selon l’article 5, paragraphe 1, de cette même directive, «[e]st considéré comme ‘livraison d’un bien’ le transfert du pouvoir de disposer d’un bien corporel comme un propriétaire.»

7 L’article 17, paragraphes 1 et 2, sous a), de la sixième directive dispose:

«1. Le droit à déduction prend naissance au moment où la taxe déductible devient exigible.

2. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l’assujetti est autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable:

a) la taxe sur la valeur ajoutée due ou acquittée pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront rendus par un autre assujetti».

La réglementation nationale

8 L’article 1131 du code civil belge dispose que «l’obligation sans cause ou sur une fausse cause ou sur une cause illicite ne peut avoir aucun effet».

9 Aux termes de l’article 1133 du même code, «la cause est illicite, quand elle est prohibée par la loi, quand elle est contraire aux bonnes mœurs ou à l’ordre public».

Le litige au principal

Affaire C-439/04

10 La juridiction de renvoi relève que la société anonyme Ang Computime Belgium (ci‑après «Computime») a acheté et revendu des composants informatiques et que, suivant un procès-verbal établi par l’administration fiscale, cette dernière a considéré que Computime avait sciemment participé à une fraude à la TVA de type «carrousel» dont le but était de récupérer une ou plusieurs fois des montants de TVA facturés par des fournisseurs pour une seule et même marchandise et que les livraisons faites à Computime étaient fictives. Sur cette base, l’administration fiscale a refusé à Computime le droit de déduire la TVA acquittée sur lesdites livraisons.

11 Il ressort du dossier que le receveur de la TVA de Verviers a décerné à Computime une contrainte en date du 13 octobre...

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