Scarlet Extended SA v Société belge des auteurs, compositeurs et éditeurs SCRL (SABAM).
Jurisdiction | European Union |
Celex Number | 62010CJ0070 |
ECLI | ECLI:EU:C:2011:771 |
Date | 24 November 2011 |
Court | Court of Justice (European Union) |
Procedure Type | Reference for a preliminary ruling |
Docket Number | C-70/10 |
Affaire C-70/10
Scarlet Extended SA
contre
Société belge des auteurs, compositeurs et éditeurs SCRL (SABAM)
(demande de décision préjudicielle, introduite par la cour d'appel de Bruxelles)
«Société de l’information — Droit d’auteur — Internet — Logiciels ‘peer-to-peer’ — Fournisseurs d’accès à Internet — Mise en place d’un système de filtrage des communications électroniques afin d’empêcher l’échange des fichiers portant atteinte aux droits d’auteur — Absence d’obligation générale de surveiller les informations transmises»
Sommaire de l'arrêt
Rapprochement des législations — Société de l’information — Droit d'auteur et droits voisins — Protection des données à caractère personnel dans le secteur des communications électroniques — Injonction faite à un fournisseur d’accès à Internet de mettre en place un système de filtrage de toutes les communications électroniques, applicable indistinctement à tous ses clients, à titre préventif et à ses frais, sans limitation dans le temps, pour prévenir les atteintes à un droit de propriété intellectuelle — Inadmissibilité
(Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, art. 8 et 11; directives du Parlement européen et du Conseil 95/46, 2000/31, art. 15, § 1, 2001/29, 2002/58 et 2004/48, art. 3, § 1)
Les directives 2000/31, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur, 2001/29, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, 2004/48, relative au respect des droits de propriété intellectuelle, 95/46, relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et 2002/58, concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques, lues ensemble et interprétées au regard des exigences résultant de la protection des droits fondamentaux applicables, doivent être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à une injonction faite à un fournisseur d’accès à Internet de mettre en place un système de filtrage
- de toutes les communications électroniques transitant par ses services, notamment par l’emploi de logiciels «peer-to-peer»;
- qui s’applique indistinctement à l’égard de toute sa clientèle;
- à titre préventif;
- à ses frais exclusifs, et
- sans limitation dans le temps,
capable d’identifier sur le réseau de ce fournisseur la circulation de fichiers électroniques contenant une œuvre musicale, cinématographique ou audiovisuelle sur laquelle le demandeur prétend détenir des droits de propriété intellectuelle, en vue de bloquer le transfert de fichiers dont l’échange porte atteinte au droit d’auteur.
En effet, une telle injonction obligerait ledit fournisseur à une surveillance active de l’ensemble des données concernant tous ses clients afin de prévenir toute atteinte future à des droits de propriété intellectuelle, lui imposant ainsi une surveillance générale interdite par l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2000/31. Elle entraînerait par ailleurs une atteinte caractérisée à la liberté d'entreprise du fournisseur concerné puisqu'elle l'obligerait à mettre en place un système informatique complexe, coûteux, permanent et à ses seuls frais, ce qui serait d'ailleurs contraire aux conditions prévues à l'article 3, paragraphe 1, de la directive 2004/48, qui exige que les mesures pour assurer le respect des droits de propriété intellectuelle ne soient pas inutilement complexes ou coûteuses. Partant, une telle injonction ne respecterait pas l'exigence que soit assuré un juste équilibre entre, d'une part, la protection du droit de propriété intellectuelle, dont jouissent les titulaires de droits d'auteur, et, d'autre part, celle de la liberté d'entreprise dont bénéficient les opérateurs tels que les fournisseurs d’accès à Internet. Les effets d’une telle injonction ne se limiteraient d’ailleurs pas à ces fournisseurs, le système de filtrage étant également susceptible de porter atteinte aux droits fondamentaux de leurs clients, à savoir à leur droit à la protection des données à caractère personnel ainsi qu'à leur liberté de recevoir ou de communiquer des informations, ces droits étant protégés par les articles 8 et 11 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. D’une part, l’injonction impliquerait une analyse systématique de tous les contenus ainsi que la collecte et l’identification des adresses IP des utilisateurs qui sont à l’origine de l’envoi des contenus illicites sur le réseau, ces adresses étant des données protégées à caractère personnel, car elles permettent l’identification précise desdits utilisateurs. D’autre part, elle risquerait de porter atteinte à la liberté d’information puisque ce système risquerait de ne pas suffisamment distinguer entre un contenu illicite et un contenu licite, de sorte que son déploiement pourrait avoir pour effet d’entraîner le blocage de communications à contenu licite.
(cf. points 40, 48-52 et disp.)
ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)
24 novembre 2011 (*)
«Société de l’information – Droit d’auteur – Internet – Logiciels ‘peer-to-peer’ – Fournisseurs d’accès à Internet – Mise en place d’un système de filtrage des communications électroniques afin d’empêcher l’échange des fichiers portant atteinte aux droits d’auteur – Absence d’obligation générale de surveiller les informations transmises»
Dans l’affaire C‑70/10,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la cour d’appel de Bruxelles (Belgique), par décision du 28 janvier 2010, parvenue à la Cour le 5 février 2010, dans la procédure
Scarlet Extended SA
contre
Société belge des auteurs, compositeurs et éditeurs SCRL (SABAM),
en présence de:
Belgian Entertainment Association Video ASBL (BEA Video),
Belgian Entertainment Association Music ASBL (BEA Music),
Internet Service Provider Association ASBL (ISPA),
LA COUR (troisième chambre),
composée de M. K. Lenaerts, président de chambre, M. J. Malenovský (rapporteur), Mme R. Silva de Lapuerta, MM. E. Juhász et G. Arestis, juges,
avocat général: M. P. Cruz Villalón,
greffier: Mme C. Strömholm, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 13 janvier 2011,
considérant les observations présentées:
– pour Scarlet Extended SA, par Mes T. De Meese et B. Van Asbroeck, avocats,
– pour Société belge des auteurs, compositeurs et éditeurs SCRL (SABAM), Belgian Entertainment Association Video ASBL (BEA Video) et Belgian Entertainment Association Music ASBL (BEA Music), par Mes F. de Visscher, B. Michaux et F. Brison, avocats,
– pour Internet Service Provider Association ASBL (ISPA), par Me G. Somers, avocat,
– pour le gouvernement belge, par MM. T. Materne et J.-C. Halleux, ainsi que par Mme C. Pochet, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement tchèque, par M. M. Smolek et Mme K. Havlíčková, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. S. Fiorentino, avvocato dello Stato,
– pour le gouvernement néerlandais, par Mmes C. Wissels et B. Koopman, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement polonais, par MM. M. Szpunar, M. Drwięcki et J. Goliński, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement finlandais, par Mme M. Pere, en qualité d’agent,
– pour la Commission européenne, par Mmes J. Samnadda et C. Vrignon, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 14 avril 2011,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des directives:
– 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur («directive sur le commerce électronique») (JO L 178, p. 1);
– 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information (JO L 167, p. 10);
– 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au respect des droits de propriété intellectuelle (JO L 157, p. 45, et rectificatif JO L 195, p. 16);
– 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (JO L 281, p. 31), et
– 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 juillet 2002, concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques (directive vie privée et communications électroniques) (JO L 201, p. 37).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Scarlet Extended SA (ci-après «Scarlet») à Société belge des auteurs, compositeurs et éditeurs SCRL (SABAM) (ci-après «SABAM») au sujet du refus de la première société de mettre en place un système de filtrage des communications électroniques au moyen de logiciels d’échange d’archives (dits «peer-to-peer»), afin d’empêcher l’échange des fichiers portant atteinte aux droits d’auteur.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 Aux termes des quarante-cinquième et quarante-septième considérants de la directive 2000/31:
«(45) Les limitations de responsabilité des prestataires de services intermédiaires prévues dans la présente directive sont sans préjudice de la possibilité d’actions en cessation de différents types. Ces actions en cessation peuvent notamment revêtir la forme de décisions de tribunaux ou d’autorités administratives exigeant qu’il soit mis un terme à toute violation ou que l’on prévienne...
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