DEB Deutsche Energiehandels- und Beratungsgesellschaft mbH v Bundesrepublik Deutschland.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2010:811
Docket NumberC-279/09
Celex Number62009CJ0279
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date22 December 2010

Affaire C-279/09

DEB Deutsche Energiehandels- und Beratungsgesellschaft mbH

contre

Bundesrepublik Deutschland

(demande de décision préjudicielle, introduite par le Kammergericht)

«Protection juridictionnelle effective des droits tirés du droit de l’Union — Droit d’accès à un tribunal — Aide juridictionnelle — Réglementation nationale refusant l’aide juridictionnelle aux personnes morales en l’absence d’’intérêts généraux’»

Sommaire de l'arrêt

1. Droit de l'Union — Principes — Droit à une protection juridictionnelle effective — Consécration par la convention européenne des droits de l'homme — Prise en compte de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne

(Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, art. 47)

2. Droit de l'Union — Principes — Droit à une protection juridictionnelle effective — Consécration par la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne — Réglementation nationale subordonnant une action en justice au paiement d'une avance des frais de procédure et/ou à l'assistance d'un avocat — Exclusion d'une personne morale, n'étant pas en mesure de faire cette avance, du bénéfice de l'aide judiciaire — Admissibilité — Conditions — Appréciation par le juge national

(Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, art. 47)

1. Le principe de protection juridictionnelle effective constitue un principe général du droit de l’Union, qui découle des traditions constitutionnelles communes aux États membres et qui a été consacré par les articles 6 et 13 de la convention européenne des droits de l’homme.

S’agissant de droits fondamentaux, il importe, depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, de tenir compte de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, laquelle a, aux termes de l’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, TUE, «la même valeur juridique que les traités». L’article 51, paragraphe 1, de ladite charte prévoit en effet que les dispositions de celle-ci s’adressent aux États membres lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union.

À cet égard, selon les explications afférentes à l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union, qui, conformément à l’article 6, paragraphe 1, troisième alinéa, TUE et à l’article 52, paragraphe 7, de cette même charte, doivent être prises en considération pour l’interprétation de celle-ci, l’article 47, deuxième alinéa, de la charte correspond à l’article 6, paragraphe 1, de la convention européenne des droits de l'homme.

(cf. points 29-32)

2. Le principe de protection juridictionnelle effective, tel que consacré à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, doit être interprété en ce sens qu’il n’est pas exclu qu’il soit invoqué par des personnes morales et que l’aide octroyée en application de ce principe peut couvrir, notamment, la dispense du paiement de l’avance des frais de procédure et/ou l’assistance d’un avocat.

Il incombe à cet égard au juge national de vérifier si les conditions d’octroi de l’aide judiciaire constituent une limitation du droit d’accès aux tribunaux qui porte atteinte à ce droit dans sa substance même, si elles tendent à un but légitime et s’il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

Dans le cadre de cette appréciation, le juge national peut prendre en considération l’objet du litige, les chances raisonnables de succès du demandeur, la gravité de l’enjeu pour celui-ci, la complexité du droit et de la procédure applicables ainsi que la capacité de ce demandeur à défendre effectivement sa cause. Pour apprécier la proportionnalité, le juge national peut également tenir compte de l’importance des frais de procédure devant être avancés et du caractère insurmontable ou non de l’obstacle qu’ils constituent éventuellement pour l’accès à la justice.

S’agissant plus spécialement des personnes morales, le juge national peut tenir compte de la situation de celles-ci. Ainsi, il peut prendre en considération, notamment, la forme et le but lucratif ou non de la personne morale en cause ainsi que la capacité financière de ses associés ou actionnaires et la possibilité, pour ceux-ci, de se procurer les sommes nécessaires à l’introduction de l’action en justice.

(cf. points 59-62 et disp.)







ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

22 décembre 2010 (*)

«Protection juridictionnelle effective des droits tirés du droit de l’Union – Droit d’accès à un tribunal – Aide juridictionnelle – Réglementation nationale refusant l’aide juridictionnelle aux personnes morales en l’absence d’’intérêts généraux’»

Dans l’affaire C‑279/09,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Kammergericht (Allemagne), par décision du 30 juin 2009, parvenue à la Cour le 22 juillet 2009, dans la procédure

DEB Deutsche Energiehandels- und Beratungsgesellschaft mbH

contre

Bundesrepublik Deutschland,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. J. N. Cunha Rodrigues, président de chambre, MM. A. Rosas (rapporteur), U. Lõhmus, A. Ó Caoimh et Mme P. Lindh,, juges,

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: M. B. Fülöp, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 3 juin 2010,

considérant les observations présentées:

– pour DEB Deutsche Energiehandels- und Beratungsgesellschaft mbH, par Me L. Schwarz, Rechtsanwältin,

– pour le gouvernement allemand, par M. M. Lumma et Mme J. Kemper, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement danois, par Mme V. Pasternak Jørgensen et M. R. Holdgaard, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement français, par MM. G. de Bergues et S. Menez ainsi que par Mme B. Beaupère-Manokha, en qualité d’agents,

– pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. G. Aiello, avvocato dello Stato,

– pour le gouvernement polonais, par M. M. Dowgielewicz, en qualité d’agent,

– pour la Commission européenne, par MM. J.-P. Keppenne et F. Hoffmeister, en qualité d’agents,

– pour l’Autorité de surveillance AELE, par Mmes F. Simonetti, I. Hauger et L. Armati, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 2 septembre 2010,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation du principe d’effectivité, tel qu’il a été consacré dans la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, afin de savoir si ce principe impose d’accorder l’aide judiciaire à des personnes morales.

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant DEB Deutsche Energiehandels- und Beratungsgesellschaft mbH (ci-après «DEB») à la Bundesrepublik Deutschland à propos d’une demande d’aide judiciaire introduite par cette société devant les juridictions allemandes.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3 Les cinquième et onzième considérants de la directive 2003/8/CE du Conseil, du 27 janvier 2003, visant à améliorer l’accès à la justice dans les affaires transfrontalières par l’établissement de règles minimales communes relatives à l’aide judiciaire accordée dans le cadre de telles affaires (JO L 26, p. 41, et rectificatif JO L 32, p. 15), sont rédigés comme suit:

«5) La présente directive vise à promouvoir l’octroi d’une aide judiciaire pour les litiges transfrontaliers à toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes lorsque cette aide est nécessaire pour assurer un accès effectif à la justice. L’accès à la justice est un droit généralement reconnu qui est aussi réaffirmé à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne [ci-après la ‘charte’].

[…]

11) L’aide judiciaire devrait couvrir les conseils précontentieux afin de parvenir à un règlement avant d’engager une procédure judiciaire, une assistance juridique pour saisir un tribunal et une représentation en justice ainsi que la prise en charge ou l’exonération des frais de justice.»

4 Le champ d’application personnel du droit à l’aide judiciaire est défini comme suit à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2003/8:

«Toute personne physique partie à un litige qui relève de la présente directive a le droit de bénéficier d’une aide judiciaire appropriée destinée à lui garantir un accès effectif à la justice, selon les conditions définies par la présente directive.»

5 L’article 6, paragraphe 3, de ladite directive précise:

«En statuant sur le bien-fondé d’une demande, et sans préjudice de l’article 5, les États membres tiennent compte de l’importance de l’affaire en cause pour le demandeur. Ils peuvent toutefois aussi tenir compte de la nature de l’affaire lorsque le demandeur réclame des dommages et intérêts pour atteinte à sa réputation alors qu’il n’a subi aucun préjudice matériel ou financier ou lorsqu’il s’agit d’une revendication découlant directement des activités commerciales du demandeur ou de ses activités en tant que travailleur indépendant.»

6 L’article 94, paragraphes 2 et 3, du règlement de procédure du Tribunal de l’Union européenne du 2 mai 1991 (version consolidée publiée au JO 2010, C 177, p. 37) est rédigé comme suit:

«§ 2. Toute personne physique qui, en raison de sa situation économique, est dans l’incapacité totale ou partielle de faire face aux frais visés au paragraphe 1 a le droit de bénéficier de l’aide judiciaire.

La situation économique est évaluée en tenant compte d’éléments objectifs tels que les revenus, le capital détenu et la situation familiale.

§ 3. L’aide judiciaire est refusée si l’action pour laquelle elle est demandée apparaît manifestement irrecevable ou manifestement non fondée.»

7 L’article 95, paragraphes 2 et 3, du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne du 25 juillet 2007 (version consolidée publiée au JO 2010, C 177, p. 71) est rédigé en des termes identiques à ceux de l’article 94, paragraphes 2 et...

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