Landeshauptstadt Kiel v Norbert Jaeger.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2003:437
Date09 September 2003
Celex Number62002CJ0151
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-151/02
EUR-Lex - 62002J0151 - FR

Arrêt de la Cour du 9 septembre 2003. - Landeshauptstadt Kiel contre Norbert Jaeger. - Demande de décision préjudicielle: Landesarbeitsgericht Schleswig-Holstein - Allemagne. - Politique sociale - Protection de la sécurité et de la santé des travailleurs - Directive 93/104/CE - Notions de 'temps de travail' et de 'période de repos' - Service de garde ('Bereitschaftsdienst') assuré par un médecin dans un hôpital. - Affaire C-151/02.

Recueil de jurisprudence 2003 page I-08389


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

1. Politique sociale - Protection de la sécurité et de la santé des travailleurs - Directive 93/104 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail - Notions de «temps de travail» et de «période de repos»

(Directive du Conseil 93/104, art. 2, points 1 et 2)

2. Politique sociale - Protection de la sécurité et de la santé des travailleurs - Directive 93/104 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail - Temps de travail - Notion - Médecins - Service de garde effectué selon le régime de la présence physique dans l'hôpital - Inclusion

(Directive du Conseil 93/104, art. 2, point 1)

3. Politique sociale - Protection de la sécurité et de la santé des travailleurs - Directive 93/104 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail - Médecins - Service de garde effectué selon le régime de la présence physique dans l'hôpital - Réglementation nationale permettant la compensation des seules périodes d'activité effective accomplies pendant le service de garde - Inadmissibilité

(Directive du Conseil 93/104)

4. Politique sociale - Protection de la sécurité et de la santé des travailleurs - Directive 93/104 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail - Dérogations prévues à l'article 17 - Service de garde dans les hôpitaux et établissements similaires - Réduction de la période de repos journalier - Condition - Périodes équivalentes de repos compensateur - Limites

(Directive du Conseil 93/104, art. 17, § 2)

Sommaire

1. Les notions de «temps de travail» et de «période de repos» au sens de la directive 93/104, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, ne doivent pas être interprétées en fonction des prescriptions des différentes réglementations des États membres, mais elles constituent des notions de droit communautaire qu'il convient de définir selon des caractéristiques objectives, en se référant au système et à la finalité de ladite directive. Seule une telle interprétation autonome est de nature à assurer à cette directive sa pleine efficacité ainsi qu'une application uniforme desdites notions dans l'ensemble des États membres. Dès lors, la circonstance que la définition de la notion de temps de travail fait référence aux «législations et/ou pratiques nationales» ne signifie pas que les États membres peuvent déterminer unilatéralement la portée de cette notion. Aussi ces États ne sauraient-ils subordonner à quelque condition que ce soit le droit des travailleurs à ce que les périodes de travail et, corrélativement, celles de repos soient dûment prises en compte, un tel droit résultant directement des dispositions de cette directive.

( voir points 58-59 )

2. La directive 93/104, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, doit être interprétée en ce sens qu'il convient de considérer un service de garde qu'un médecin effectue selon le régime de la présence physique dans l'hôpital comme constituant dans son intégralité du temps de travail au sens de cette directive, alors même que l'intéressé est autorisé à se reposer sur son lieu de travail pendant les périodes où ses services ne sont pas sollicités, en sorte que celle-ci s'oppose à la réglementation d'un État membre qui qualifie de temps de repos les périodes d'inactivité du travailleur dans le cadre d'un tel service de garde.

En effet, le facteur déterminant pour considérer que les éléments caractéristiques de la notion de «temps de travail», au sens de la directive 93/104, sont présents dans les périodes de garde que les médecins effectuent dans l'hôpital même est le fait qu'ils sont contraints d'être physiquement présents sur le lieu déterminé par l'employeur et de s'y tenir à la disposition de ce dernier pour pouvoir immédiatement fournir leurs services en cas de besoin. À cet égard, il y a lieu de considérer ces obligations, qui mettent les médecins concernés dans l'impossibilité de choisir leur lieu de séjour pendant les périodes d'attente, comme relevant de l'exercice de leurs fonctions. Cette conclusion n'est pas modifiée du seul fait que l'employeur met à la disposition du médecin une pièce de repos dans laquelle il peut séjourner aussi longtemps que ses services professionnels ne sont pas requis. Cette interprétation ne saurait être remise en cause par des objections d'ordre économique et organisationnel.

( voir points 63-64, 66, 71, disp. 1 )

3. La directive 93/104, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, doit être interprétée en ce sens qu'elle s'oppose à la réglementation d'un État membre qui, s'agissant du service de garde effectué selon le régime de la présence physique dans l'hôpital, a pour effet de permettre, le cas échéant au moyen d'une convention collective ou d'un accord d'entreprise fondé sur une telle convention, une compensation des seules périodes de garde pendant lesquelles le travailleur a effectivement accompli une activité professionnelle.

( voir point 103, disp. 2 )

4. Pour pouvoir relever des dispositions dérogatoires énoncées à l'article 17, paragraphe 2, point 2.1, sous c), i), de la directive 93/104, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, une réduction de la période de repos journalier de 11 heures consécutives par l'accomplissement d'un service de garde qui s'ajoute au temps de travail normal est subordonnée à la condition que des périodes équivalentes de repos compensateur soient accordées aux travailleurs concernés à des moments qui succèdent immédiatement aux périodes de travail correspondantes. En outre, une telle réduction de la période de repos journalier ne saurait en aucun cas aboutir à un dépassement de la durée maximale hebdomadaire de travail prévue à l'article 6 de ladite directive.

( voir point 103, disp. 2 )

Parties

Dans l'affaire C-151/02,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 234 CE, par le Landesarbeitsgericht Schleswig-Holstein (Allemagne) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Landeshauptstadt Kiel

et

Norbert Jaeger,

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de la directive 93/104/CE du Conseil, du 23 novembre 1993, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail (JO L 307, p. 18), et notamment de ses articles 2, point 1, et 3,

LA COUR,

composée de M. G. C. Rodríguez Iglesias, président, MM. M. Wathelet, R. Schintgen (rapporteur) et C. W. A. Timmermans, présidents de chambre, MM. C. Gulmann, D. A. O. Edward, P. Jann et V. Skouris, Mmes F. Macken et N. Colneric, MM. S. von Bahr, J. N. Cunha Rodrigues et A. Rosas, juges,

avocat général: M. D. Ruiz-Jarabo Colomer,

greffier: M. H. A. Rühl, administrateur principal,

considérant les observations écrites présentées:

- pour la Landeshauptstadt Kiel, par Me W. Weißleder, Rechtsanwalt,

- pour M. Jaeger, par Me F. Schramm, Rechtsanwalt,

- pour le gouvernement allemand, par MM. W.-D. Plessing et M. Lumma, en qualité d'agents,

- pour le gouvernement danois, par M. J. Molde, en qualité d'agent,

- pour le gouvernement néerlandais, par Mme H. G. Sevenster, en qualité d'agent,

- pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme P. Ormond, en qualité d'agent, assistée de Mme K. Smith, barrister,

- pour la Commission des Communautés européennes, par MM. A. Aresu et H. Kreppel, en qualité d'agents,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les observations orales de la Landeshauptstadt Kiel, représentée par Mes W. Weißleder, M. Bechtold et D. Seckler, Rechtsanwälte, de M. Jaeger, représenté par Me F. Schramm, du gouvernement allemand, représenté par M. W.-D. Plessing, du gouvernement français, représenté par M. C. Lemaire, en qualité d'agent, du gouvernement néerlandais, représenté par M. N. A. J. Bel, en qualité d'agent, du gouvernement du Royaume-Uni, représenté par Mme P. Ormond, assistée de Mme K. Smith, et de la Commission, représentée par MM. H. Kreppel et F. Hoffmeister, en qualité d'agent, à l'audience du 25 février 2003,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 8 avril 2003,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

1 Par ordonnance du 12 mars 2002, modifiée par ordonnance du 25 mars suivant, parvenues à la Cour le 26 avril 2002, le Landesarbeitsgericht Schleswig-Holstein a posé, en vertu de l'article 234 CE, quatre questions préjudicielles sur l'interprétation de la directive 93/104/CE du Conseil, du 23 novembre 1993, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail (JO L 307, p. 18), et notamment de ses articles 2, point 1, et 3.

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant la Landeshauptstadt Kiel (ci-après la «ville de Kiel») à M. Jaeger au sujet de la définition des notions de «temps de travail» et de «période de repos» au sens de la directive 93/104 dans le cadre du service de garde («Bereitschaftsdienst») assuré par un médecin dans un hôpital.

Le cadre juridique

La réglementation communautaire

3 Conformément à son article 1er, la directive 93/104 fixe des prescriptions minimales de sécurité et de santé en matière d'aménagement du temps de travail et s'applique à tous les secteurs d'activités, privés ou publics, à l'exception des transports aériens, ferroviaires, routiers, maritimes, fluviaux et lacustres, de la pêche maritime, d'autres activités en mer, ainsi que des activités des médecins en formation.

4 Sous le titre «Définitions», l'article...

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