Commission of the European Communities v French Republic.
Jurisdiction | European Union |
Date | 13 December 2001 |
Court | Court of Justice (European Union) |
Arrêt de la Cour du 13 décembre 2001. - Commission des Communautés européennes contre République française. - Manquement d'Etat - Refus de mettre fin à l'embargo sur la viande bovine britannique. - Affaire C-1/00.
Recueil de jurisprudence 2001 page I-09989
Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif
1. Recours en manquement - Procédure précontentieuse - Mise en demeure - Objet
2. Recours en manquement - Procédure précontentieuse - Objet - Délais impartis à l'État membre - Exigence de délais raisonnables - Critères d'appréciation
3. Recours en manquement - Décision de la Commission d'introduire un recours devant la Cour - Application du principe de collégialité - Portée - Délibération incombant au collège
4. Recours en manquement - Non-respect de décisions de la Commission - Moyens de défense - Mise en cause de la légalité des décisions - Irrecevabilité
(Art. 226 CE, 227 CE, 230 CE et 232 CE)
5. États membres - Obligations - Manquement - Justification tirée de l'ordre juridique interne - Inadmissibilité - Force majeure - Défaut de clarté et de précision des obligations imposées - Conditions
Sommaire
1. La régularité de la procédure précontentieuse prévue à l'article 226 CE constitue une garantie essentielle voulue par le traité non seulement pour la protection des droits de l'État membre en cause, mais également pour assurer que la procédure contentieuse éventuelle aura pour objet un litige clairement défini.
Il résulte de cette finalité que la lettre de mise en demeure a pour but, d'une part, de circonscrire l'objet du litige et d'indiquer à l'État membre qui est invité à présenter ses observations les éléments nécessaires à la préparation de sa défense et, d'autre part, de permettre à celui-ci de se mettre en règle avant que la Cour ne soit saisie.
( voir points 53-54 )
2. Dans le cadre du recours en manquement, la procédure précontentieuse a pour but de donner à l'État membre concerné l'occasion de se conformer à ses obligations découlant du droit communautaire ou de faire utilement valoir ses moyens de défense à l'encontre des griefs formulés par la Commission.
Ce double objectif impose à la Commission de laisser un délai raisonnable aux États membres pour répondre à la lettre de mise en demeure et pour se conformer à un avis motivé ou, le cas échéant, pour préparer leur défense. Pour apprécier le caractère raisonnable du délai fixé, il y a lieu de tenir compte de l'ensemble des circonstances qui caractérisent la situation d'espèce. Des délais très courts peuvent ainsi se justifier dans des situations particulières, notamment lorsqu'il y a urgence à remédier à un manquement ou lorsque l'État membre concerné a pleine connaissance du point de vue de la Commission bien avant le début de la procédure.
( voir points 64-65 )
3. Le principe de collégialité repose sur l'égalité des membres de la Commission dans la participation à la prise de décision et implique notamment que les décisions soient délibérées en commun et que tous les membres du collège soient collectivement responsables, sur le plan politique, de l'ensemble des décisions arrêtées. Dès lors, une décision de la Commission d'introduire un recours en manquement contre un État membre doit être délibérée en commun par le collège et tous les éléments sur lesquels cette décision est fondée doivent être disponibles pour les membres du collège.
( voir points 79-80 )
4. Le système des voies de recours établi par le traité distingue les recours visés aux articles 226 CE et 227 CE, qui tendent à faire constater qu'un État membre a manqué aux obligations qui lui incombent, et les recours visés aux articles 230 CE et 232 CE, qui tendent à faire contrôler la légalité des actes ou des abstentions des institutions communautaires. Ces voies de recours poursuivent des objectifs distincts et sont soumises à des modalités différentes. Un État membre ne saurait donc utilement, en l'absence d'une disposition du traité l'y autorisant expressément, invoquer l'illégalité de décisions dont il est destinataire comme moyen de défense à l'encontre d'un recours en manquement fondé sur l'inexécution de ces décisions.
( voir point 101 )
5. Selon une jurisprudence constante, un État membre ne peut exciper des dispositions, des pratiques ou des situations de son ordre interne pour justifier le non-respect des obligations résultant du droit communautaire.
Par ailleurs, un État membre qui se heurte à des difficultés momentanément insurmontables l'empêchant de se conformer aux obligations résultant du droit communautaire ne peut invoquer une situation de force majeure que pour la période nécessaire pour remédier à ces difficultés.
Lorsqu'il existe des difficultés d'interprétation et, par voie de conséquence, de mise en oeuvre d'une décision, en ce que les exigences imposées à l'ensemble des États membres ne sont ni claires ni précises, un État membre ne peut cependant plus invoquer la force majeure à partir du moment où il a été pleinement informé, par la Commission, de l'étendue des obligations résultant pour lui de ladite décision et a disposé d'un délai raisonnable pour la mettre en oeuvre, telle qu'interprétée et précisée.
( voir points 130-131, 134-136 )
Parties
Dans l'affaire C-1/00,
Commission des Communautés européennes, représentée par MM. D. Booss et G. Berscheid, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie requérante,
soutenue par
Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, représenté par M. J. E. Collins, en qualité d'agent, assisté de MM. D. Anderson, QC, et M. Hoskins, barrister, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie intervenante,
contre
République française, représentée initialement par Mme K. Rispal-Bellanger et M. J.-F. Dobelle, puis par Mme R. Loosli-Surrans et M. J.-F. Dobelle, puis par Mme R. Loosli-Surrans et M. G. de Bergues, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie défenderesse,
ayant pour objet de faire constater que, par son refus d'adopter les mesures nécessaires pour se conformer
- à la décision 98/256/CE du Conseil, du 16 mars 1998, concernant certaines mesures d'urgence en matière de protection contre l'encéphalopathie spongiforme bovine, modifiant la décision 94/474/CE et abrogeant la décision 96/239/CE (JO L 113, p. 32), dans sa version résultant de la décision 98/692/CE de la Commission, du 25 novembre 1998 (JO L 328, p. 28), en particulier à son article 6 et à son annexe III, et
- à la décision 1999/514/CE de la Commission, du 23 juillet 1999, fixant la date à laquelle l'expédition à partir du Royaume-Uni de produits bovins dans le cadre du régime d'exportation sur la base de la date peut commencer au titre de l'article 6, paragraphe 5, de la décision 98/256 (JO L 195, p. 42), en particulier à son article 1er,
notamment par son refus de permettre la commercialisation sur son territoire des produits éligibles au titre dudit régime visés à l'article 6 et à l'annexe III de la décision 98/256, telle que modifiée par la décision 98/692, après le 1er août 1999, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ces deux décisions, en particulier de leurs dispositions susmentionnées, ainsi que du traité CE, notamment des articles 10 CE et 28 CE,
LA COUR,
composée de M. G. C. Rodríguez Iglesias, président, M. P. Jann, Mmes F. Macken et N. Colneric, et M. S. von Bahr, présidents de chambre, MM. C. Gulmann, D. A. O. Edward, A. La Pergola, J.-P. Puissochet, L. Sevón (rapporteur), M. Wathelet, R. Schintgen et V. Skouris, juges,
avocat général: M. J. Mischo,
greffier: Mme L. Hewlett, administrateur,
vu le rapport d'audience,
ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l'audience du 19 juin 2001, au cours de laquelle la Commission a été représentée par MM. D. Boos et G. Berscheid, la République française par Mme R. Loosli-Surrans et M. F. Alabrune, en qualité d'agent, et le Royaume-Uni par MM. J. E. Collins, D. Anderson et M. Hoskins,
ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 20 septembre 2001,
rend le présent
Arrêt
Motifs de l'arrêt
1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 4 janvier 2000, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l'article 226 CE, un recours visant à faire constater que, par son refus d'adopter les mesures nécessaires pour se conformer
- à la décision 98/256/CE du Conseil, du 16 mars 1998, concernant certaines mesures d'urgence en matière de protection contre l'encéphalopathie spongiforme bovine, modifiant la décision 94/474/CE et abrogeant la décision 96/239/CE (JO L 113, p. 32), dans sa version résultant de la décision 98/692/CE de la Commission, du 25 novembre 1998 (JO L 328, p. 28, ci-après la «décision 98/256 modifiée»), en particulier à son article 6 et à son annexe III, et
- à la décision 1999/514/CE de la Commission, du 23 juillet 1999, fixant la date à laquelle l'expédition à partir du Royaume-Uni de produits bovins dans le cadre du régime d'exportation sur la base de la date peut commencer au titre de l'article 6, paragraphe 5, de la décision 98/256 (JO L 195, p. 42), en particulier à son article 1er,
notamment par son refus de permettre la commercialisation sur son territoire des produits éligibles au titre dudit régime visés à l'article 6 et à l'annexe III de la décision 98/256 modifiée après le 1er août 1999, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ces deux décisions, en particulier de leurs dispositions susmentionnées, ainsi que du traité CE, notamment des articles 10 CE et 28 CE.
2 Par ordonnance du président de la Cour du 13 juin 2000, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord a été autorisé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.
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