XZ v Ibercaja Banco, SA.

JurisdictionEuropean Union
Celex Number62018CJ0452
ECLIECLI:EU:C:2020:536
Docket NumberC-452/18
Date09 July 2020
CourtCourt of Justice (European Union)

ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

9 juillet 2020 (*)

« Renvoi préjudiciel – Protection des consommateurs –Directive 93/13/CEE – Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs – Contrat de prêt hypothécaire – Clause de limitation de la variabilité du taux d’intérêt (clause dite “plancher”) – Contrat de novation – Renonciation aux actions en justice contre les clauses d’un contrat – Absence de caractère contraignant »

Dans l’affaire C‑452/18,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Juzgado de Primera Instancia e Instrucción nº 3 de Teruel (tribunal de première instance et d’instruction nº 3 de Teruel, Espagne), par décision du 26 juin 2018, parvenue à la Cour le 11 juillet 2018, dans la procédure

XZ

contre

Ibercaja Banco SA,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. M. Vilaras, président de chambre, MM. S. Rodin (rapporteur), D. Šváby, Mme K. Jürimäe et M. N. Piçarra, juges,

avocat général : M. H. Saugmandsgaard Øe,

greffier : Mme L. Carrasco-Marco, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 11 septembre 2019,

considérant les observations présentées :

– pour XZ, initialement par Me D. J. Fernández Yubero, puis par Mes J de la Torre García, R. Lόpez Garbayo et M. Pradel Gonzalo, abogados,

– pour Ibercaja Banco, SA, par Mes J. M. Rodríguez Cárcamo et A. M. Rodríguez Conde, abogados,

– pour le gouvernement espagnol, initialement par M. L. Aguilera Ruiz et Mme M. J. García-Valdecasas Dorrego, puis par M. Aguilera Ruiz, en qualité d’agents,

– pour la Commission européenne, par MM. J. Baquero Cruz et N. Ruiz García Napoleόn, ainsi que par Mme C. Valero, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 30 janvier 2020,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 3 à 6 de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant XZ à Ibercaja Banco SA, au sujet de clauses stipulées dans un contrat de prêt hypothécaire que celles-ci ont conclu.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

3 L’article 3 de la directive 93/13 dispose :

« 1. Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat.

2. Une clause est toujours considérée comme n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle lorsqu’elle a été rédigée préalablement et que le consommateur n’a, de ce fait, pas pu avoir d’influence sur son contenu, notamment dans le cadre d’un contrat d’adhésion.

Le fait que certains éléments d’une clause ou qu’une clause isolée aient fait l’objet d’une négociation individuelle n’exclut pas l’application du présent article au reste d’un contrat si l’appréciation globale permet de conclure qu’il s’agit malgré tout d’un contrat d’adhésion.

Si le professionnel prétend qu’une clause standardisée a fait l’objet d’une négociation individuelle, la charge de la preuve lui incombe.

3. L’annexe contient une liste indicative et non exhaustive de clauses qui peuvent être déclarées abusives. »

4 L’article 4 de cette directive prévoit :

« 1. Sans préjudice de l’article 7, le caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend.

2. L’appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part, pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible. »

5 L’article 5 de ladite directive est rédigé comme suit :

« Dans le cas des contrats dont toutes ou certaines clauses proposées au consommateur sont rédigées par écrit, ces clauses doivent toujours être rédigées de façon claire et compréhensible. En cas de doute sur le sens d’une clause, l’interprétation la plus favorable au consommateur prévaut. Cette règle d’interprétation n’est pas applicable dans le cadre des procédures prévues à l’article 7 paragraphe 2. »

6 L’article 6, paragraphe 1, de la même directive précise :

« Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives. »

7 Aux termes de l’article 8 de la directive 93/13 :

« Les États membres peuvent adopter ou maintenir, dans le domaine régi par la présente directive, des dispositions plus strictes, compatibles avec le traité, pour assurer un niveau de protection plus élevé au consommateur. »

8 Le point 1, sous q), de l’annexe de cette directive, qui contient une liste indicative et non exhaustive des clauses qui peuvent être déclarées abusives, est rédigé comme suit :

« Clauses ayant pour objet ou pour effet :

[...]

q) de supprimer ou d’entraver l’exercice d’actions en justice ou des voies de recours par le consommateur [...] »

Le droit espagnol

Le décret royal législatif 1/2007

9 La directive 93/13 a été transposée dans le droit espagnol, pour l’essentiel, par la Ley 7/1998 sobre condiciones generales de la contratación (loi 7/1998 relative aux conditions générales des contrats), du 13 avril 1998 (BOE nº 89, du 14 avril 1998, p. 12304), laquelle a été refondue, avec d’autres dispositions transposant différentes directives de l’Union en matière de protection des consommateurs, par le Real Decreto Legislativo 1/2007 por el que se aprueba el texto refundido de la Ley General para la Defensa de los Consumidores y Usuarios y otras leyes complementarias (décret royal législatif 1/2007 portant refonte de la loi générale relative à la protection des consommateurs et des usagers et d’autres lois complémentaires), du 16 novembre 2007 (BOE nº 287, du 30 novembre 2007, p. 49181).

10 L’article 10 du décret royal législatif 1/2007 dispose :

« La renonciation par anticipation aux droits que le présent décret royal législatif reconnaît aux consommateurs et usagers est nulle, de même que les actes accomplis en fraude à la loi, conformément aux dispositions de l’article 6 du Código Civil [(code civil)]. »

11 L’article 83 du décret royal législatif 1/2007 précise en outre que « [l]es clauses abusives sont nulles de plein droit et sont réputées non écrites ».

Le code civil

12 Aux termes de l’article 1208 du code civil :

« La novation est nulle si l’obligation première l’était aussi, à moins que la cause de nullité ne puisse être invoquée que par le débiteur ou que la ratification valide les actes nuls dès leur origine. »

Le litige au principal et les questions préjudicielles

13 Par acte authentique du 23 décembre 2011, XZ a acquis d’un promoteur immobilier un bien pour un montant de 148 813,04 euros et, ce faisant, s’est substitué à ce promoteur en tant que débiteur du prêt hypothécaire relatif à ce bien accordé par l’établissement de crédit Caja de Ahorros de la Inmaculada de Aragón, devenu Ibercaja Banco. XZ acceptait ainsi l’ensemble des accords et conditions relatifs à ce prêt hypothécaire (ci-après le « contrat de prêt hypothécaire ») tels qu’ils avaient été définis entre le débiteur initial et l’établissement de crédit.

14 Le contrat de prêt hypothécaire comprenait une clause relative aux taux d’intérêts maximal et minimal applicables à ce prêt, à savoir un taux annuel dit « plafond » de 9,75 % et un taux annuel dit « plancher » de 3,25 % étant stipulés.

15 Ce contrat de prêt hypothécaire a fait l’objet d’un acte modificatif du 4 mars 2014 (ci-après le « contrat de novation »), relatif notamment au taux stipulé dans la clause « plancher », celui-ci ayant été abaissé au taux nominal annuel de 2,35 %. En outre, le contrat de novation contenait une clause rédigée comme suit : « Les parties confirment la validité et l’application du prêt, jugent ses conditions adéquates et, en conséquence, renoncent expressément et mutuellement à exercer toute action à l’encontre de l’autre partie en ce qui concerne le contrat conclu et ses clauses, ainsi que les règlements et paiements effectués à ce jour, dont elles reconnaissent le caractère conforme ». Par mention manuscrite, XZ a indiqué de surcroît qu’elle était consciente et qu’elle comprenait que « le taux d’intérêt du prêt ne descendr[ait] jamais en dessous du taux nominal annuel de 2,35 % ».

16 XZ a saisi la juridiction de renvoi, le Juzgado de Primera Instancia e Instrucción nº 3 de Teruel (tribunal de première instance et d’instruction nº 3 de Teruel), d’un recours visant à faire constater que la clause « plancher » figurant au contrat de prêt hypothécaire était abusive, ainsi qu’à faire condamner l’établissement de crédit à supprimer cette clause et à lui rembourser les sommes indûment versées sur le fondement de ladite clause depuis la souscription de ce prêt.

17 Ibercaja Banco opposant aux prétentions de XZ les clauses du contrat de novation, la requérante au principal a également demandé à la juridiction de renvoi de préciser dans quelle mesure les actes juridiques modifiant un contrat, en particulier une des clauses de celui-ci dont le caractère abusif est invoqué, sont également « contaminés » par cette clause et, dès lors, privés de caractère contraignant, conformément à l’article 83 du décret royal...

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