CG v European Investment Bank (EIB).

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:F:2014:185
CourtCivil Service Tribunal (European Union)
Docket NumberF‑103/11
Date10 July 2014
Celex Number62011FJ0103
Procedure TypeRecurso por responsabilidad - infundado

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (deuxième chambre)

10 juillet 2014 (*)

« Fonction publique – Personnel de la BEI – Harcèlement moral – Procédure d’enquête – Décision du président de ne pas donner suite à une plainte – Avis du comité d’enquête – Définition erronée du harcèlement moral – Caractère intentionnel des comportements – Constatation de l’existence des comportements et des symptômes de harcèlement moral – Recherche du lien de causalité – Absence – Incohérence de l’avis du comité d’enquête – Erreur manifeste d’appréciation – Fautes de service – Devoir de confidentialité – Protection des données personnelles – Recours en indemnité »

Dans l’affaire F‑103/11,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE,

CG, membre du personnel de la Banque européenne d’investissement, demeurant à Sandweiler (Luxembourg), représentée initialement par Me N. Thieltgen, puis par Mes J.-N. Louis et D. de Abreu Caldas, avocats,

partie requérante,

soutenue par

Contrôleur européen de la protection des données (CEPD), représenté initialement par Mme I. Chatelier et M. H. Kranenborg, puis par Mmes I. Chatelier et A. Buchta, en qualité d’agents,

partie intervenante,

contre

Banque européenne d’investissement (BEI), représentée par MM. G. Nuvoli et T. Gilliams, en qualité d’agents, assistés de Me A. Dal Ferro, avocat,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre),

composé de Mme M. I. Rofes i Pujol, (rapporteur), président, MM. K. Bradley et J. Svenningsen, juges,

greffier : M. J. Tomac, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 6 mars 2014,

rend le présent

Arrêt

1 Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 11 octobre 2011, CG demande, en substance, au Tribunal d’annuler la décision du 27 juillet 2011 du président de la Banque européenne d’investissement (BEI ou ci-après la « Banque ») de ne pas donner suite à sa plainte pour harcèlement moral et de condamner la Banque à réparer les dommages matériel et moral qu’elle estime avoir subis en raison de l’illégalité de la décision du 27 juillet 2011, du harcèlement prétendument subi et des fautes de services imputables à la Banque.

Cadre juridique

2 Conformément à l’article 308 TFUE, les statuts de la Banque sont établis par un protocole annexé à ce traité et au traité UE, dont il fait partie intégrante.

3 L’article 7, paragraphe 3, sous h), du protocole nº 5 sur les statuts de la Banque prévoit l’approbation par le conseil des gouverneurs du règlement intérieur de la Banque. Ce règlement a été approuvé le 4 décembre 1958 et a subi plusieurs modifications. Il dispose que les règlements relatifs au personnel de la Banque sont arrêtés par le conseil d’administration.

4 Le 20 avril 1960, le conseil d’administration a arrêté le règlement du personnel de la Banque. Dans sa version applicable au litige, l’article 14 du règlement du personnel énonce que le personnel de la Banque se compose de trois catégories d’agents, selon la fonction exercée : la première catégorie vise le personnel de direction et regroupe deux fonctions, la fonction « [c]adre de direction » et la « [f]onction C » ; la deuxième catégorie vise le personnel de conception et regroupe trois fonctions, la « [f]onction D », la « [f]onction E » et la « [f]onction F » ; la troisième catégorie concerne le personnel d’exécution et se compose de quatre fonctions.

5 L’article 41 du règlement du personnel dispose :

« Les différends de toute nature d’ordre individuel entre la Banque et les membres de son personnel sont portés devant la Cour de justice [de l’Union européenne].

[…] »

6 Le code de conduite du personnel de la Banque, tel qu’approuvé le 1er août 2006 par le conseil d’administration de la Banque (ci-après le « code de conduite »), dispose à l’article 3.6, intitulé « Dignité au travail » :

« Aucune forme de harcèlement ou d’intimidation n’est acceptable. Toute victime d’un harcèlement ou d’une intimidation peut, conformément à la politique de la Banque en matière de dignité au travail, s’en ouvrir au directeur d[u département des ressources humaines], sans que cela puisse lui être reproché. La Banque est dans l’obligation de faire montre de sollicitude à l’égard de la personne concernée et de lui proposer son appui.

3.6.1 Harcèlement psychologique

Il s’agit de la répétition, au cours d’une période assez longue, de propos, d’attitudes ou d’agissements hostiles ou déplacés, exprimés ou manifestés par un ou plusieurs membres du personnel envers un autre membre du personnel. Une remarque désobligeante, une querelle accompagnée de mots désagréables lâchés dans un mouvement d’humeur ne sont pas significatives de harcèlement psychologique. En revanche, des accès de colère réguliers, des brimades, des remarques désobligeantes ou des allusions blessantes, répétés de façon régulière, pendant des semaines ou des mois, sont sans aucun doute révélateurs d’un harcèlement au travail.

[…] »

7 En 2003, la Banque s’est dotée de la politique en matière de dignité au travail visée à l’article 3.6 du code de conduite (ci-après la « politique »). L’article 2.1 de la politique, intitulé « Définitions : intimidation et harcèlement : de quoi s’agit-il ? », dispose :

« Le [code de conduite], au point 3.6, prévoit que le harcèlement n’est pas acceptable et contient quelques définitions de harcèlement. Il n’existe pas une unique définition de harcèlement, étant donné que le harcèlement et l’intimidation peuvent chacun prendre de nombreuses formes. Physiques ou verbales, leurs manifestations s’exercent souvent dans le temps, même si des incidents ponctuels sérieux peuvent se produire. Que le comportement en cause soit intentionnel ou non n’est pas pertinent. Le principe déterminant est que le harcèlement et l’intimidation sont des comportements indésirables et inacceptables qui portent atteinte à l’estime de soi et à la confiance en soi de celui qui en fait l’objet.

[…] »

8 La politique institue deux procédures internes visant à traiter les cas d’intimidation et de harcèlement, à savoir, d’une part, une procédure informelle, par laquelle le membre du personnel concerné recherche une solution amiable au problème, et, d’autre part, une procédure formelle d’enquête, par laquelle il dépose officiellement une plainte qui est traitée par un comité d’enquête composé de trois personnes. Ce comité d’enquête est chargé de mener une enquête objective et indépendante et d’émettre un avis avec une recommandation motivée pour le président de la Banque, qui décide finalement des mesures à prendre.

9 En ce qui concerne la procédure d’enquête, la politique dispose :

« L’agent porte l’affaire, verbalement ou par écrit, à l’attention du [directeur du département des ressources humaines]. Si celui-ci estime qu’il ne s’agit pas d’un cas immédiat et clair de recours à des sanctions disciplinaires et que, vu les circonstances qui l’entourent, l’affaire peut être qualifiée de harcèlement, l’agent concerné peut déclencher la procédure d’enquête de la manière suivante :

1. Il demande officiellement au [directeur du département des ressources humaines], par écrit, d’ouvrir une procédure d’enquête, en indiquant l’objet de la plainte et l’identité du ou des harceleurs présumés.

2. Le [directeur du département des ressources humaines], en accord avec les représentants du personnel, propose au [p]résident [de la Banque] la composition du comité et fixe une date pour le début de l’enquête, au plus tard 30 jours calendaires après réception de la plainte.

3. Le [directeur du département des ressources humaines] accuse immédiatement réception de la note de l’agent concerné, [lui] confirmant [ainsi] l’ouverture d’une procédure d’enquête. Par ailleurs :

a. il demande à l’agent concerné d’exposer sa plainte dans un mémorandum […],

[…]

c. il signale qu’après réception du mémorandum susmentionné, le harceleur présumé sera informé de l’objet de la plainte et obtiendra les renseignements nécessaires à cet égard, mais qu’il ne recevra pas copie du mémorandum,

[…]

e. il informe [la partie plaignante] qu’il sera rappelé au harceleur présumé qu[’elle] ne doit être prise à partie à aucun moment et que la plainte doit être traitée de manière strictement confidentielle de part et d’autre (note qui sera datée et renvoyée au [directeur du département des ressources humaines] avec accusé de réception),

[…]

4. Lorsque le mémorandum [de la partie plaignante] a été reçu, le [directeur du département des ressources humaines] :

a. adresse sans délai une note au harceleur présumé, précisant l’objet de la plainte et toute information nécessaire, et lui demande de lui envoyer dans les [dix] jours, sous pli confidentiel, une réponse écrite accompagnée, s’il le souhaite, de documents justificatifs ou d’éléments probants,

[…]

c. rappelle au harceleur présumé que la partie plaignante ne doit être prise à partie à aucun moment et que la plainte doit être traitée de manière strictement confidentielle de part et d’autre (note qui sera datée et renvoyée au [directeur du département des ressources humaines] avec accusé de réception).

[…] »

10 Pour ce qui est de l’audition, la politique se lit comme suit :

« L’audition a pour objectif d’établir précisément ce qui s’est passé et de rassembler des faits qui permettront de rédiger une recommandation motivée. […]

[…] Le comité a la faculté d’adopter la manière de procéder qu’il juge appropriée. En règle générale, l’audition se présente sous la forme d’une série d’entretiens séparés, effectués dans l’ordre suivant :

– tout d’abord [la partie plaignante ;]

– les témoins éventuellement cités par [la partie plaignante ;]

– le harceleur présumé [;]

– les témoins éventuellement cités par le harceleur présumé [;]

[…] »

11 En ce qui concerne le résultat de l’enquête, la politique prévoit :

« Lorsque toutes les parties auront été entendues et que toutes les autres...

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