Eni SpA v European Commission.

JurisdictionEuropean Union
Celex Number62007TJ0039
ECLIECLI:EU:T:2011:356
CourtGeneral Court (European Union)
Docket NumberT-39/07
Procedure TypeRecurso contra una sanción - fundado
Date13 July 2011

Affaire T-39/07

Eni SpA

contre

Commission européenne

« Concurrence — Ententes — Marché du caoutchouc butadiène et du caoutchouc styrène-butadiène fabriqué par polymérisation en émulsion — Décision constatant une infraction à l’article 81 CE — Imputabilité du comportement infractionnel — Amendes — Gravité de l’infraction — Circonstances aggravantes »

Sommaire de l'arrêt

1. Concurrence — Règles communautaires — Infractions — Imputation — Société mère et filiales — Unité économique — Critères d'appréciation

(Art. 81 CE et 82 CE)

2. Concurrence — Règles communautaires — Infractions — Imputation — Société mère et filiales — Unité économique — Marge d'appréciation de la Commission

(Art. 81 CE et 82 CE)

3. Concurrence — Règles communautaires — Infractions — Imputation — Société mère et filiales — Unité économique — Critères d'appréciation

(Art. 81 CE et 82 CE)

4. Concurrence — Règles communautaires — Infractions — Imputation

(Art. 81 CE et 82 CE)

5. Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Critères — Caractère dissuasif de l'amende

(Art. 81 CE; communication de la Commission 98/C 9/03)

6. Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Critères — Gravité de l'infraction — Appréciation selon la nature de l'infraction — Infractions très graves

(Art. 81 CE; communication de la Commission 98/C 9/03)

7. Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Critères — Gravité de l'infraction — Circonstances aggravantes — Récidive — Notion

(Art. 81 CE; communication de la Commission 98/C 9/03, point 2)

8. Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Montant maximal — Calcul — Chiffre d'affaires à prendre en considération

(Art. 81 CE; règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23, § 2)

1. En cas d'infraction aux règles de la concurrence, le comportement d’une filiale peut être imputé à la société mère notamment lorsque, bien qu’ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques. En effet, il en est ainsi parce que, dans une telle situation, la société mère et sa filiale font partie d’une même unité économique et, partant, forment une seule entreprise. Ainsi, le fait qu’une société mère et sa filiale constituent une seule entreprise permet à la Commission d’adresser une décision imposant des amendes à la société mère, sans qu’il soit requis d’établir l’implication personnelle de cette dernière dans l’infraction.

Dans le cas particulier où une société mère détient 100 % du capital de sa filiale ayant commis une infraction aux règles de la concurrence, d’une part, cette société mère peut exercer une influence déterminante sur le comportement de cette filiale et, d’autre part, il existe une présomption réfragable selon laquelle ladite société mère exerce effectivement une influence déterminante sur le comportement de sa filiale. Dans ces conditions, il suffit que la Commission prouve que la totalité du capital d’une filiale est détenue par sa société mère pour présumer que cette dernière exerce une influence déterminante sur la politique commerciale de cette filiale. La Commission sera en mesure, par la suite, de considérer la société mère comme solidairement responsable pour le paiement de l’amende infligée à sa filiale, à moins que cette société mère, à laquelle il incombe de renverser cette présomption, n’apporte des éléments de preuve suffisants de nature à démontrer que sa filiale se comporte de façon autonome sur le marché.

(cf. points 61-62)

2. L’imputation à la société mère d’une infraction aux règles de la concurrence est une faculté laissée à l’appréciation de la Commission. Le seul fait que la Commission a estimé, dans sa pratique décisionnelle antérieure, que les circonstances d’une affaire ne justifiaient pas d’imputer le comportement d’une filiale à sa société mère n’implique pas qu’elle soit obligée de porter la même appréciation dans une décision ultérieure.

(cf. point 64)

3. La Commission peut présumer que, du fait de la détention directe ou indirecte de la totalité du capital de ses filiales, une société mère exerce une influence déterminante sur leur comportement. Il incombe à la société mère de renverser cette présomption en démontrant que lesdites filiales déterminent leur politique commerciale de façon autonome, de sorte à ne pas constituer, avec elle, une entité économique unique et, donc, une seule entreprise au sens de l’article 81 CE.

Plus particulièrement, il incombe à la société mère de soumettre tout élément relatif aux liens organisationnels, économiques et juridiques entre ses filiales et elle-même qu’elle considère comme étant de nature à démontrer qu’elles ne constituent pas une entité économique unique. Lors de son appréciation, le Tribunal doit en effet tenir compte de l’ensemble des éléments soumis, dont le caractère et l’importance peuvent varier selon les caractéristiques propres à chaque cas d’espèce.

À cet égard, ce n’est pas une relation d’instigation relative à l’infraction entre la société mère et sa filiale ni, à plus forte raison, une implication de la première dans ladite infraction, mais le fait qu’elles constituent une seule entreprise au sens susmentionné qui habilite la Commission à adresser la décision imposant des amendes à la société mère d’un groupe de sociétés. Ainsi, l’imputation du comportement infractionnel d’une filiale à sa société mère ne nécessite pas la preuve que la société mère influe sur la politique de sa filiale dans le domaine spécifique ayant fait l’objet de l’infraction. En particulier, le fait que la société mère joue un rôle de simple coordinateur technique et financier et qu'elle fournisse, en faveur de ses filiales, l'assistance financière nécessaire, ne saurait suffire pour exclure qu'elle exerce une influence déterminante sur le comportement desdites filiales en coordonnant notamment les investissements financiers au sein du groupe. En effet, dans le contexte d’un groupe de sociétés, une société qui coordonne notamment les investissements financiers au sein du groupe a vocation à regrouper des participations dans diverses sociétés et a pour fonction d’en assurer l’unité de direction, notamment par le biais de ce contrôle budgétaire.

Par ailleurs, l'argument selon lequel l'activité concernée par l'entente serait d'importance relative dans la politique industrielle du groupe ne saurait prouver que la société mère a laissé à ses filiales une autonomie totale pour définir leur comportement sur le marché.

Le fait que la société mère ne détient pas directement - mais indirectement - 100 % du capital des entreprises actives dans le secteur concerné par l'entente n’est pas non plus de nature, en soi, à démontrer que cette société mère et ses filiales ne forment pas une entité économique unique.

(cf. points 93-95, 97-98, 102)

4. Lorsque deux entités constituent une même entité économique, le fait que l’entité ayant commis une infraction aux règles de la concurrence existe encore n’empêche pas, en soi, que soit sanctionnée l’entité à laquelle elle a transféré ses activités économiques. En particulier, une telle mise en œuvre de la sanction est admissible lorsque ces entités ont été sous le contrôle de la même personne et ont, eu égard aux liens étroits qui les unissent sur le plan économique et organisationnel, appliqué pour l’essentiel les mêmes directives commerciales. Dans ces conditions, le principe de la responsabilité personnelle ne s'oppose pas à ce que la sanction pour l'infraction commise, d'abord, par une première entité et poursuivie, ensuite, par l'entité à laquelle ont été transférées les activités économiques concernées soit globalement infligée à cette dernière entité.

(cf. point 117)

5. Le pouvoir de la Commission d’infliger des amendes aux entreprises qui, de propos délibéré ou par négligence, commettent une infraction aux dispositions de l’article 81 CE constitue un des moyens qui lui sont attribués en vue de lui permettre d’accomplir la mission de surveillance que lui confère le droit communautaire, mission qui comprend le devoir de poursuivre une politique générale visant à appliquer en matière de concurrence les principes fixés par le traité et à orienter en ce sens le comportement des entreprises. Il s’ensuit que, pour apprécier la gravité d’une infraction en vue de déterminer le montant de l’amende, la Commission doit veiller au caractère dissuasif de son action, surtout pour les types d’infractions particulièrement nuisibles pour la réalisation des objectifs de la Communauté.

Cela exige que le montant de l’amende soit modulé afin de tenir compte de l’impact recherché sur l’entreprise à laquelle elle est infligée, et ce afin que l’amende ne soit pas rendue négligeable, ou au contraire excessive, notamment au regard de la capacité financière de l’entreprise en question, conformément aux exigences tirées, d’une part, de la nécessité d’assurer l’effectivité de l’amende et, d’autre part, du respect du principe de proportionnalité. Une entreprise de grande dimension, disposant de ressources financières considérables par rapport à celles des autres membres d’une entente, peut mobiliser plus facilement les fonds nécessaires pour le paiement de son amende, ce qui justifie, en vue d’un effet dissuasif suffisant de cette dernière, l’imposition, notamment par l’application d’un coefficient multiplicateur, d’une amende proportionnellement plus élevée que celle sanctionnant la même infraction commise par une entreprise qui ne dispose pas de telles ressources. En particulier, la prise en compte du chiffre d’affaires global de chaque entreprise faisant partie d’une entente est pertinente pour fixer le montant de l’amende.

L’objectif de dissuasion que la Commission est en droit de poursuivre lors de la...

To continue reading

Request your trial
1 practice notes
  • ENI SpA v European Commission.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • May 8, 2013
    ...that the Court should: — set aside in whole or in part the judgment under appeal in so far as it dismissed the action brought by Eni in Case T-39/07 and, — set aside in whole or in part the contested decision; and/or — annul, or at least reduce, the fine imposed on Eni by the contested deci......
1 cases
  • ENI SpA v European Commission.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • May 8, 2013
    ...that the Court should: — set aside in whole or in part the judgment under appeal in so far as it dismissed the action brought by Eni in Case T-39/07 and, — set aside in whole or in part the contested decision; and/or — annul, or at least reduce, the fine imposed on Eni by the contested deci......

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT