easyJet Airline Co. Ltd v European Commission.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:T:2020:182
Date13 May 2020
Docket NumberT-8/18
Celex Number62018TJ0008
CourtGeneral Court (European Union)

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre élargie)

13 mai 2020 (*)

« Aides d’État – Secteur aérien – Aide octroyée par l’Italie en faveur des aéroports sardes – Décision déclarant l’aide pour partie compatible et pour partie incompatible avec le marché intérieur – Imputabilité à l’État – Bénéficiaires – Avantage en faveur des compagnies aériennes cocontractantes – Principe de l’opérateur privé en économie de marché – Affectation des échanges entre États membres – Atteinte à la concurrence – Récupération – Confiance légitime – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑8/18,

easyJet Airline Co. Ltd, établie à Luton (Royaume-Uni), représentée par M. P. Willis, solicitor, et Me J. Rivas Andrés, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme L. Armati et M. S. Noë, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision (UE) 2017/1861 de la Commission, du 29 juillet 2016, concernant l’aide d’État SA 33983 (2013/C) (ex 2012/NN) (ex 2011/N) – Italie – Compensations versées aux aéroports sardes pour des obligations de service public (SIEG) (JO 2017, L 268, p. 1),

LE TRIBUNAL (première chambre élargie),

composé de MM. S. Papasavvas, président, J. Svenningsen (rapporteur), V. Valančius, Z. Csehi et P. Nihoul, juges,

greffier : M. P. Cullen, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 2 octobre 2019,

rend le présent

Arrêt

I. Antécédents du litige

A. Sur les mesures litigieuses

1 L’île de Sardaigne (Italie) compte cinq aéroports, parmi lesquels figurent ceux d’Alghero, de Cagliari-Elmas et d’Olbia.

2 L’aéroport d’Alghero est exploité par la So.Ge.A.Al SpA (ci-après la « SOGEAAL ») dont le capital a été intégralement souscrit par des organismes publics locaux et est détenu, majoritairement, par la Regione autonoma della Sardegna (Région autonome de Sardaigne, Italie, ci-après la « Région autonome »), y compris indirectement par l’intermédiaire de la Società Finanziaria Industriale Regione Sardegna (SFIRS). L’aéroport de Cagliari-Elmas est pour sa part exploité par la So.G.Aer SpA (ci-après la « SOGAER »), une société dont les parts sont majoritairement détenues par la chambre de commerce de Cagliari, tandis que l’aéroport d’Olbia est exploité par la GEASAR SpA (ci-après la « GEASAR »), une société enregistrée à Olbia dont la majorité des actions sont détenues par une entreprise privée, Meridiana SpA.

1. Sur les dispositions adoptées par la Région autonome

a) Sur l’article 3 de la loi no 10/2010

3 Le 13 avril 2010, la Région autonome a adopté la legge regionale n. 10 – Misure per lo sviluppo del trasporto aereo (loi régionale nº 10 – mesures en vue du développement du transport aérien) (Bollettino ufficiale della Regione autonoma della Sardegna nº 12, du 16 avril 2010) (ci-après la « loi nº 10/2010 »).

4 L’article 3 de la loi nº 10/2010, intitulé « Incitations pour la désaisonnalisation des liaisons aériennes de l’île » (Incentivi alla destagionalizzazione dei collegamenti aerei isolani), se lit comme suit :

« 1. Sont autorisées les dépenses de 19 700 000 [euros] pour l’année 2010 et de 24 500 000 [euros] pour chacune des années 2011 à 2013 pour le financement des aéroports de l’île en vue du renforcement et du développement du transport aérien en tant que service d’intérêt économique général, y compris par la désaisonnalisation des liaisons aériennes, conformément à la communication de la Commission 2005/C 312/01, relative à des lignes directrices communautaires sur le financement des aéroports et les aides d’[É]tat au démarrage pour les compagnies aériennes au départ d’aéroports régionaux.

2. Les critères, la nature et la durée de l’offre de transport ainsi que les directives pour l’élaboration des plans d’activités de la part des sociétés gestionnaires d’aéroports, qui tiennent compte des mesures relatives à la continuité territoriale visées à l’article 2, sont définis par résolution de l’exécutif régional, à adopter sur proposition du conseiller régional des transports, en accord avec les conseillers pour la planification, le budget, le crédit et l’aménagement régional, le tourisme, l’artisanat et le commerce, l’agriculture et la réforme agropastorale, les biens culturels, l’information, les loisirs et le sport.

3. La résolution visée au paragraphe 2 et les plans d’activités, y compris ceux déjà définis par les sociétés de gestion aéroportuaires à la date d’entrée en vigueur de la présente loi, accompagnés des actes et des contrats correspondants, sont financés s’ils sont établis conformément aux critères, à la nature, à la durée de l’offre de transport et aux directives visées au paragraphe 2 et sont préalablement soumis pour avis contraignant à la commission compétente. »

b) Sur les actes d’exécution de la loi no 10/2010

5 Conformément à l’article 3, paragraphe 2, de la loi nº 10/2010, l’exécutif de la Région autonome a adopté plusieurs actes de mise en œuvre des mesures prévues à cet article 3 (ci-après les « actes d’exécution »), notamment la deliberazione della Giunta regionale n. 29/36 (décision du conseil régional nº 29/36), du 29 juillet 2010 (ci-après la « décision régionale nº 29/36 »), la deliberazione della Giunta regionale n. 43/37 (décision du conseil régional nº 43/37), du 6 décembre 2010 (ci-après la « décision régionale nº 43/37 »), et la deliberazione della Giunta regionale n. 52/117 (décision du conseil régional nº 52/117), du 23 décembre 2011 (ci-après la « décision régionale nº 52/117 »), (ci-après, pris ensemble avec l’article 3 de la loi nº 10/2010, les « mesures litigieuses »).

6 Ces actes d’exécution définissent en substance trois types d’« activités » pour lesquels les exploitants aéroportuaires pouvaient recevoir une compensation de la Région autonome pour les années 2010 à 2013, à savoir :

– l’augmentation du trafic aérien par les compagnies aériennes (ci-après l’« activité 1 ») ;

– la promotion de l’île de Sardaigne en tant que destination touristique par les compagnies aériennes (ci-après l’« activité 2 ») ;

– d’autres activités de promotion confiées par les exploitants aéroportuaires, pour le compte de la Région autonome, à des prestataires de services tiers autres que des compagnies aériennes (ci-après l’« activité 3 »).

7 La décision régionale nº 29/36, d’une part, précisait que, dans la mise en œuvre de l’article 3 de la loi nº 10/2010, l’objectif de réduire la saisonnalité des liaisons aériennes consistait à augmenter la fréquence des vols pendant la moyenne saison et la saison hivernale ainsi qu’à ouvrir de nouvelles liaisons aériennes. D’autre part, cette décision indiquait que l’objectif ultime, poursuivi par les mesures prévues à l’article 3 de la loi nº 10/2010 de promotion d’une politique régionale de transport aérien, était le renforcement de la cohésion économique, sociale et territoriale, ainsi que le développement des économies locales, du tourisme et de la culture de l’île de Sardaigne.

8 À cet égard, la décision régionale nº 29/36 définissait les critères, la nature et la durée des services de transport pour lesquels une compensation pouvait être accordée pendant la période 2010-2013 ainsi que des lignes directrices pour l’élaboration et l’évaluation des « plans d’activités » rédigés par les exploitants aéroportuaires.

9 Concrètement, afin de recevoir un financement prévu par la loi nº 10/2010, un exploitant aéroportuaire devait soumettre pour approbation à la Région autonome un plan d’activités détaillé. Ce plan devait identifier quelles activités, parmi celles 1 à 3, l’exploitant aéroportuaire comptait mettre en œuvre afin d’atteindre les objectifs de la loi nº 10/2010. Ce plan devait éventuellement être concrétisé par des accords spécifiques entre l’exploitant aéroportuaire et des compagnies aériennes.

10 Lorsqu’un exploitant aéroportuaire souhaitait recevoir un financement pour l’activité 1, le plan d’activités qu’il présentait à la Région autonome devait identifier des « liaisons d’intérêt stratégique » (nationales et internationales) et définir des objectifs annuels en matière de fréquence de vols, de nouvelles liaisons et de nombre de passagers.

11 Selon les autorités italiennes, l’exploitation de ces liaisons d’intérêt stratégique constituait ainsi le service d’intérêt économique général que les compagnies aériennes fournissaient en échange d’une compensation.

12 Un plan d’activités mettant en œuvre l’activité 2 devait définir des activités spécifiques de marketing et de publicité qui visaient à augmenter le nombre de passagers et à promouvoir la zone d’attraction de l’aéroport.

13 La décision régionale nº 29/36 prévoyait que les plans d’activités devaient être étayés par des prévisions relatives aux perspectives de rentabilité des activités qu’ils identifiaient.

14 Il ressort de la décision régionale nº 29/36 que les plans d’activités devaient respecter certains principes :

– les liaisons d’intérêt stratégique déterminées par les plans ne pouvaient pas chevaucher des liaisons déjà exploitées dans le cadre d’un régime d’obligation de service public ;

– le financement accordé à chaque liaison subventionnée devait être dégressif avec le temps ;

– l’accord financier conclu avec les compagnies aériennes devait inclure un plan de promotion du territoire.

15 Si la Région autonome constatait des incohérences entre, d’une part, les plans d’activités présentés par les exploitants aéroportuaires et, d’autre part, les dispositions de la loi nº 10/2010 et ses actes d’exécution, elle pouvait exiger que ces plans d’activités soient modifiés.

16 Après avoir approuvé les différents plans d’activités qui lui étaient soumis par les exploitants aéroportuaires, la Région autonome répartissait les ressources financières disponibles pour chacune des années 2010 à 2013 entre les exploitants aéroportuaires.

17 Le montant de ces compensations était calculé à partir de la différence entre, d’une part, les...

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