Opinion of Advocate General Szpunar delivered on 19 September 2024.

JurisdictionEuropean Union
Celex Number62023CC0253
ECLIECLI:EU:C:2024:767
Date19 September 2024
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MACIEJ SZPUNAR

présentées le 19 septembre 2024 (1)

Affaire C253/23

ASG 2 Ausgleichsgesellschaft für die Sägeindustrie Nordrhein-Westfalen GmbH

contre

Land Nordrhein-Westfalen,

en présence de :

Otto Fuchs Beteiligungen KG,

Bundeskartellamt

[demande de décision préjudicielle formée par Landgericht Dortmund (Allemagne)]

« Renvoi préjudiciel – Concurrence – Actions en réparation du préjudice causé par des infractions aux règles de concurrence – Directive 2014/104/UE – Recouvrement groupé des créances en matière de dommages et intérêts – Validité de cessions à un prestataire de services juridiques – Inapplicabilité du droit national s’opposant à la validité de telles cessions »






I. Introduction

1. L’émergence d’acteurs judiciaires qui ont pour objet de regrouper les actifs fondés sur des droits d’indemnisation issus d’infractions au droit de la concurrence de l’Union ne constitue pas un phénomène entièrement nouveau (2). Toutefois, la présente affaire offre à la Cour une occasion inédite de statuer sur la conformité avec le droit de l’Union d’une interdiction du recouvrement par de tels acteurs judiciaires des créances relatives aux dommages causés par une entente au moyen du mécanisme de cession de créance. Il s’agit, plus précisément, de la conformité d’une telle interdiction avec l’article 101TFUE, la directive 2014/104/UE (3) et l’article 47, premier alinéa, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

II. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

2. L’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2014/104 prévoit :

« La présente directive énonce certaines règles nécessaires pour faire en sorte que toute personne ayant subi un préjudice causé par une infraction au droit de la concurrence commise par une entreprise ou une association d’entreprises puisse exercer effectivement son droit de demander réparation intégrale de ce préjudice à ladite entreprise ou à ladite association. Elle établit des règles qui favorisent une concurrence non faussée sur le marché intérieur et qui suppriment les obstacles au bon fonctionnement de ce dernier, en garantissant une protection équivalente, dans toute l’Union, à toute personne ayant subi un tel préjudice. »

3. L’article 2 de cette directive dispose :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

4) “action en dommages et intérêts”, une action introduite en vertu du droit national par laquelle une juridiction nationale est saisie d’une demande de dommages et intérêts par une partie prétendument lésée, par une personne agissant au nom d’une ou de plusieurs parties prétendument lésées, lorsque cette possibilité est prévue par le droit de l’Union ou par le droit national, ou par une personne physique ou morale qui a succédé dans les droits de la partie prétendument lésée, y compris la personne qui a racheté la demande ;

[...] »

4. L’article 3 de ladite directive, intitulé « Droit à réparation intégrale », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Les États membres veillent à ce que toute personne physique ou morale ayant subi un préjudice causé par une infraction au droit de la concurrence soit en mesure de demander et d’obtenir réparation intégrale de ce préjudice. »

5. Aux termes de l’article 4 de la même directive, intitulé « Principes d’effectivité et d’équivalence » :

« Conformément au principe d’effectivité, les États membres veillent à ce que toutes les règles et procédures nationales ayant trait à l’exercice du droit de demander des dommages et intérêts soient conçues et appliquées de manière à ne pas rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice du droit, conféré par l’Union, à réparation intégrale du préjudice causé par une infraction au droit de la concurrence. Conformément au principe d’équivalence, les règles et procédures nationales relatives aux actions en dommages et intérêts découlant d’infractions à l’article 101 ou 102 [TFUE] ne sont pas moins favorables aux parties prétendument lésées que celles régissant les actions similaires en dommages et intérêts découlant d’infractions au droit national. »

6. L’article 9, paragraphe 1, de la directive 2014/104 énonce :

« Les États membres veillent à ce qu’une infraction au droit de la concurrence constatée par une décision définitive d’une autorité nationale de concurrence ou par une instance de recours soit considérée comme établie de manière irréfragable aux fins d’une action en dommages et intérêts introduite devant leurs juridictions nationales au titre de l’article 101 ou 102 [TFUE] ou du droit national de la concurrence. »

B. Le droit allemand

7. Aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, du Gesetz über außergerichtliche Rechtsdienstleistungen (loi sur les services juridiques extrajudiciaires), du 12 décembre 2007 (4), tel que modifié par la loi du 10 mars 2023 (5) (ci-après le « RDG ») :

« La présente loi régit l’habilitation relative à la prestation de services juridiques extrajudiciaires en République fédérale d’Allemagne. Son objectif est de protéger les justiciables, les rapports juridiques ainsi que l’ordre juridique de prestations juridiques qui ne seraient pas fournies par des personnes qualifiées. [...] »

8. L’article 2 du RDG, intitulé « Notion de service juridique », dispose :

« 1) Constitue un service juridique toute activité dans des affaires concrètes d’autrui, dès lors qu’elle requiert un examen juridique du cas particulier.

2) Indépendamment des conditions énoncées au paragraphe 1, constitue un service juridique le recouvrement de créances d’autrui ou de créances cédées aux fins de recouvrement pour le compte d’autrui, lorsque l’activité de recouvrement de créances constitue une activité distincte, y compris en ce qui concerne l’examen et le conseil juridiques relatifs au recouvrement (service de recouvrement). Les créances cédées ne sont pas considérées, à l’égard du premier créancier, comme des créances d’autrui.

[...] »

9. Aux termes de l’article 3 du RDG, intitulé « Habilitation relative à la prestation de services juridiques extrajudiciaires » :

« La prestation, à titre indépendant, de services juridiques extrajudiciaires n’est admise que dans la mesure autorisée par la présente loi, par d’autres lois ou sur le fondement d’autres lois. »

10. L’article 10 du RDG prévoit notamment :

« 1) Les personnes physiques et morales ainsi que les sociétés n’ayant pas la personnalité juridique, enregistrées auprès de l’autorité compétente (personnes inscrites au registre), peuvent fournir, sur la base d’une expertise particulière, des services juridiques dans les domaines suivants :

1. services de recouvrement [...] »

11. L’article 11 du RDG, intitulé « Expertise particulière, dénominations professionnelles », énonce, à son paragraphe 1 :

« Les services de recouvrement requièrent une expertise particulière dans les domaines de droit pertinents pour l’activité sollicitée, en particulier ceux du droit civil, du droit commercial, du droit des valeurs mobilières et du droit des sociétés, du droit de la procédure civile, y compris du droit de l’exécution forcée et du droit de l’insolvabilité ainsi que du droit relatif aux frais et dépens. »

12. L’article 12 du RDG fixe les conditions de l’inscription au registre et de l’habilitation réglementaire. Il y est mentionné l’expertise théorique et pratique dans le domaine visé à l’article 10, paragraphe 1, de cette loi.

13. Conformément aux articles 2 et 4 de la Rechtsdienstleistungsverordnung (règlement relatif aux services juridiques) (6), la preuve de l’expertise théorique requise en application de l’article 12 du RDG peut résulter, entre autres, d’une attestation de réussite d’une formation d’une durée d’au moins 120 heures qui est de nature à permettre d’acquérir toutes les connaissances nécessaires à l’inscription au registre mentionné à l’article 10 du RDG.

III. Les faits à l’origine du litige au principal, la procédure devant la Cour et les questions préjudicielles

14. Le 31 mars 2020, ASG 2 Ausgleichsgesellschaft für die Sägeindustrie Nordrhein-Westfalen GmbH (ci-après « ASG 2 ») a introduit un recours devant la juridiction de renvoi, le Landgericht Dortmund (tribunal régional de Dortmund, Allemagne), sur la base des droits que lui avaient cédés 32 scieries établies en Allemagne, en Belgique et au Luxembourg. ASG 2 demande des dommages et intérêts au titre du préjudice causé par une entente. Dans cette procédure, il est fait grief au Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie (Allemagne) d’avoir, en violation de l’article 101TFUE, à tout le moins pendant la période du 28 juin 2005 au 30 juin 2019, uniformisé les prix des grumes résineuses (ci-après le « bois rond ») pour lui-même ainsi que pour d’autres propriétaires forestiers établis dans ce Land.

15. La juridiction de renvoi explique que le Bundeskartellamt (autorité fédérale de la concurrence, Allemagne) avait enquêté sur cette pratique avant l’introduction du recours au principal. En 2009, sur le fondement de l’article 32b du Gesetz gegen Wettbewerbsbeschränkungen (loi contre les restrictions de concurrence, ci-après le « GWB »), cette autorité avait adopté une décision d’engagements fondée sur le droit allemand et l’article 101TFUE visant le Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie ainsi que d’autres Länder impliqués de manière similaire dans la commercialisation du bois rond (ci-après la « décision d’engagements de 2009 »).

16. En 2012, l’autorité fédérale de la concurrence a ouvert une nouvelle enquête sur les conditions du marché concerné, visant le Land de Bade-Wurtemberg (Allemagne). Sur la base des conclusions de cette enquête, cette autorité a annulé la décision d’engagements de 2009 et a prononcé, en application de l’article 32 du GWB, une injonction de cessation, qui a cependant été annulée par la suite par le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne). Il n’existe pas, à l’égard du Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, de...

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