Opinion of Advocate General Kokott delivered on 4 October 2018.
Jurisdiction | European Union |
Court | Court of Justice (European Union) |
Date | 04 October 2018 |
CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
MME JULIANE KOKOTT
présentées le 4 octobre 2018 ( 1 )
Affaire C‑423/17
Royaume des Pays-Bas
contre
Warner-Lambert Company LLC
[demande de décision préjudicielle formée par le Gerechtshof Den Haag (cour d’appel de La Haye, Pays-Bas)]
« Renvoi préjudiciel – Médicaments à usage humain – Directive 2001/83/CE – Médicaments génériques – Résumé des caractéristiques du médicament – Limitation (carve out) des indications du médicament de référence qui sont encore protégées par un brevet – Portée de l’autorisation de mise sur le marché du médicament générique – Publication du résumé des caractéristiques du médicament »
I. Introduction
1. |
Les règles du droit de l’Union relatives à la mise sur le marché des médicaments, en particulier la directive 2001/83/CE ( 2 ) relative aux médicaments à usage humain, litigieuse en l’espèce, ainsi que le règlement (CE) no 726/2004 ( 3 ), établissent un équilibre entre différents intérêts, parfois concurrents. Ainsi, il faut, d’une part, offrir aux sociétés pharmaceutiques innovantes des incitations suffisantes pour qu’elles développent des médicaments. D’autre part, il faut également encourager la mise sur le marché de médicaments génériques dans la mesure où ces derniers soulagent financièrement les systèmes de santé et aident à prévenir des essais superflus sur les humains et les animaux ( 4 ). |
2. |
Les médicaments génériques, c’est-à-dire des « copies » de médicaments de référence ( 5 ), peuvent ainsi être autorisés et mis sur le marché sans présentation des résultats d’essais précliniques et cliniques. Cela n’est toutefois possible qu’après l’expiration d’une période de dix ans au cours de laquelle les études portant sur les médicaments de référence jouissent d’une protection des données. Cela signifie que pour garantir aux fabricants des médicaments de référence un droit de distribution exclusif limité dans le temps, les fabricants de génériques ne peuvent pas s’appuyer sur les documents présentés pour l’autorisation du médicament de référence ( 6 ). |
3. |
Après l’expiration de la période de protection des données, la commercialisation de médicaments génériques – désormais permise par le droit de l’Union – peut cependant toujours être empêchée par des droits de brevet des fabricants de médicaments de référence qui ne sont pas réglés par le droit de l’Union. Dans de tels cas, la directive 2001/83 cherche de nouveau à trouver un équilibre entre les différents intérêts et à prévenir que des droits de brevet qui ne concernent que certaines indications ou formes de dosage d’un médicament de référence, les brevets dits pour une deuxième application médicale ou une application médicale supplémentaire, ne fassent échec à la commercialisation d’un médicament générique dans son ensemble ( 7 ). |
4. |
Afin de permettre qu’un médicament générique ne soit mis sur le marché que pour les indications et formes de dosage du médicament de référence qui ne sont plus protégées par un brevet, la directive 2001/83 autorise une exception au principe de l’unité entre le médicament de référence et le médicament générique : les fabricants de génériques peuvent introduire un carve out, c’est-à-dire supprimer du résumé des caractéristiques du médicament générique les indications ou formes de dosage du médicament de référence qui sont encore protégées par un brevet ( 8 ). Le résumé des caractéristiques fait partie des documents relatifs à l’autorisation et contient, entre autres, des informations sur les indications thérapeutiques et les dosages du médicament. Il s’adresse d’abord aux professionnels de santé, mais constitue aussi la base de la notice dans l’emballage ( 9 ). Un carve out signifie donc en particulier que les indications et formes de dosage du médicament de référence encore protégées par un brevet ne se retrouvent pas dans la notice dans l’emballage du médicament générique bien que ce dernier – qui est identique au médicament de référence ( 10 ) – puisse, du point de vue purement médical, être utilisé et prescrit pour les indications et dans les dosages concernés. |
5. |
L’incidence de l’introduction d’un carve out dans le résumé des caractéristiques d’un médicament générique sur la portée de l’autorisation de mise sur le marché de celui-ci n’est pas explicitement réglée. Il n’est ainsi en particulier pas clair si, en cas d’introduction d’un carve out après la délivrance de l’autorisation de mise sur le marché du médicament générique en cause, cette autorisation vaut toujours pour les indications ou formes de dosage qui ont été supprimées par le carve out du résumé des caractéristiques ou si la notification a posteriori d’un carve out a au contraire pour conséquence que l’autorisation doit être limitée aux indications et formes de dosage restantes, non affectées par le carve out. |
6. |
Telle est la question centrale de la présente demande de décision préjudicielle. Elle se pose eu égard à la pratique du College ter Beordeling van Genessmiddelen (CBG) (autorité néerlandaise d’autorisation des médicaments), de publier sur son site Internet le résumé des caractéristiques des médicaments génériques dans leur version « full label », c’est-à-dire sans tenir compte du carve out introduit a posteriori. Cette pratique est conforme au point de vue défendu en l’espèce par le gouvernement néerlandais, selon lequel au moins un carve out introduit a posteriori n’a aucune incidence sur la portée d’une autorisation de mise sur le marché délivrée auparavant. Warner-Lambert Company LLC (ci-après « WLC »), en tant que fabricant de médicaments de référence, conteste cette allégation, soutenant que le CBG encouragerait par sa pratique la prescription de médicaments génériques pour une indication de son médicament de référence encore protégée par un brevet, ce qui priverait d’effet la réglementation du carve out dans la directive 2001/83. |
7. |
Cette argumentation illustre le fait que derrière le contexte au premier abord technique de l’affaire au principal se cache la question fondamentale de l’esprit et de la finalité de la réglementation du carve out et donc du rapport entre le droit des médicaments et le droit des brevets. Il appartient ainsi à la Cour de préciser quelles orientations du législateur sont à la base de la réglementation du carve out. Celle-ci est-elle uniquement supposée écarter les obstacles à la mise sur le marché des médicaments génériques en permettant aux fabricants de génériques d’éviter des violations de brevets, le médicament générique en question demeurant toutefois autorisé pour les indications et formes de dosage encore protégées par un droit de brevet ? Ou bien le législateur voulait-il permettre une protection efficace des brevets en question et a-t-il accepté en même temps une charge plus importante pour les systèmes nationaux de santé ? Tel serait le cas si on admettait que le carve out limitait l’autorisation des médicaments génériques concernés puisque ceux-ci ne seraient probablement plus prescrits pour les indications et formes de dosage du médicament de référence protégés par un brevet. |
II. Cadre juridique
A. Droit de l’Union
8. |
Outre la procédure d’autorisation purement nationale, sans pertinence en l’espèce, une autorisation de mise sur le marché d’un médicament peut être obtenue dans le cadre de la procédure centralisée, de la procédure décentralisée ( 11 ) et de la procédure de reconnaissance mutuelle. La directive 2001/83 contient le cadre juridique pour les autorisations par les instances nationales. Le règlement no 726/2004 règle quant à lui la procédure d’autorisation centralisée de la Commission au niveau européen. Enfin, le règlement (CE) no 1234/2008 ( 12 ) fixe les étapes procédurales de l’examen des modifications apportées à l’autorisation par la Commission ainsi que par les autorités nationales. |
9. |
En vertu de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2001/83, « [a]ucun médicament ne peut être mis sur le marché d’un État membre sans qu’une autorisation de mise sur le marché ait été délivrée par l’autorité compétente de cet État membre, conformément à la [...] directive ». |
10. |
Aux termes de l’article 8, paragraphe 3, sous i) et j), de la directive 2001/83, la demande de délivrance d’une autorisation de mise sur le marché doit être accompagnée notamment des données et documents suivants :
[...]
|
11. |
L’article 10 de la directive 2001/83 permet la demande simplifiée suivante pour les médicaments génériques : « 1. Par dérogation à l’article 8, paragraphe 3, point i), et sans préjudice de la législation relative à la protection de la propriété industrielle et commerciale, le demandeur n’est pas tenu de fournir les résultats des essais précliniques et cliniques s’il peut démontrer que le médicament est un générique d’un médicament de référence qui est ou a été autorisé au sens de l’article 6 depuis au moins huit ans dans un État membre ou dans [l’Union]. Un médicament générique autorisé en vertu de la présente disposition ne peut être commercialisé avant le terme de la période de dix ans suivant l’autorisation initiale du médicament de référence. [...] » |
12. |
L’article 11, deuxième phrase, de la directive 2001/83 dispose au sujet des données nécessaires dans le résumé des caractéristiques du produit : « Pour les autorisations au titre de l’article 10, ne doivent pas être incluses les... |
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