Mohamed Aziz v Caixa d´Estalvis de Catalunya, Tarragona i Manresa (Catalunyacaixa).

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2012:700
Docket NumberC-415/11
Celex Number62011CC0415
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date08 November 2012
62011CC0415

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M ME JULIANE KOKOTT

présentées le 8 novembre 2012 ( 1 )

Affaire C‑415/11

Mohamed Aziz

contre

Caixa d’Estalvis de Catalunya, Tarragona i Manresa (Catalunyacaixa)

[demande de décision préjudicielle formée par le Juzgado de lo Mercantil no 3 de Barcelona (Espagne)]

«Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs — Prêt hypothécaire — Possibilités de protection juridique dans le cadre d’une procédure d’exécution — Déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat — Intérêts de retard — Échéance anticipée du prêt»

I – Introduction

1.

La présente demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs ( 2 ).

2.

En vue de financer son logement, M. Mohamed Aziz, requérant dans la procédure au principal, avait conclu un contrat de crédit avec la caisse d’épargne défenderesse, ainsi que consenti une hypothèque aux fins de garantie dudit prêt. En raison de difficultés de paiement de M. Aziz, la défenderesse a demandé la saisie du bien immobilier dans le cadre d’une procédure de saisie hypothécaire simplifiée prévue par le droit espagnol.

3.

À l’issue de la procédure d’exécution, M. Aziz a fait grief, dans le cadre d’une procédure distincte, du caractère abusif de l’une des clauses du contrat de crédit. Selon la juridiction de renvoi, le caractère abusif de clauses du contrat de crédit ne peut pas être invoqué dans le cadre de la procédure de saisie hypothécaire. Le consommateur ne peut en faire grief que dans le cadre d’une procédure au fond distincte. Cette dernière ne peut toutefois avoir aucune incidence sur l’exécution. Dans ces conditions, la juridiction de renvoi s’interroge sur la conformité avec la directive 93/13 de règles procédurales nationales qui ne permettent pas d’invoquer le caractère abusif de clauses. Elle interroge également la Cour sur le caractère abusif de certaines clauses du contrat de crédit.

4.

La présente procédure offre donc à la Cour la possibilité de développer sa jurisprudence relative à la garantie effective de la protection du consommateur par le droit procédural national, ainsi que de débattre des circonstances devant être prises en considération lors de la détermination du caractère abusif d’une clause contractuelle.

II – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

5.

Aux termes de l’article 3 de la directive 93/13:

«1. Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat.

[…]

3. L’annexe contient une liste indicative et non exhaustive de clauses qui peuvent être déclarées abusives.»

6.

L’article 4, paragraphe 1, de la directive 93/13 prévoit:

«Sans préjudice de l’article 7, le caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend.»

7.

L’article 7, paragraphe 1, de ladite directive dispose:

«Les États membres veillent à ce que, dans l’intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel.»

8.

L’annexe de la directive 93/13, intitulée «Clauses visées à l’article 3 paragraphe 3», indique:

«1. Clauses ayant pour objet ou pour effet:

[…]

e) d’imposer au consommateur qui n’exécute pas ses obligations une indemnité d’un montant disproportionnellement élevé;

[…]

q) de supprimer ou d’entraver l’exercice d’actions en justice ou des voies de recours par le consommateur, notamment en obligeant le consommateur à saisir exclusivement une juridiction d’arbitrage non couverte par des dispositions légales, en limitant indûment les moyens de preuves à la disposition du consommateur ou en imposant à celui-ci une charge de preuve qui, en vertu du droit applicable, devrait revenir normalement à une autre partie au contrat.

[…]»

B – Le droit national

9.

La procédure judiciaire de saisie hypothécaire est régie par les articles 693 et 695 à 698 du code de procédure civile espagnol ( 3 ).

10.

L’article 695 de la LEC prévoit:

«1. Dans les procédures visées au présent chapitre, l’opposition à l’exécution du défendeur ne sera accueillie que lorsqu’elle se fonde sur les causes suivantes:

1)

l’extinction de la garantie ou de l’obligation garantie, sous réserve qu’une attestation du registre soit produite faisant état de l’annulation de l’hypothèque ou, le cas échéant, du gage sans dépossession, ou d’un acte notarié attestant du récépissé de paiement ou de l’annulation de la garantie;

2)

une erreur dans la détermination du montant exigible, lorsque la créance garantie est constituée par le solde entraînant la clôture d’un compte entre le créancier demandant l’exécution et le défendeur à l’exécution. Le défendeur à l’exécution doit produire son exemplaire du relevé de compte et l’opposition n’est accueillie que si le solde figurant dans ledit relevé est différent de celui présenté par le créancier demandant l’exécution.

[…]

2. En cas d’introduction de l’opposition visée au paragraphe précédent, le greffier procède à la suspension de l’exécution et convoque les parties à comparaître devant le tribunal ayant rendu l’ordonnance de saisie. La citation à comparaître doit intervenir au moins quatre jours avant la tenue de l’audience en question. Au cours de cette audience, le tribunal entend les parties, accueille les documents produits et adopte la décision pertinente, sous la forme d’une ordonnance, au cours de la deuxième journée.

[…]»

11.

L’article 698 de la LEC stipule:

«1. Toute réclamation que le débiteur, le tiers détenteur ou tout intéressé pourrait formuler qui ne serait pas comprise dans les articles précédents, y compris celles relatives à l’annulation du titre ou à l’échéance, au caractère certain, à l’extinction ou au montant de la dette, est tranchée dans le jugement correspondant, sans jamais avoir pour effet de suspendre la procédure judiciaire d’exécution prévue au présent chapitre ou d’y faire échec.

[…]

2. Lors de la présentation du recours visé au paragraphe précédent ou au cours de la procédure à laquelle ce recours donnerait lieu, il peut être demandé que l’effectivité de la décision qui sera rendue dans ce cadre soit garantie au moyen du séquestre de tout ou partie du montant qui, conformément à la procédure régie par le présent chapitre, doit être remis au créancier.

Le tribunal rend une décision ordonnant ledit séquestre, au vu des pièces produites, s’il considère que les raisons invoquées sont suffisantes. Si le demandeur au séquestre ne dispose pas d’une solvabilité notoire et suffisante, le tribunal doit exiger de celui-ci qu’il présente une garantie préalable et suffisante pour répondre des intérêts de retard et pour dédommager le créancier d’autres préjudices pouvant lui être occasionnés.

3. Lorsque le créancier a présenté une garantie satisfaisante quant au règlement du montant demandé en séquestre à la suite de la procédure visée au paragraphe 1 ci-dessus, le séquestre est levé.»

III – Les faits et la demande de décision préjudicielle

12.

En juillet 2007, M. Aziz a souscrit, par acte notarié, un prêt hypothécaire auprès de la Caixa d’Estalvis de Catalunya, Tarragona i Manresa (Catalunyacaixa) ( 4 ). Ce contrat de prêt portant sur un montant de 138000 euros visait essentiellement au remboursement de la dette contractée auprès d’un autre établissement de crédit en vue de l’achat d’un domicile familial pour un montant de 115821 euros. Le bien grevé a continué à être le domicile familial, dont la valeur a été fixée à 194 000 euros dans le contrat de prêt notarié. À cette époque, M. Aziz avait un revenu mensuel fixe de 1341 euros.

13.

Les clauses essentielles du contrat sont résumées comme suit dans la demande de décision préjudicielle: la période d’amortissement prévue est de 33 annuités, à rembourser en 396 mensualités, du 1er août 2007 au 31 juillet 2040. Le montant des mensualités s’élève, tant que le taux d’intérêt reste inchangé, à 701,40 euros. Le taux d’intérêt ordinaire est fixé comme suit: jusqu’au 30 janvier 2008, un intérêt nominal annuel fixe de 4,87 % est appliqué et, de ce jour jusqu’au remboursement total du prêt, le taux d’intérêt nominal est variable (Euribor + 1,10 %).

14.

La sixième clause du contrat prévoit que l’emprunteur est en retard de paiement, même sans mise en demeure, s’il ne paie pas un montant à titre d’intérêts ou d’amortissement devenu exigible – même de manière anticipée. Les intérêts de retard sont calculés au jour le jour et se voient appliquer un taux d’intérêt de 18,75 %.

15.

Il est ensuite indiqué que la caisse d’épargne peut déclarer exigible la totalité du prêt entre autres si l’un des délais convenus arrive à échéance et que le débiteur n’a pas rempli son obligation de paiement d’une partie du capital ou des intérêts du prêt. Les parties conviennent d’inscrire cette cause d’exigibilité au registre foncier, afin qu’une action judiciaire en réclamation de la créance totale (capital et intérêts) puisse être...

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