Opinion of Advocate General Kokott delivered on 31 May 2018.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2018:365
Date31 May 2018
Celex Number62017CC0245
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-245/17
62017CC0245

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 31 mai 2018 ( 1 )

Affaire C‑245/17

Pedro Viejobueno Ibáñez,

Emilia de la Vara González

contre

Consejería de Educación de Castilla-La Mancha

[demande de décision préjudicielle présentée par le Tribunal Superior de Justicia de Castilla-La Mancha (Cour supérieure de justice de Castille-La Manche, Espagne)]

« Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Travail à durée déterminée – Accord‑cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée – Principe de non-discrimination – Fonctionnaires intérimaires et fonctionnaires statutaires au sens du droit espagnol – Professeurs employés en tant que fonctionnaires intérimaires – Cessation anticipée de la relation de travail à la fin de la période d’enseignement – Inégalité de traitement par rapport à des travailleurs à durée indéterminée comparables – Raison objective justifiant le traitement différent »

I. Introduction

1.

Dans un contexte de situation budgétaire toujours tendue dans beaucoup d’États membres, l’administration publique est, quant à elle, également contrainte de réduire ses coûts. Pour répondre à ce défi, les professeurs sont plus rarement titularisés ou engagés pour une durée indéterminée et plus souvent employés à durée déterminée. Certains États membres ont, à cet égard, déjà entrepris d’employer une partie des professeurs, non pour toute l’année scolaire, mais uniquement pour la période d’enseignement ( 2 ).

2.

En Espagne, la loi sur les agents publics prévoit la possibilité, lorsque l’on est en présence de motifs de nécessité et d’urgence, d’embaucher des « fonctionnaires intérimaires» ( 3 ) à la place de fonctionnaires statutaires. Dans les services d’enseignement espagnols, des fonctionnaires intérimaires ont jusqu’à présent été nommés sur ce fondement, en cas de pénurie de professeurs, pour la durée de toute une année scolaire.

3.

M. Pedro Viejobueno Ibáñez et Mme Emilia de la Vara González, les appelants au principal, ont, quant à eux, également été nommés sur ce fondement pour la durée de l’année scolaire 2011/2012, dans les services d’enseignement de la Communauté autonome de Castille-La Manche. À la fin de la période d’enseignement, à savoir au début des congés estivaux, l’autorité scolaire a cependant fait valoir que la nécessité et l’urgence justifiant leur emploi avaient désormais disparu et il a été mis un terme à leur relation de travail avec effet immédiat.

4.

Dans ce contexte, la Cour est saisie, en l’espèce, de la question de savoir si l’autorité scolaire compétente discrimine les fonctionnaires intérimaires employés à durée déterminée par rapport aux fonctionnaires statutaires employés à durée indéterminée, lorsqu’elle met un terme de manière anticipée à leur emploi à la fin de la période d’enseignement. À cet égard, la question se pose également de savoir si les fonctionnaires intérimaires sont désavantagés par le fait que, en raison de la cessation de leur relation de travail au début des congés estivaux, ils ne peuvent pas profiter de leurs jours de congé sous la forme de jours effectifs de repos, mais qu’ils reçoivent uniquement une indemnité financière au prorata.

5.

La Cour s’est déjà prononcée à plusieurs reprises concernant la catégorie des fonctionnaires intérimaires en droit espagnol ( 4 ). La présente procédure lui donnera une nouvelle fois l’occasion de préciser davantage les incidences du principe de non-discrimination des travailleurs à durée déterminée sur cette catégorie de travailleurs du secteur public.

II. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

6.

La réglementation de l’Union applicable en l’espèce est la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée ( 5 ). Comme l’indique son article 1er, cette directive met en œuvre l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée (ci-après l’« accord-cadre ») qui a été conclu le 18 mars 1999 entre les organisations interprofessionnelles à vocation générale (CES, UNICE, CEEP) et qui est joint en annexe à la directive.

7.

L’accord-cadre vise notamment à « améliorer la qualité du travail à durée déterminée en garantissant l’application du principe de non-discrimination» ( 6 ). Il se fonde, à cet égard, sur la considération que « les contrats à durée indéterminée sont et resteront la forme générale de relations d’emploi entre employeurs et travailleurs» ( 7 ). L’accord-cadre reconnaît cependant également que les contrats de travail à durée déterminée « sont une caractéristique de l’emploi dans certains secteurs, occupations et activités qui peuvent convenir à la fois aux travailleurs et aux employeurs» ( 8 ).

8.

S’agissant du champ d’application de l’accord-cadre, la clause 2, point 1, prévoit :

« Le présent accord s’applique aux travailleurs à durée déterminée ayant un contrat ou une relation de travail défini par la législation, les conventions collectives ou les pratiques en vigueur dans chaque État membre. »

9.

La clause 3 de l’accord-cadre comporte les « définitions » suivantes :

« Aux termes du présent accord, on entend par :

1.

“travailleur à durée déterminée”, une personne ayant un contrat ou une relation de travail à durée déterminée conclu directement entre l’employeur et le travailleur où la fin du contrat ou de la relation de travail est déterminée par des conditions objectives telles que l’atteinte d’une date précise, l’achèvement d’une tâche déterminée ou la survenance d’un événement déterminé ;

2.

“travailleur à durée indéterminée comparable”, un travailleur ayant un contrat ou une relation de travail à durée indéterminée dans le même établissement, et ayant un travail/emploi identique ou similaire, en tenant compte des qualifications/compétences. […] »

10.

La clause 4, point 1, de l’accord-cadre, intitulée « Principe de non‑discrimination », est libellée comme suit :

« Pour ce qui concerne les conditions d’emploi, les travailleurs à durée déterminée ne sont pas traités d’une manière moins favorable que les travailleurs à durée indéterminée comparables au seul motif qu’ils travaillent à durée déterminée, à moins qu’un traitement différent soit justifié par des raisons objectives. »

11.

En outre, l’article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail ( 9 ), intitulé « Congé annuel », prévoit :

« 1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d’un congé annuel payé d’au moins quatre semaines, conformément aux conditions d’obtention et d’octroi prévues par les législations et/ou pratiques nationales.

2. La période minimale de congé annuel payé ne peut être remplacée par une indemnité financière, sauf en cas de fin de relation de travail. »

B. Le droit espagnol

12.

La Ley 7/2007 del Estatuto básico del empleado público (loi 7/2007 sur le statut de base des agents publics), du 12 avril 2007 ( 10 ), réglemente le statut des agents publics au sein de l’administration générale de l’État espagnol et des communautés autonomes du pays.

13.

Conformément à l’article 8 de la loi 7/2007, il existe quatre catégories d’agents publics : les fonctionnaires statuaires, les fonctionnaires intérimaires, les agents contractuels qui peuvent être embauchés tant à durée déterminée qu’à durée indéterminée, et le personnel auxiliaire.

14.

L’article 10 de la loi 7/2007 énonce :

« (1) Sont fonctionnaires intérimaires les personnes qui, pour des motifs de nécessité et d’urgence expressément justifiés, sont nommées à ce titre pour exercer des fonctions propres aux fonctionnaires statutaires, dans l’une des situations suivantes :

a)

l’existence de postes vacants non susceptibles d’être occupés par des fonctionnaires statutaires,

b)

le remplacement temporaire de fonctionnaires statutaires,

c)

la réalisation de programmes à caractère temporaire,

d)

une charge de travail excessive pendant une durée maximale de six mois au cours d’une période de douze mois.

[…]

(3) La relation de travail des fonctionnaires intérimaires prend fin, outre pour les motifs mentionnés à l’article 63, lorsque le motif ayant motivé leur recrutement cesse d’exister.

[…]

(5) Le régime général des fonctionnaires statutaires s’applique aux fonctionnaires intérimaires, pour autant cela soit compatible avec la nature de leur statut. »

15.

L’article 63 de la loi 7/2007 prévoit les motifs de la perte du statut de fonctionnaire.

16.

La Ley 4/2011 del Empleo Público de Castilla-La Mancha (loi 4/2011 sur la fonction publique dans la Communauté autonome de Castille-La Manche), du 10 mars 2011 ( 11 ), reprend en substance la définition figurant à l’article 10, paragraphe 1, de la loi 7/2007, relative au « fonctionnaire intérimaire », en précisant en outre explicitement que ce dernier exerce « temporairement » les fonctions d’un fonctionnaire statutaire.

17.

L’article 9, point 1, sous b), de la loi no 4/2011 énonce :

« 1.

Il est mis un terme au contrat de travail des fonctionnaires intérimaires pour les motifs suivants :

[…]

b)

la disparition des motifs de nécessité et d’urgence qui ont motivé le recrutement ;

[…] »

18.

Un accord conclu le 10 mars 1994 entre la direction générale du personnel et des services du ministère espagnol de l’Éducation et le syndicat ANPE ( 12 ), également applicable à la Communauté autonome de...

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