Opinion of Advocate General Wahl delivered on 14 September 2017.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2017:690
Celex Number62015CC0627
CourtCourt of Justice (European Union)
Date14 September 2017

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NILS WAHL

présentées le 14 septembre 2017 (1)

Affaire C-627/15

Dumitru Gavrilescu

Liana Gavrilescu

contre

SC Banca Transilvania SA, anciennement SC Volksbank România SA

SC Volksbank România SA – sucursala Câmpulung

[demande de décision préjudicielle de la Judecătoria Câmpulung (tribunal de première instance de Câmpulung, Roumanie)]

« Compétence de la Cour de justice – Existence d’un litige pendant devant la juridiction de renvoi – Dispositions nationales permettant le désistement d’instance après la saisine de la Cour de justice à titre préjudiciel – Dispositions nationales permettant à une juridiction d’appel de contrôler une ordonnance de suspension de la procédure adoptée par la juridiction de premier instance dans l’attente que la Cour se prononce sur le pourvoi dont elle a été saisie – Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs – Article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13/CEE – Contrats de prêt libellés en devises étrangères – Clauses soustraites à l’appréciation de leur caractère abusif »






1. Dumitru et Liana Gavrilescu (ci-après « M. et Mme Gavrilescu ») ont conclu un contrat de prêt libellé en francs suisses, comprenant une obligation de remboursement dans cette même devise, avec la SC Volksbank România (ci-après la « Volksbank » ou la « banque ») en Roumanie. Pendant la durée du contrat, la devise locale (le leu roumain) a toutefois subi une dépréciation importante face au franc suisse. Cette circonstance a eu une incidence négative sur le montant des mensualités dues à la banque par M. et Mme Gravilescu, ceux-ci percevant leur rémunération en lei roumains.

2. M. et Mme Gavrilescu ont décidé de former un recours contre la Volksbank devant la Judecătoria Câmpulung (tribunal de première instance de Câmpulung, Roumanie) en invoquant notamment le caractère abusif des conditions de remboursement du prêt libellé dans la devise étrangère. Selon M. et Mme Gravilescu, ces conditions ont eu pour effet de faire peser sur eux les risques liés aux éventuelles fluctuations du taux de change.

3. Dans le cadre de cette procédure, la Judecătoria Câmpulung (tribunal de première instance de Câmpulung) a décidé de soumettre à la Cour certaines questions préjudicielles relatives à l’interprétation de la directive 93/13/CEE (2)Ultérieurement, M. et Mme Gavrilescu, ont toutefois conclu un accord amiable avec la Volksbank et, en application des dispositions de droit national, décidé de se désister de l’instance devant la juridiction de renvoi.

4. En dépit du désistement, la juridiction de renvoi a informé la Cour qu’elle souhaitait, d’une part, maintenir ses questions et, d’autre part, lui soumettre deux questions supplémentaires relatives à l’étendue de la compétence de la Cour en application de l’article 267 TFUE.

5. La présente affaire constitue donc une opportunité pour la Cour de préciser sa jurisprudence relative à l’exigence que prévoit l’article 267 TFUE en voulant que les questions préjudicielles soient nécessaires à la juridiction de renvoi pour rendre son jugement dans l’affaire au principal.

I. Le cadre juridique

A. Droit de l’Union

6. Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 :

« Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat. »

7. L’article 4 de la directive 93/13 prévoit que :

« 1. Sans préjudice de l’article 7, le caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend.

2. L’appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part, pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible. »

B. Le droit roumain

1. La loi n° 193/2000

8. La Legea nº 193/2000 privind clauzele abuzive din contractele încheiate între comercianţi şi consumatori (loi n° 193/2000 sur les clauses abusives dans les contrats conclus entre les commerçants et les consommateurs, ci-après la « loi n° 193/2000 »), du 10 novembre 2000, dans sa version republiée (3), vise à transposer la directive 93/13 en droit interne.

2. Le code de procédure fiscale

9. L’article 406 du Codul de procedură civilă (code roumain de la procédure civile) dispose :

« 1. La partie requérante peut à tout moment renoncer à l’instance, en totalité ou en partie, soit verbalement lors de l’audience, soit par une demande écrite.

2. Cette demande est faite personnellement ou par l’intermédiaire d’un mandataire justifiant d’un pouvoir spécial.

3. Si le désistement a eu lieu après la signification de la requête, la juridiction, à la demande de la partie défenderesse, condamne la partie requérante aux dépens encourus par celle-ci.

4. Si la partie requérante renonce à l’instance lors de la première audience à laquelle les parties sont dûment convoquées ou ultérieurement, le désistement ne peut se faire qu’avec l’accord exprès ou tacite de l’autre partie. Si la partie défenderesse n’est pas présente à l’audience au cours de laquelle la partie requérante déclare renoncer à l’instance, la juridiction lui accorde un délai pour exprimer sa position par rapport à la demande de désistement. L’absence de réponse dans ce délai vaut acceptation tacite du désistement [...] »

10. Aux termes de l’article 414 du Codul de procedură civilă (code roumain de la procédure civile) :

« 1. Il est statué par ordonnance sur la suspension de la procédure, ordonnance qui peut être attaquée par un pourvoi, séparément, devant la juridiction hiérarchiquement supérieure. [...]

2. Le pourvoi peut être formé tant que la procédure est suspendue, aussi bien contre l’ordonnance de suspension que contre l’ordonnance de rejet de la demande de reprise de la procédure. »

II. Les faits à l’origine du litige, la procédure au principal et les questions préjudicielles

11. Il ressort de l’exposé des faits au principal par la juridiction de renvoi que, le 5 septembre 2008, M. et Mme Gavrilescu ont conclu un contrat de prêt avec la Volksbank pour la somme de 45 000 francs suisses (CHF). Le prêt a été consenti pour une durée de 276 mois, à un taux d’intérêt annuel de 3,99 %. Le contrat a été modifié successivement par les avenants n° 1, du 20 août 2010, et n° 2, du 25 juin 2013.

12. Le contrat de prêt stipulait que le remboursement devait, en principe, être effectué dans la devise du prêt. Selon la juridiction de renvoi, toute variation du taux de change devait, aux termes du contrat de prêt, être supportée entièrement par l’emprunteur.

13. L’article 4.2 des conditions générales stipulait que l’emprunteur acceptait que, si, pendant la durée du prêt, le taux de change relatif à la devise du prêt augmentait de plus de 10 % par rapport au taux applicable au moment de la conclusion du contrat, la banque était autorisée, mais non pas obligée, de convertir de manière unilatérale le contrat en lei roumains, afin d’assurer que l’exposition au risque de change ne continue pas à augmenter, en utilisant le taux de change entre le franc suisse et le leu roumain pratiqué par la banque à la date de la conversion. Par conséquent, la valeur du prêt aurait, à partir de ce moment, correspondu à la valeur en lei roumains, calculée conformément à la conversion. Dans ce contexte, les emprunteurs s’étaient également engagés à supporter tous les coûts générés par cette conversion.

14. En application de l’article 4.3 des conditions générales, les emprunteurs pouvaient, pendant la durée du prêt, demander à la banque d’effectuer une conversion en lei roumains, sans que la banque ne soit toutefois tenue d’accéder à cette demande.

15. Estimant que les clauses imposant aux emprunteurs de rembourser le prêt en francs suisses et établissant le risque de change à charge de ceux-ci étaient abusives, M. et Mme Gavrilescu ont intenté une action contre la Volksbank devant la Judecătoria Câmpulung (tribunal de première instance de Câmpulung). Dans ces conditions, éprouvant des doutes quant à l’interprétation des dispositions de la directive 93/13, la Judecătoria Câmpulung (tribunal de première instance de Câmpulung) a décidé, par jugement du 22 octobre 2015, de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) L’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit-il être interprété en ce sens que les notions d’“objet principal du contrat” et d’“adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part” recouvrent une clause, intégrée dans un contrat de prêt libellé dans une devise étrangère conclu entre un vendeur ou un fournisseur et un consommateur et qui n’a pas fait l’objet d’une négociation individuelle, en vertu de laquelle, pour les remboursements mensuels du prêt, seul le débiteur supporte le “risque de change”, à savoir le potentiel effet négatif qui consiste en l’éventuelle augmentation de l’obligation de paiement mensuel résultant de la fluctuation des taux de change, que le débiteur est susceptible de devoir supporter à la suite de la conclusion du contrat de prêt et du remboursement des sommes versées au titre du contrat de prêt dans une devise autre que la monnaie nationale de la Roumanie ?

2) Au regard de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13, l’obligation pour le...

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