Consorzio Aziende Metano (Coname) v Comune di Cingia de' Botti.

JurisdictionEuropean Union
CourtCourt of Justice (European Union)
Date12 April 2005

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME CHRISTINE STIX-HACKL

présentées le 12 avril 2005 (1)

Affaire C-231/03

Consorzio Aziende Metano (Coname)

contre

Comune di Cingia de’ Botti

et

Padania Acque SpA

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunale amministrativo regionale per la Lombardia (Italie)]

«Marchés publics – Article 43 CEArticle 49 CE – Portée des obligations du droit primaire»





I – Remarques préliminaires

1. La présente demande préjudicielle porte sur le rôle du droit primaire dans le secteur des marchés publics. Il s’agit en particulier de savoir quelles sont les obligations découlant pour les pouvoirs adjudicateurs des libertés fondamentales. La présente affaire offre ainsi également une occasion de concrétiser davantage la jurisprudence de la Cour, en particulier l’arrêt Telaustria et Telefonadress (2).

II – Cadre juridique

A – Droit communautaire

2. Dans le domaine du droit communautaire dérivé applicable au secteur des marchés publics, il convient de mentionner les textes suivants (ci-après les «directives») qui, dans l’intervalle, ont été remplacés par de nouvelles directives (le «paquet législatif»):

– parmi les directives dites «classiques», la directive 92/50/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services (3) (ci-après la «directive services»), et

– la directive 93/38/CEE, du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des télécommunications (4) (ci-après la «directive secteurs spéciaux»).

B – Droit national

3. L’article 22, paragraphe 3, de la loi italienne nº 142, du 8 juin 1990, sur l’autonomie locale (5) a autorisé les communes et les provinces à accomplir les missions locales de service public qui relèvent de leurs compétences selon l’une des modalités mentionnées sous a) à e):

a) en régie lorsque, en raison des modestes dimensions ou des caractéristiques du service, il n’est pas opportun de créer une institution ou une entreprise;

b) par concession à des tiers lorsqu’il existe à cela des raisons techniques, économiques ou d’opportunité sociale;

c) par des établissements spéciaux, y compris pour la gestion de plusieurs services d’intérêt économique et commercial;

d) par des institutions, pour l’exécution de services sociaux sans intérêt commercial;

e) par des sociétés anonymes ou des sociétés à responsabilité limitée à capital majoritairement public, constituées par l’établissement chargé de fournir le service public en question, ou avec sa participation.

III – Faits, procédure principale et question préjudicielle

4. Le Consorzio Aziende Metano (ci-après «Coname») avait conclu avec la commune de Cingia de’ Botti pour la période du 1er janvier 1999 au 31 décembre 2000 un «contrat d’entretien, de distribution et de surveillance du réseau de gaz méthane».

5. Par lettre du 30 décembre 1999, la commune de Cingia de’ Botti a informé Coname que le conseil municipal avait approuvé, par délibération du 21 décembre 1999, la «convention avec Padania Acque SpA sur la gestion de la distribution et de l’entretien du réseau de gaz». La même délibération a également approuvé le projet de contrat entre Padania Acque SpA (ci-après «Padania») et la commune de Cingia de’ Botti.

6. Padania est une entreprise majoritairement détenue par l’État, qui est issue du transfert de l’ancien Consorzio per l’acqua potabile (consortium pour l’eau potable) aux communes de la province de Crémone. Elle regroupe pratiquement toutes les communes de cette province, dont la commune de Cingia de’ Botti, qui détient 0,97 % du capital, et la province de Crémone.

7. Compte tenu de sa forme, cette entreprise a été chargée, en vertu de l’article 22, paragraphe 3, sous e), de la loi no 142/1990, de la fourniture directe des services en cause.

8. Coname a saisi le Tribunale amministrativo regionale per la Lombardia – Sezione staccata di Brescia, et demandé en particulier l’annulation de la délibération de la commune. La juridiction nationale a soumis à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Les articles 43 CE, 49 CE et 81 CE, qui interdisent respectivement les restrictions à la liberté d’établissement des ressortissants d’un État membre dans le territoire d’un autre État membre et les restrictions à la libre prestation des services à l’intérieur de la Communauté à l’égard des ressortissants des États membres, ainsi que les pratiques commerciales et pratiques des sociétés qui sont susceptibles d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur de l’Union européenne, s’opposent-ils à l’attribution directe, c’est‑à‑dire en l’absence d’un appel d’offres, de la gestion du service public de distribution du gaz à une société à participation publique communale, dès lors que cette participation au capital social est telle qu’elle ne permet aucun contrôle direct sur la gestion elle-même, et faut-il par conséquent affirmer que lorsque, comme en l’espèce, la participation est égale à 0,97 %, les conditions requises pour une gestion ‘in house’ ne sont pas réunies?

IV – Sur la recevabilité

9. La présente demande préjudicielle soulève plusieurs questions relatives à sa recevabilité.

A – Sur l’article 81 CE

10. Il existe des doutes sur la recevabilité de la demande préjudicielle en ce qui concerne l’article 81 CE.

11. Ainsi que cela ressort de la jurisprudence constante de la Cour, la juridiction nationale doit indiquer les raisons précises qui l’ont conduite à s’interroger sur l’interprétation du droit communautaire et à estimer nécessaire de poser des questions préjudicielles (6). La Cour a ainsi jugé qu’il est indispensable que le juge national donne un minimum d’explications sur les raisons du choix des dispositions communautaires dont il demande l’interprétation et sur le lien qu’il établit entre ces dispositions et la législation nationale applicable au litige (7).

12. Par ailleurs, la Cour a également jugé qu’elle n’est pas compétente pour statuer sur des questions préjudicielles lorsqu’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation du droit communautaire sollicitée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal (8).

13. Au regard des exigences précitées de la jurisprudence de la Cour en matière de recevabilité des questions préjudicielles, il convient de relever que l’analyse de l’article 81 CE dans la demande préjudicielle se limite, en dehors de la reproduction de ses termes, à ceci que la libre concurrence constitue un principe général du droit communautaire et qu’une atteinte audit principe constitue une hypothèse très exceptionnelle, qui n’est admise qu’à de strictes conditions.

14. Mais l’ordonnance de renvoi ne satisfait pas, ainsi, aux exigences de la jurisprudence susmentionnée quant à la motivation de la demande d’interprétation d’une disposition du droit communautaire.

15. De plus, selon la jurisprudence constante, les questions préjudicielles ne sont recevables que pour autant que l’ordonnance de renvoi comporte suffisamment d’indications sur les circonstances de fait du litige principal (9).

16. Il convient à cet égard, dans le domaine du droit de la concurrence, dont l’article 81 CE relatif à l’interdiction des ententes fait aussi partie, de fixer des critères spécialement stricts (10).

17. Au regard de l’article 81 CE, l’ordonnance de renvoi ne satisfait pas aux conditions relatives aux circonstances de fait. L’ordonnance de renvoi ne comporte, en particulier, pas d’indications sur les entreprises concernées et sur les agissements qui, de l’avis de la juridiction de renvoi, relèvent de l’article 81 CE.

18. Du point de vue de l’article 81 CE, l’ordonnance de renvoi ne remplit donc pas les conditions nécessaires à la recevabilité de la question préjudicielle.

B – Sur les libertés fondamentales

19. La question préjudicielle pose également des problèmes de recevabilité en ce qui concerne les libertés fondamentales mentionnées (articles 43 CE et 49 CE).

20. La Cour a ainsi rejeté comme irrecevable une demande préjudicielle émanant du même État membre et concernant elle aussi les marchés publics, au motif que l’entreprise qui y contestait la légalité du choix opéré par la commune avait son siège en Italie et n’opérait pas sur le marché italien en se prévalant de la liberté d’établissement ou de la libre prestation des services. La Cour a jugé que la situation ne présentait donc aucun élément de rattachement à l’une des situations envisagées par le droit communautaire dans le domaine de la libre circulation des personnes et des services. Or, dans une situation dont tous les éléments se cantonnent à l’intérieur d’un seul État membre et qui, de ce fait, ne présente aucun élément de rattachement à l’une des situations envisagées par le droit communautaire dans le domaine de la libre circulation des personnes et des services, les libertés fondamentales ne trouvent pas à s’appliquer. C’est à cette conclusion que la Cour est parvenue dans l’affaire RI.SAN (11).

21. Toutefois, la Cour a aussi admis la recevabilité de demandes préjudicielles, et y a répondu avec des indications sur l’interprétation et l’application du droit primaire, alors qu’il s’agissait d’une situation purement interne (12). Dans le domaine des marchés publics, il convient de mentionner à cet égard l’affaire Telaustria et Telefonadress (13), qui portait sur un litige dont les parties provenaient d’un seul et même État membre. Il convient ensuite de citer l’affaire Buchhändler‑Vereinigung (14), dans laquelle les principes développés dans l’arrêt Telaustria et Telefonadress ont été appliqués. Dans cette dernière affaire aussi, les parties provenaient toutes du même État membre. Il en va de même pour l’affaire ARGE, dans laquelle la Cour a néanmoins répondu à une question préjudicielle d’interprétation d’une liberté fondamentale (15).

22. La...

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