Opinion of Advocate General Kokott delivered on 28 March 2019.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2019:274
Date28 March 2019
Celex Number62018CC0197
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-197/18

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 28 mars 2019 (1)

Affaire C‑197/18

Wasserleitungsverband Nördliches Burgenland,

Robert Prandl,

Gemeinde Zillingdorf,

autres parties :

Bundesministerin für Nachhaltigkeit und Tourismus, anciennement Bundesminister für Land und Forstwirtschaft, Umwelt und Wasserwirtschaft

(demande de décision préjudicielle formée par le Verwaltungsgericht Wien [tribunal administratif de Vienne, Autriche])

« Demande de décision préjudicielle – Environnement – Directive 91/676/CEE – Protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles – Risque de dépassement des valeurs limites ou des seuils d’alerte – Obligation d’établir un programme d’action – Effet direct – Droit des personnes concernées »






I. Introduction

1. Dès l’année 1991, l’Union s’est dotée d’une législation pour lutter contre la pollution de l’eau par les nitrates, constituée de la directive relative au traitement des eaux urbaines résiduaires (2), qui traite notamment de la construction et de l’exploitation des stations d’épuration, et de la directive sur les nitrates (3), qui porte sur les nitrates d’origine agricole. Ces mesures ont en premier lieu pour objectif de protéger les écosystèmes d’un apport excessif d’éléments nutritifs. Cependant, les nitrates présentent également des risques sanitaires, notamment pour les nourrissons (4). Pour cette raison, la directive sur l’eau potable(5) prévoit une valeur limite de 50 milligrammes de nitrates par litre, valeur que l’on retrouve également dans la directive sur les nitrates.

2. Les requérants au principal, un distributeur d’eau, un particulier et une commune réclament par conséquent des mesures pour garantir une teneur en nitrates des eaux souterraines inférieure à 50 mg/l. Les autorités compétentes contestent en revanche que les requérants aient qualité pour exiger ces mesures. En outre, la nécessité même de mesures supplémentaires est controversée, de même que l’effet direct des dispositions invoquées.

3. La présente procédure donne à la Cour une nouvelle occasion de se pencher sur la question de savoir qui peut se prévaloir des dispositions du droit de l’environnement de l’Union devant les juridictions nationales. Et, pour la première fois, il conviendra d’aborder le point de savoir dans quelle mesure la directive sur les nitrates peut être invoquée devant ces juridictions.

II. Le cadre légal

A. La convention d’Aarhus

4. L’article 2 de la convention d’Aarhus (ci-après la « convention ») (6), intitulé « Définitions », stipule, à ses points 4 et 5 :

« 4. Le terme “public” désigne une ou plusieurs personnes physiques ou morales et, conformément à la législation ou à la coutume du pays, les associations, organisations ou groupes constitués par ces personnes.

5. L’expression “public concerné” désigne le public qui est touché ou qui risque d’être touché par les décisions prises en matière d’environnement ou qui a un intérêt à faire valoir à l’égard du processus décisionnel ; … »

5. L’article 3, paragraphe 6, de la convention porte sur l’articulation avec les droits existants :

« Rien dans la présente convention n’oblige à déroger aux droits existants concernant l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement. »

6. L’article 9, paragraphe 3, de la convention prévoit un droit de recours :

« En outre, et sans préjudice des procédures de recours visées aux paragraphes 1 et 2 ci-dessus, chaque partie veille à ce que les membres du public qui répondent aux critères éventuels prévus par son droit interne puissent engager des procédures administratives ou judiciaires pour contester les actes ou omissions de particuliers ou d’autorités publiques allant à l’encontre des dispositions du droit national de l’environnement. »

B. Le droit de l’Union

1. La directive sur les nitrates

7. L’objectif de protection de la directive sur les nitrates est énoncé à son sixième considérant :

« considérant qu’il est dès lors nécessaire, pour protéger la santé humaine, les ressources vivantes et les écosystèmes aquatiques et pour garantir d’autres usages légitimes des eaux, de réduire la pollution directe ou indirecte des eaux par les nitrates provenant de l’agriculture et d’en prévenir l’extension ; … »

8. Le treizième considérant de la directive sur les nitrates évoque le calendrier des mesures de protection :

« considérant qu’il est admis que les conditions hydrogéologiques dans certains États membres sont telles qu’il faudra peut-être de nombreuses années pour que les mesures de protection entraînent une amélioration de la qualité des eaux ».

9. Les objectifs concrets de la directive sur les nitrates sont formulés à son article 1er :

« La présente directive vise à :

– réduire la pollution des eaux provoquée ou induite par les nitrates à partir de sources agricoles,

– prévenir toute nouvelle pollution de ce type. »

10. La notion de « pollution » est définie à l’article 2, sous j), de la directive sur les nitrates comme étant :

« …le rejet de composés azotés de sources agricoles dans le milieu aquatique, directement ou indirectement, ayant des conséquences de nature à mettre en danger la santé humaine, à nuire aux ressources vivantes et au système écologique aquatique, à porter atteinte aux agréments ou à gêner d’autres utilisations légitimes des eaux ».

11. En vertu de l’article 3, paragraphe 1, de la directive sur les nitrates, les États membres doivent en principe définir les zones vulnérables :

« Les eaux atteintes par la pollution et celles qui sont susceptibles de l’être si les mesures prévues à l’article 5 ne sont pas prises sont définies par les États membres en fonction des critères fixés à l’annexe I. »

12. L’article 3, paragraphe 5, de la directive sur les nitrates prévoit toutefois une exception à ce principe :

« Les États membres sont exemptés de l’obligation de désigner des zones vulnérables spécifiques lorsqu’ils établissent et appliquent à l’ensemble de leur territoire national les programmes d’action visés à l’article 5 conformément à la présente directive. »

13. Il ressort de la demande de décision préjudicielle que l’Autriche fait usage de l’exception prévue à l’article 3, paragraphe 5, de la directive sur les nitrates.

14. L’article 5 de la directive sur les nitrates traite des « programmes d’action » :

« 1. Pour les besoins des objectifs visés à l’article 1er les États membres établissent des programmes d’action portant sur les zones vulnérables désignées.

2. …

3. …

4. Les programmes d’action sont mis en œuvre dans un délai de quatre ans à compter de leur élaboration et ils contiennent les mesures obligatoires suivantes :

a) les mesures visées à l’annexe III ;

b) les mesures que les États membres ont arrêtées dans le(s) code(s) de bonne pratique agricole élaboré(s) conformément à l’article 4, à l’exception de celles qui ont été remplacées par les mesures énoncées à l’annexe III.

5. En outre, les États membres prennent, dans le cadre des programmes d’action, toutes les mesures supplémentaires ou actions renforcées qu’ils estiment nécessaires, s’il s’avère, dès le début ou à la lumière de l’expérience acquise lors de la mise en œuvre des programmes d’action, que les mesures visées au paragraphe 4 ne suffiront pas pour atteindre les objectifs définis à l’article 1er. Dans le choix de ces mesures ou actions, les États membres tiennent compte de leur efficacité et de leur coût par rapport à d’autres mesures préventives envisageables.

6. Les États membres élaborent et mettent en œuvre des programmes de surveillance adéquats pour évaluer l’efficacité des programmes d’action établis en vertu du présent article.

Les États membres qui appliquent les dispositions de l’article 5 à l’ensemble de leur territoire national surveillent la teneur en nitrates des eaux (eaux de surface et eaux souterraines) à des points de mesure sélectionnés, qui permettent de déterminer l’étendue de la pollution des eaux par les nitrates à partir de sources agricoles.

7. Les États membres réexaminent et, le cas échéant, révisent leurs programmes d’action, y compris toute mesure supplémentaire prise en vertu du paragraphe 5, tous les quatre ans au moins. Ils informent la Commission de toute modification apportée aux programmes d’action. »

15. L’article 10, paragraphe 1, de la directive sur les nitrates régit l’obligation des États membres de faire rapport à la Commission

« Les États membres soumettent à la Commission, pour la période de quatre ans qui suit la notification de la présente directive et pour chaque période ultérieure de quatre ans, un rapport contenant les informations visées à l’annexe V. »

16. Les critères aux fins de la désignation des zones vulnérables sont fixés à l’annexe I de la directive sur les nitrates. Le point A. 2) concerne les eaux souterraines :

« si les eaux souterraines ont, ou risquent d’avoir, une teneur en nitrate supérieure à 50 milligrammes par litre si les mesures prévues à l’article 5 ne sont pas prises ».

17. En vertu de l’annexe V, point 4, sous e), de la directive sur les nitrates, les États membres doivent communiquer à la Commission des estimations sur l’efficacité de leurs programmes d’action :

« les estimations des États membres concernant les délais approximatifs dans lesquels on peut s’attendre à ce que les eaux définies conformément à l’article 3 paragraphe 1 réagissent aux mesures prévues dans le programme d’action, ainsi qu’une indication du niveau d’incertitude que présentent ces estimations ».

2. La directive sur l’eau potable

18. L’article 5, paragraphes 1 et 2, de la directive sur l’eau potable porte sur les normes minimales de qualité pour l’eau potable :

« 1. Les États membres fixent, pour les paramètres figurant à l’annexe I les valeurs applicables aux eaux destinées à la consommation humaine.

2. Les valeurs fixées conformément au paragraphe 1 ne sont pas moins...

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