Opinion of Advocate General Bobek delivered on 5 February 2019.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2019:94
Date05 February 2019
Celex Number62017CC0676
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-676/17
62017CC0676

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MICHAL BOBEK

présentées le 5 février 2019 ( 1 )

Affaire C‑676/17

Oana Mădălina Călin

contre

Direcţia Regională a Finanţelor Publice Ploieşti – Administraţia Judeţeană a Finanţelor Publice Dâmboviţa

Statul Român – Ministerul Finanţelor Publice

Administraţia Fondului pentru Mediu

[demande de décision préjudicielle formée par la Curtea de Apel Ploieşti (cour d’appel de Ploiești, Roumanie)]

« Renvoi préjudiciel – Principes de coopération loyale, de sécurité juridique, d’équivalence et d’effectivité – Restitution d’une taxe perçue en violation du droit de l’Union – Demande de révision d’une décision juridictionnelle définitive rejetant la restitution d’une telle taxe – Délai d’introduction de la demande de révision – Date initiale de ce délai »

I. Introduction

1.

Mme Oana Mădălina Călin a dû payer un timbre environnemental en vue de l’immatriculation en Roumanie d’un véhicule automobile d’occasion importé d’Allemagne. Elle estimait que cette taxe avait été perçue en violation du droit de l’Union. Elle a intenté une action tendant à sa restitution. Cette action a été rejetée. Elle n’a pas formé de recours. Ce jugement est donc devenu définitif.

2.

Mme Călin a demandé deux fois la révision de ce jugement. Chacune de ces demandes se fondait sur un nouvel arrêt de la Cour constatant qu’une taxe telle que celle qu’elle avait dû payer enfreignait le droit de l’Union. La première demande a été rejetée. La seconde a été accueillie et il a été fait droit à la prétention initiale. Néanmoins, sur pourvoi, le jugement faisant droit à la demande a été cassé. Sur le fondement d’une interprétation du droit national donnée dans l’intervalle par l’Înalta Curte de Casație și Justiție (Haute Cour de cassation et de justice, Roumanie), il a été considéré que la demande de révision avait été présentée tardivement.

3.

Par une nouvelle demande de révision, Mme Călin conteste désormais cette interprétation ainsi que, plus généralement, la procédure nationale de révision. Elle les considère comme incompatibles avec le droit de l’Union parce qu’elles rendent en pratique impossible l’obtention de la restitution d’une taxe ultérieurement déclarée incompatible avec le droit de l’Union par un arrêt de la Cour. Dans ces circonstances, la Curtea de Apel Ploieşti (cour d’appel de Ploiești, Roumanie) a décidé d’interroger la Cour sur la compatibilité de cette interprétation avec, notamment, les principes de sécurité juridique, d’équivalence et d’effectivité.

II. Le cadre juridique

A. Le droit roumain

1. Le code de procédure civile

4.

L’article 509, paragraphe 1, du Codul de procedură civilă (code de procédure civile) ( 2 ) énonce les motifs de révision d’un jugement. Plus particulièrement, aux points 10 et 11, il dispose qu’il est possible d’introduire une demande de révision lorsque :

« 10. la Cour européenne des droits de l’homme a constaté une violation des libertés ou des droits fondamentaux résultant d’une décision de justice, et les conséquences graves de cette violation continuent à se produire ;

11. après que la décision est devenue définitive, la Curtea Constituțională [Cour constitutionnelle, Roumanie] s’est prononcée sur l’exception soulevée dans cette affaire et a constaté l’inconstitutionnalité de la disposition ayant fait l’objet de cette exception. »

5.

L’article 511 du code de procédure civile établit différents délais de présentation d’une demande de révision ainsi que la date initiale pour le calcul de ces délais. Aussi bien les délais que la date initiale aux fins de leur calcul varient en fonction du motif de révision pertinent. Le paragraphe 1 prévoit un délai général d’un mois.

6.

Aux termes de l’article 511, paragraphe 3, « [e]n ce qui concerne les motifs visés à l’article 509, paragraphe 1, points 10 et 11, le délai est de trois mois à partir de la date de publication de l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme ou de la décision de la Curtea Constituțională [Cour constitutionnelle] au Monitorul Oficial al României, Partea I ».

2. La loi no 554/2004 et la jurisprudence nationale concernant cette loi

7.

L’article 21 de la Legea no 554/2004 a contenciosului administrativ (loi no 554/2004 sur le contentieux administratif) ( 3 ) du 2 décembre 2004 (ci-après la « loi no 554/2004 ») est intitulé « Voies de recours extraordinaires ». Son paragraphe 2 disposait initialement :

« Constitue un motif de révision, qui s’ajoute à ceux prévus par le code de procédure civile, le prononcé d’un jugement définitif et irrévocable, en violation du principe de primauté du droit communautaire prévu à l’article 148, paragraphe 2, lu en combinaison avec l’article 20, paragraphe 2, de la Constitution roumaine, telle que republiée. La demande de révision est introduite dans les quinze jours qui suivent la date de la notification, laquelle est faite, par dérogation à la règle consacrée à l’article 17, paragraphe 3, sur demande dûment motivée de la partie intéressée, dans les quinze jours qui suivent la date du prononcé de la décision. Il est statué en urgence et prioritairement sur la demande de révision et dans un délai maximal de 60 jours à compter de son enregistrement ».

8.

Par arrêt no 1609/2010 du 9 décembre 2010 ( 4 ), la Curtea Constituţională (Cour constitutionnelle) a constaté que la deuxième phrase de l’article 21, paragraphe 2, de la loi no 554/2004 était inconstitutionnelle au motif qu’elle était mal rédigée et qu’elle donnait ainsi lieu à une incertitude susceptible d’entraver l’exercice effectif du droit d’accès à la justice.

9.

Ultérieurement, la Legea no 299/2011 pentru abrogarea alin. (2) al art. 21 din Legea contenciosului administrativ no 554/2004 (loi no 299/2011 abrogeant le paragraphe 2 de l’article 21 de la loi no 554/2004 sur le contentieux administratif) ( 5 ) (ci-après la « loi no 299/2011 ») a abrogé l’article 21, paragraphe 2, de la loi no 554/2004 dans son intégralité.

10.

Cependant, la loi no 299/2011 a elle-même été déclarée inconstitutionnelle par arrêt no 1039/2012 de la Curtea Constituţională (Cour constitutionnelle) du 5 décembre 2012 ( 6 ). Dans cet arrêt, la Curtea Constituţională (Cour constitutionnelle) a jugé que « les dispositions de l’article 21, paragraphe 2, de la loi no 554/2004 continueront à produire des effets juridiques après la publication du présent arrêt au Monitorul Oficial al României, à l’exception des dispositions de la deuxième phrase de ce texte, déclarées inconstitutionnelles par l’arrêt no 1609 du 9 décembre 2010 [...]. Les effets juridiques de ces dernières dispositions ont pris fin [...]. En ce qui concerne les dispositions de l’article 21, paragraphe 2, première et troisième phrases, celles-ci continueront à produire des effets juridiques ».

11.

Par conséquent, à la suite de la publication de l’arrêt no 1039/2012 de la Curtea Constituţională (Cour constitutionnelle) au Monitorul Oficial al României, le 29 janvier 2013, les première et troisième phrases de l’article 21, paragraphe 2, de la loi no 554/2004 ont réintégré le droit en vigueur. En revanche, la deuxième phrase de cette disposition, établissant le délai d’introduction des demandes de révision et la date initiale de ce délai, est demeurée dépourvue d’effets juridiques.

12.

Le 12 décembre 2016, l’Înalta Curte de Casație și Justiție – Completul pentru dezlegarea unor chestiuni de drept (Haute Cour de cassation et de justice, chambre compétente pour statuer sur des questions de droit, Roumanie) (ci-après l’« ICCJ ») a rendu l’arrêt no 45/2016 ( 7 ) au terme d’une procédure préjudicielle afin de résoudre une question de droit. Dans cette décision, l’ICCJ a statué comme suit :

« Dans l’interprétation et l’application de l’article 21, paragraphe 2, première phrase, de la [loi no 554/2004], telle que modifiée et complétée ultérieurement, la demande de révision est recevable en vertu des arrêts de la Cour, quel que soit le moment du prononcé de ces arrêts et indépendamment du point de savoir si les dispositions du droit de l’Union préexistantes, violées par la décision dont la révision est demandée, ont été ou non invoquées dans le litige au principal.

Le délai pour introduire une demande en révision fondée sur l’article 21, paragraphe 2, de la loi no 554/2004 est d’un mois et court à compter de la date de notification de la décision définitive qui fait l’objet de la révision »

13.

Par conséquent, en vertu de l’arrêt no 45/2016, l’ICCJ a établi le délai d’introduction des demandes de révision fondées sur l’article 21, paragraphe 2, de la loi no 554/2004 et la date initiale de ce délai, à savoir un mois à compter de la date de notification de la décision définitive qui fait l’objet de la révision.

III. Les faits, la procédure au principal et la question préjudicielle

14.

Le 12 avril 2013, Mme Călin a acheté une voiture particulière d’occasion antérieurement immatriculée en Allemagne.

15.

Le serviciul public comunitar regim permise de conducere și înmatriculare a vehiculelor Târgoviște (service public des permis de conduire et de l’immatriculation des véhicules de Târgoviște, Roumanie) a subordonné l’immatriculation du véhicule de Mme Călin au paiement du timbre environnemental prévu par l’Ordonanţa de urgenţă no 9/2013 privind timbrul de mediu pentru autovehicule (ordonnance d’urgence du gouvernement no 9/2013 relative au timbre environnemental pour les véhicules à moteur) ( 8 ) (ci-après l’« OUG no 9/2013 »). Le 12 juin 2013, Mme Călin a acquitté cette taxe, qui s’élevait à 968 lei roumains (RON).

16.

Mme Călin a saisi le Tribunalul Dâmbovița (tribunal de grande instance de Dâmbovița, ci-après...

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