Artur Weryński v Mediatel 4B spółka z o.o..

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2010:490
Date02 September 2010
Celex Number62009CC0283
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-283/09

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme Juliane Kokott

présentées le 2 septembre 2010 (1)

Affaire C‑283/09

Artur Weryński

contre

Mediatel 4B Spółka

[demande de décision préjudicielle présentée par le Sąd Rejonowy Warszawy dla Warszawy Śródmieścia (Pologne)]

«Coopération judiciaire entre États membres en matière d’obtention des preuves – Règlement (CE) nº 1206/2001 – Obtention transfrontalière des preuves – Audition d’un témoin par la juridiction requise à la demande de la juridiction requérante – Indemnité allouée aux témoins – Obligation de verser une avance»





I – Introduction

1. La présente demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation du règlement (CE) n° 1206/2001 du Conseil, du 28 mai 2001, relatif à la coopération entre les juridictions des États membres dans le domaine de l’obtention des preuves en matière civile ou commerciale (2). Il s’agit de savoir, en substance, si la juridiction requise peut conditionner l’audition d’un témoin au versement, par la juridiction requérante, d’une indemnité allouée à celui-ci. En premier lieu, il convient de clarifier la recevabilité de la demande de décision préjudicielle, puisque, au moment où elle a saisi la Cour à titre préjudiciel, la juridiction de renvoi n’était peut-être pas habilitée à cet effet.

II – Cadre juridique

A – Le droit de l’Union européenne

2. Le seizième considérant du règlement n° 1206/2001 dispose:

«Conformément à l’article 10, l’exécution de la demande ne devrait donner lieu à aucune demande de remboursement des taxes de frais. Toutefois, si la juridiction requise demande le remboursement, il n’y a pas lieu que les honoraires versés aux experts et aux interprètes, tout comme les frais résultant de l’application de l’article 10, paragraphes 3 et 4, soient supportés par cette juridiction. Dans un tel cas, la juridiction requérante doit prendre les mesures nécessaires afin d’assurer le remboursement sans délai. Lorsque l’avis d’un expert est requis, la juridiction requise peut, avant d’exécuter la demande, demander à la juridiction requérante une consignation ou avance adéquate par rapport aux frais nécessaires.»

3. L’article 10 du règlement n° 1206/2001, qui comporte des dispositions générales relatives à l’exécution de la demande, prévoit que:

«1. La juridiction requise exécute la demande sans tarder et, au plus tard, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la réception de la demande.

2. La juridiction requise exécute la demande conformément au droit de l’État membre dont cette juridiction relève.

[…]»

4. L’article 14 du règlement n° 1206/2001 est libellé comme suit:

«1. Une demande visant à l’audition d’une personne n’est pas exécutée si la personne invoque le droit de refuser de déposer ou une interdiction de déposer:

a) en vertu du droit de l’État membre dont relève la juridiction requise ou

b) en vertu du droit de l’État membre dont relève la juridiction requérante, lorsque cela a été indiqué dans la demande ou, le cas échéant, confirmé par la juridiction requérante à la demande de la juridiction requise.

2. Outre les motifs prévus au paragraphe 1, l’exécution d’une demande ne peut être refusée que si:

[…]

d) une consignation ou une avance demandée conformément à l’article 18, paragraphe 3, n’a pas été effectuée dans les soixante jours suivant la demande, par la juridiction requise, de consignation ou de versement d’avance.

[…]»

5. L’article 18 du règlement n° 1206/2001 se lit comme suit:

«1. L’exécution d’une demande conformément à l’article 10 ne peut donner lieu au remboursement de taxes ou de frais.

2. Toutefois, si la juridiction requise en fait la demande conformément au droit de l’État membre dont elle relève, la juridiction requérante, sous réserve de l’obligation des parties de supporter les frais conformément au droit de l’État membre dont elle relève, s’assure sans délai du remboursement:

– des honoraires versés aux experts et aux interprètes et

– des frais résultant de l’application de l’article 10, paragraphes 3 et 4.

L’obligation, pour les parties, de supporter ces honoraires ou frais est régie par le choix de l’État membre de la juridiction requérante.

3. Lorsque l’avis d’un expert est requis, la juridiction requise peut, avant d’exécuter la demande, demander à la juridiction requérante une consignation ou avance adéquate par rapport aux frais nécessaires. Dans tous les autres cas, la consignation ou l’avance n’est pas une condition de l’exécution de la demande.

La consignation ou l’avance est effectuée par les parties si cela est prévu par la législation de l’État membre de la juridiction requérante.»

B – Les accords internationaux

6. La convention sur l’obtention des preuves à l’étranger en matière civile ou commerciale conclue à La Haye le 18 mars 1970 (ci-après la «convention de La Haye») ne s’appliquait pas entre l’ensemble des États membre de l’Union européenne. Le règlement n° 1206/2001 visait à établir une règle applicable à tous les États membres (3) et remplace, dans cette mesure, la convention de La Haye, à laquelle le sixième considérant du règlement fait référence.

7. La convention de La Haye prévoit à son article 14:

«L’exécution de la commission rogatoire ne peut donner lieu au remboursement de taxes ou de frais, de quelque nature que ce soit.

Toutefois, l’État requis a le droit d’exiger de l’État requérant le remboursement des indemnités payées aux experts et interprètes et des frais résultant de l’application d’une forme spéciale demandée par l’État requérant, conformément à l’art. 9, al. 2.

L’autorité requise, dont la loi laisse aux parties le soin de réunir les preuves et qui n’est pas en mesure d’exécuter elle-même la commission rogatoire, peut en charger une personne habilitée à cet effet, après avoir obtenu le consentement de l’autorité requérante. En demandant celui-ci, l’autorité requise indique le montant approximatif des frais qui résulteraient de cette intervention. Le consentement implique pour l’autorité requérante l’obligation de rembourser ces frais. À défaut de celui-ci, l’autorité requérante n’est pas redevable de ces frais.»

8. L’article 26 de la convention de La Haye dispose:

«Tout État contractant, s’il y est tenu pour des raisons de droit constitutionnel, peut inviter l’État requérant à rembourser les frais d’exécution de la commission rogatoire et concernant la signification ou la notification à comparaître, les indemnités dues à la personne qui fait la déposition et l’établissement du procès-verbal de l’acte d’instruction.

Lorsqu’un État a fait usage des dispositions de l’alinéa précédent, tout autre État contractant peut inviter cet État à rembourser les frais correspondants.»

III – Faits et question préjudicielle

9. La demande de décision préjudicielle résulte d’un litige opposant M. Artur Weryński et Mediatel 4B Spólka zoo, relatif à des dommages et intérêts au titre d’un contrat de non-concurrence. Dans le cadre de cette procédure, le Sąd Rejonowy dla Warszawy Śródmieścia (Pologne) – la juridiction de renvoi – a requis le 6 janvier 2009 l’audition d’un témoin par la Dublin Metropolitan District Court (Irlande) au titre du règlement n° 1206/2001. La juridiction requise a toutefois conditionné l’audition du témoin au versement, par la juridiction requérante, d’une indemnité de 40 euros allouée aux témoins en vertu du droit irlandais. Elle a réclamé à la juridiction polonaise le versement de cette somme par une lettre du 12 janvier 2009.

10. Par une ordonnance du 17 juillet 2009, le Sąd Rejonowy dla Warszawy Śródmieścia a sursi à statuer et a saisi la Cour d’une demande de décision préjudicielle portant sur la question suivante:

«Au titre du règlement (CE) n° 1206/2001 du Conseil, du 28 mai 2001, relatif à la coopération entre les juridictions des États membres dans le domaine de l’obtention des preuves en matière civile ou commerciale, la juridiction requise a-t-elle le droit de demander à la juridiction requérante une avance à valoir sur l’indemnité ou le remboursement de l’indemnité due au témoin interrogé, ou bien cette indemnité doit-elle être couverte par des ressources financières propres?»

11. Dans le cadre de la procédure devant la Cour, l’Irlande, le gouvernement polonais, ainsi que la Commission européenne, ont présenté des observations écrites et orales. En outre, les gouvernements allemand, finlandais et tchèque étaient parties à la procédure écrite.

IV – Appréciation

A – La recevabilité de la demande de décision préjudicielle

12. Il convient, tout d’abord, de clarifier la recevabilité de la demande préjudicielle.

1. La compétence de la Cour

13. La demande de décision préjudicielle concerne le règlement n° 1206/2001, adopté sur la base des articles 61, sous c), CE et 67, paragraphe 1, CE qui relèvent du titre IV du traité CE («Visas, asile, immigration et autres politiques liées à la libre circulation des personnes»). En vertu de l’article 68, paragraphe 1, CE, seules les juridictions nationales dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un recours juridictionnel de droit interne peuvent saisir la Cour à titre préjudiciel concernant les actes pris par les institutions de la Communauté sur la base de ce titre. L’article 68 CE est devenu caduc avec l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne et cette limitation du droit de saisine à titre préjudiciel n’existe plus désormais (4).

14. La demande de décision préjudicielle a été présentée le 23 juillet 2009, avant l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne. En vertu de l’article 68 CE, en vigueur à la date pertinente, il y aurait donc lieu de déterminer si la juridiction de renvoi était une juridiction de dernière instance.

15. Le Sąd Rejonowy dla Warszawy Śródmieścia (tribunal d’arrondissement) est une juridiction de première instance dont les jugements sont susceptibles d’un appel devant le Sąd Okręgowy (tribunal régional). La classification comme juridiction de dernière instance repose toutefois, dans le cadre...

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