Opinion of Advocate General Bobek delivered on 22 May 2019.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2019:442
Docket NumberC-329/18
Celex Number62018CC0329
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date22 May 2019

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MICHAL BOBEK

présentées le 22 mai 2019 (1)

Affaire C329/18

Valsts ieņēmumu dienests

contre

SIA Altic

[demande de décision préjudicielle formée par l’Augstākā tiesa (Cour suprême, Lettonie)]

(Demande de décision préjudicielle – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée « TVA » – Directive 2006/112/CE – Droit de déduire la TVA – Refus – Fourniture par des cocontractants impliqués dans une fraude fiscale – Devoir de diligence de l’assujetti – Pertinence du respect par l’assujetti d’obligations sectorielles – Règlement (CE) no 178/2002 – Obligation de traçabilité – Règlement (CE) no 852/2004Règlement (CE) no 882/2004 – Enregistrement des exploitants du secteur alimentaire »






I. Introduction

1. SIA Altic a acheté des graines de colza auprès de deux autres entreprises et a déduit la taxe sur la valeur ajoutée (ci‑après la « TVA ») en amont dont elle s’était acquittée pour ces opérations. Une inspection ultérieure des autorités fiscales lettones a révélé que ces deux dernières entreprises étaient fictives. Les autorités fiscales ont donc considéré que les opérations n’avaient pas eu lieu et ont enjoint à SIA Altic de payer la TVA correspondante. SIA Altic a demandé l’annulation de cette décision. Les juridictions nationales de première instance et d’appel ont toutes deux statué en sa faveur.

2. L’Augstākā tiesa (Cour suprême, Lettonie), saisie en pourvoi, éprouve des doutes concernant l’interprétation correcte à donner à la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (2) lue en combinaison avec les exigences de la règlementation sectorielle en droit de l’alimentation. Ces doutes portent sur l’argument des autorités fiscales lettones selon lequel SIA Altic aurait dû savoir que ses sous-contractants étaient impliqués dans une fraude à la TVA au motif qu’elle était active dans le secteur alimentaire et était donc obligée d’exiger de ses partenaires commerciaux qu’ils respectent les plus hautes exigences applicables dans ce secteur, conformément aux obligations imposées par les règlements (CE) nº 178/2002 (3), nº 852/2004 (4) et nº 882/2004 (5).

3. Le présent renvoi préjudiciel offre à la Cour l’opportunité d’affiner sa jurisprudence relative aux critères permettant de savoir si un opérateur « savait ou aurait dû savoir » qu’il était impliqué dans une opération liée à une fraude à la TVA aux fins de refuser le droit à déduction. Il lui est notamment demandé de déterminer si, et dans quelle mesure, des obligations sectorielles spécifiques applicables aux opérateurs actifs dans certains domaines, telles que celles relevant du droit de l’alimentation, sont pertinentes pour l’appréciation fiscale générale visant à déterminer si un opérateur savait ou aurait dû savoir qu’il était impliqué dans une opération liée à une fraude à la TVA.

II. Le cadre juridique

A. La directive TVA

4. Selon l’article 168 de la directive TVA, « [d]ans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l’assujetti a le droit, dans l’État membre dans lequel il effectue ces opérations, de déduire du montant de la taxe dont il est redevable les montants suivants :

a) la TVA due ou acquittée dans cet État membre pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront fournis par un autre assujetti ;

[…] ».

5. Aux termes de l’article 178, « [p]our pouvoir exercer le droit à déduction, l’assujetti doit remplir les conditions suivantes :

a) pour la déduction visée à l’article 168, point a), en ce qui concerne les livraisons de biens et les prestations de services, détenir une facture établie conformément aux articles 220 à 236 et aux articles 238, 239 et 240 ;

[…] ».

6. L’article 220 de la directive TVA énonce que « tout assujetti doit s’assurer qu’une facture est émise, par lui-même, par l’acquéreur ou le preneur ou, en son nom et pour son compte, par un tiers, dans les cas suivants :

1) pour les livraisons de biens ou les prestations de services qu’il effectue pour un autre assujetti ou pour une personne morale non assujettie ;

[…] ».

7. L’article 226 de la directive TVA dispose :

« Sans préjudice des dispositions particulières prévues par la présente directive, seules les mentions suivantes doivent figurer obligatoirement, aux fins de la TVA, sur les factures émises en application des dispositions des articles 220 et 221 :

[…]

4) le numéro d’identification TVA de l’acquéreur ou du preneur, visé à l’article 214, sous lequel il a reçu une livraison de biens ou une prestation de services pour laquelle il est redevable de la taxe ou une livraison de biens visée à l’article 138 ;

5) le nom complet et l’adresse de l’assujetti et de l’acquéreur ou du preneur ;

6) la quantité et la nature des biens livrés ou l’étendue et la nature des services rendus ;

[…] ».

8. L’article 273 de la directive TVA est libellé comme suit :

« Les États membres peuvent prévoir d’autres obligations qu’ils jugeraient nécessaires pour assurer l’exacte perception de la TVA et pour éviter la fraude, sous réserve du respect de l’égalité de traitement des opérations intérieures et des opérations effectuées entre États membres par des assujettis, et à condition que ces obligations ne donnent pas lieu dans les échanges entre les États membres à des formalités liées au passage d’une frontière.

La faculté prévue au premier alinéa ne peut être utilisée pour imposer des obligations de facturation supplémentaires à celles fixées au chapitre 3. »

B. Le règlement nº 178/2002

9. Les considérants 28 et 29 du règlement nº 178/2002 sont rédigés comme suit :

« 28) L’expérience a montré que le fonctionnement du marché intérieur peut être compromis lorsqu’il est impossible de retracer le cheminement de denrées alimentaires et d’aliments pour animaux. Par conséquent, il est nécessaire de mettre sur pied, dans les entreprises du secteur alimentaire et les entreprises du secteur de l’alimentation animale, un système complet de traçabilité des denrées alimentaires et des aliments pour animaux permettant de procéder à des retraits ciblés et précis ou d’informer les consommateurs ou les inspecteurs officiels et, partant, d’éviter l’éventualité d’inutiles perturbations plus importantes en cas de problèmes de sécurité des denrées alimentaires.

29) Il convient de veiller à ce qu’une entreprise du secteur alimentaire ou du secteur de l’alimentation animale, y compris un importateur, puisse identifier au moins l’exploitation ou l’entreprise qui a livré la denrée alimentaire, l’aliment pour animaux, l’animal ou la substance susceptible d’être incorporée dans une denrée alimentaire ou un aliment pour animaux, pour assurer, en cas d’enquête, la traçabilité à tous les stades. »

10. Selon l’article 3 du règlement nº 178/2002 :

« […]

2. “entreprise du secteur alimentaire”, toute entreprise publique ou privée assurant, dans un but lucratif ou non, des activités liées aux étapes de la production, de la transformation et de la distribution de denrées alimentaires ;

3. “exploitant du secteur alimentaire”, la ou les personnes physiques ou morales chargées de garantir le respect des prescriptions de la législation alimentaire dans l’entreprise du secteur alimentaire qu’elles contrôlent ;

[…]

15. “traçabilité”, la capacité de retracer, à travers toutes les étapes de la production, de la transformation et de la distribution, le cheminement d’une denrée alimentaire, d’un aliment pour animaux, d’un animal producteur de denrées alimentaires ou d’une substance destinée à être incorporée ou susceptible d’être incorporée dans une denrée alimentaire ou un aliment pour animaux.

16. “les étapes de la production, de la transformation et de la distribution”, toutes les étapes, dont l’importation, depuis et y compris la production primaire d’une denrée alimentaire, jusque et y compris son entreposage, son transport, sa vente ou sa livraison au consommateur final, ainsi que, le cas échéant, l’importation, la production, la fabrication, l’entreposage, le transport, la distribution, la vente et la livraison des aliments pour animaux ;

[…] ».

11. L’article 18 du règlement nº 178/2002 prévoit :

« 1. La traçabilité des denrées alimentaires, des aliments pour animaux, des animaux producteurs de denrées alimentaires et de toute autre substance destinée à être incorporée ou susceptible d’être incorporée dans des denrées alimentaires ou des aliments pour animaux est établie à toutes les étapes de la production, de la transformation et de la distribution.

2. Les exploitants du secteur alimentaire et du secteur de l’alimentation animale doivent être en mesure d’identifier toute personne leur ayant fourni une denrée alimentaire, un aliment pour animaux, un animal producteur de denrées alimentaires ou toute substance destinée à être incorporée ou susceptible d’être incorporée dans des denrées alimentaires ou dans des aliments pour animaux.

À cet effet, ces exploitants disposent de systèmes et de procédures permettant de mettre l’information en question à la disposition des autorités compétentes, à la demande de celles-ci.

3. Les exploitants du secteur alimentaire et du secteur de l’alimentation animale disposent de systèmes et de procédures permettant d’identifier les entreprises auxquelles leurs produits ont été fournis. Cette information est mise à la disposition des autorités compétentes à la demande de celles-ci.

4. Les denrées alimentaires et les aliments pour animaux qui sont mis sur le marché dans la Communauté ou susceptibles de l’être sont étiquetés ou identifiés de façon adéquate pour faciliter leur traçabilité, à l’aide des documents ou informations pertinents conformément aux prescriptions applicables prévues par des dispositions plus spécifiques.

5. Des dispositions visant à appliquer les prescriptions du présent article en ce qui concerne des secteurs spécifiques peuvent être adoptées conformément à la procédure définie à...

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