Walter Endress v Allianz Lebensversicherungs AG.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2013:472
Date11 July 2013
Celex Number62012CC0209
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-209/12
62012CC0209

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME ELEANOR SHARPSTON

présentées le 11 juillet 2013 ( 1 )

Affaire C‑209/12

Walter Endress

contre

Allianz Lebensversicherungs-AG

[demande de décision préjudicielle formée par le Bundesgerichtshof (Allemagne)]

«Assurance vie — Droit de renonciation — Période de renonciation — Point de départ et durée — Communication des informations»

1.

En vertu du droit de l’Union, un preneur d’assurance vie doit se voir accorder un délai compris entre quatorze et trente jours à compter de la notification de la conclusion de son contrat (ci-après la «période de renonciation») ( 2 ) durant lequel il peut renoncer à ce contrat; il doit en outre être informé avant la conclusion du contrat des modalités régissant l’exercice de ce droit de renonciation. Que se passe-t-il s’il n’a pas été ainsi informé? Peut-il renoncer au contrat? Si tel est le cas, le droit de l’Union fait-il obstacle à une mesure nationale en vertu de laquelle ce droit expire un an après le paiement de la première prime d’assurance et indépendamment du fait de savoir si l’information obligatoire relative au droit de renonciation a été mise à la disposition du preneur d’assurance?

2.

Ce sont là les principales questions qu’il convient d’examiner en répondant à la question déférée dans la présente affaire.

Droit de l’Union

Deuxième directive sur l’assurance vie

3.

La deuxième directive 90/619/CEE du Conseil (ci-après la «deuxième directive sur l’assurance vie») ( 3 ) a modifié et complété la première directive 79/267/CEE du Conseil ( 4 ) qui couvrait «l’assurance vie» définie comme «[la branche d’assurances] qui comprend notamment l’assurance en cas de vie, l’assurance en cas de décès, l’assurance mixte, l’assurance sur la vie avec contre‑assurance, l’assurance ‘nuptialité’, l’assurance ‘natalité’» ( 5 ).

4.

Les deuxième et troisième directives sur l’assurance vie visaient à titre premier à établir un marché intérieur de l’assurance vie comprenant la libre circulation des services d’assurance vie ( 6 ).

5.

En vertu de l’article 4, paragraphe 1, de la deuxième directive sur l’assurance vie, la loi applicable était en principe la loi de l’État membre de l’engagement bien que, lorsque la loi de cet État l’autorisait, les parties pouvaient choisir la loi d’un autre État. L’«État membre de l’engagement» était défini à l’article 2, sous e), comme l’«État membre où le preneur [avait] sa résidence habituelle ou, si le preneur [était] une personne morale, l’État membre où [était] situé l’établissement de cette personne morale auquel le contrat se rapporte».

6.

L’article 15 de la deuxième directive sur l’assurance vie, tel que modifié par l’article 30 de la troisième directive sur l’assurance vie, était libellé comme suit:

«1. Chaque État membre prescrit que le preneur d’un contrat d’assurance vie individuelle dispose d’un délai compris entre quatorze et trente jours à compter du moment à partir duquel le preneur est informé que le contrat est conclu pour renoncer aux effets de ce contrat.

La notification par le preneur de sa renonciation au contrat a pour effet de le libérer pour l’avenir de toute obligation découlant de ce contrat.

Les autres effets juridiques et les conditions de la renonciation sont réglés conformément à la loi applicable au contrat, telle que définie à l’article 4, notamment en ce qui concerne les modalités selon lesquelles le preneur est informé que le contrat est conclu.

2. Les États membres peuvent ne pas appliquer le paragraphe 1 aux contrats d’une durée égale ou inférieure à six mois, ni, lorsque, en raison de la situation du preneur d’assurance ou des conditions dans lesquelles le contrat est conclu, le preneur n’a pas besoin de bénéficier de cette protection spéciale. Les États membres indiquent dans leur législation les cas dans lesquels le paragraphe 1 ne s’applique pas.»

Troisième directive sur l’assurance vie

7.

Aux termes du considérant 23 de la troisième directive sur l’assurance vie:

«dans le cadre d’un marché unique de l’assurance, le consommateur aura un choix plus grand et plus diversifié de contrats; […] afin de profiter pleinement de cette diversité et d’une concurrence accrue, il doit disposer des informations nécessaires pour choisir le contrat qui convient le mieux à ses besoins; […] cette nécessité d’informations est d’autant plus importante que la durée des engagements peut être très longue; […] il convient, en conséquence, de coordonner les dispositions minimales pour que le consommateur reçoive une information claire et précise sur les caractéristiques essentielles des produits qui lui sont proposés et sur les coordonnées des organismes habilités à connaître des réclamations des preneurs, assurés ou bénéficiaires du contrat».

8.

L’article 31 énonce l’obligation d’information du preneur d’assurance avant la conclusion du contrat:

«1. Avant la conclusion du contrat d’assurance, au moins les informations énumérées à l’annexe II point A doivent être communiquées au preneur.

2. Le preneur d’assurance doit être tenu informé pendant toute la durée du contrat de toute modification concernant les informations énumérées à l’annexe II point B.

3. L’État membre de l’engagement ne peut exiger des entreprises d’assurance la fourniture d’informations supplémentaires par rapport à celles énumérées à l’annexe II que si ces informations sont nécessaires à la compréhension effective par le preneur des éléments essentiels de l’engagement.

4. Les modalités d’application du présent article et de l’annexe II sont arrêtées par l’État membre de l’engagement.»

9.

L’annexe II énumérait les «informations […] qui [devaient] être communiquées au preneur soit (A) avant la conclusion du contrat, soit (B) pendant la durée du contrat». Ces informations devaient être «formulées de manière claire et précise, par écrit, et être fournies dans une langue officielle de l’État membre de l’engagement». Le point A contenait un tableau: la colonne de gauche énumérait les informations relatives à l’entreprise d’assurance et la colonne de droite reprenait les informations sur l’engagement lui-même. Dans cette colonne, le point 13 citait dans la version française les «modalités d’exercice du droit de renonciation» et, dans la version anglaise les «[a]rrangements for application of the cooling-off period», ce qui renvoie à la période durant laquelle ce droit de renonciation pouvait être exercé ( 7 ). La version allemande qui parle de l’«Ausübung des Widerrufs[-] und Rücktritt[s]rechts» semblait faire référence à des aspects différents du droit de renonciation.

Droit allemand

10.

L’article 5 bis de la loi relative aux contrats d’assurance (Versicherungsvertragsgesetz, ci-après le «VVG») dans la version applicable à l’époque pertinente dans la procédure au principal (ci-après la «version originale de l’article 5 bis du VVG») disposait:

«1. Si l’assureur n’a pas remis, au moment du l’introduction de la demande, les conditions générales d’assurance ou une note d’information conforme aux dispositions de l’article 10 bis de la loi relative au contrôle des entreprises d’assurances [ ( 8 )] au preneur d’assurance, le contrat est alors réputé avoir été conclu sur le fondement de la police, des conditions générales d’assurance et des indications supplémentaires de la note d’information pertinentes aux fins de la détermination du contenu du contrat, si le preneur d’assurance n’y fait pas opposition par écrit dans un délai de quatorze jours à compter de la remise des documents. […]

2. Le délai ne commence à courir qu’à partir du moment où le preneur d’assurance dispose de la police d’assurance et de la totalité des documents visés au paragraphe 1 et qu’il a été informé par écrit, en caractères apparents, de son droit d’opposition, du point de départ du délai et de sa durée. Il appartient à l’assureur d’établir la réception des documents. Le délai est considéré comme respecté si la déclaration d’opposition a été envoyée en temps utile. Par dérogation à la première phrase, le droit d’opposition cesse toutefois un an après le paiement de la première prime.»

11.

Bien que la version originale de l’article 5 bis du VVG ait été modifiée avec effet au 31 décembre 2007, il semble que cette disposition continue à s’appliquer à un nombre important de contrats d’assurance vie conclus avant cette date.

12.

La version originale de l’article 5 bis du VVG utilisait les termes allemands «widerspricht», «Widerspruchsrecht» et «Widerspruch». Ces termes sont différents de ceux utilisés à l’article 15 de la deuxième directive sur l’assurance vie (qui utilisait les termes «zurückzutreten», «zurücktritt» et «Rücktritt») et dans la phrase «Ausübung des Widerrufs[-] und Rücktritt[s]rechts» à l’annexe II de la troisième directive sur l’assurance vie.

13.

Aux fins des présentes conclusions, je me concentrerai sur les explications fournies dans cette procédure sur la manière dont la version originale de l’article 5 bis du VVG s’appliquait plutôt que sur les éventuelles nuances dans la signification des termes «widerspricht», «Widerspruchsrecht» et «Widerspruch» en droit allemand ( 9 ).

Faits, procédure et question préjudicielle

14.

M. Endress a cherché à conclure un contrat d’assurance vie avec la société Allianz Lebensversicherungs-AG (ci-après «Allianz») avec effet à compter du 1er décembre 1998.

15.

M. Endress a reçu les conditions générales d’assurance et une note d’information, mais uniquement au moment où Allianz lui a envoyé la police d’assurance. D’après les constatations de la juridiction d’appel qui lient le Bundesgerichtshof, même lorsqu’elle a ainsi accepté l’offre de M. Endress, Allianz...

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