Opinion of Advocate General Hogan delivered on 11 September 2019.
Jurisdiction | European Union |
Court | Court of Justice (European Union) |
Date | 11 September 2019 |
Édition provisoire
CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. GERARD HOGAN
présentées le 11 septembre 2019(1)
Affaire C‑175/18 P
PTC Therapeutics International Ltd
contre
Agence européenne des médicaments (EMA)
« Pourvoi – Règlement (CE) no 1049/2001 – Accès aux documents des institutions – Documents détenus par l’Agence européenne des médicaments (EMA) contenant des informations produites par la requérante au pourvoi dans le cadre d’une demande d’autorisation de mise sur le marché d’un médicament à usage humain – Décision d’accorder à un tiers l’accès aux documents – Présomption générale de confidentialité – Article 4, paragraphe 2 – Exception au titre de la protection des intérêts commerciaux – Article 4, paragraphe 3 – Protection du processus décisionnel »
I. Introduction
1. Le présent pourvoi concerne l’une des – jusqu’ici – trois affaires (2) dans lesquelles une partie tente de faire annuler une décision d’une institution ou d’une agence européenne accordant un accès à des documents. Par son pourvoi, PTC Therapeutics International Ltd (ci‑après la « requérante au pourvoi ») demande à la Cour d’annuler l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 5 février 2018, PTC Therapeutics International/EMA (T‑718/15, EU:T:2018:66, ci‑après l’« arrêt attaqué »), rejetant son recours en annulation formé contre la décision EMA/722323/2015 (ci‑après la « décision attaquée ») de l’Agence européenne des médicaments (EMA), qui accorde, à une entreprise en ayant fait la demande, l’accès à un rapport d’étude clinique soumis par la requérante au pourvoi à cette agence en application du règlement (CE) nº 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (3). En l’occurrence, le demandeur d’accès est une autre société pharmaceutique qui est ou pourrait être un concurrent de la requérante au pourvoi.
2. L’arrêt attaqué (4) a maintenu la décision de l’EMA accordant l’accès au rapport d’étude clinique produit par la requérante au pourvoi, le Tribunal estimant, notamment, que ce rapport ne relevait pas des cas pour lesquels une présomption générale de confidentialité avait été reconnue.
3. La Cour est à présent invitée à décider si les intérêts commerciaux de la requérante au pourvoi contenus dans le rapport d’étude clinique sont protégés par une présomption générale de confidentialité. Des questions se posent également concernant l’interprétation des termes « intérêts commerciaux » tels que visés à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement nº 1049/2001, ainsi que quant à savoir si un processus décisionnel prend fin à l’octroi d’une autorisation de mise sur le marché conditionnelle ou si ce processus doit être considéré comme étant en cours aux fins de l’article 4, paragraphe 3, du règlement précité.
4. La question essentielle que le présent pourvoi soulève est toutefois de savoir si des rapports d’étude clinique de cet ordre, qui sont établis dans le cadre d’une demande d’autorisation de mise sur le marché de nouveaux produits pharmaceutiques adressée à l’EMA, constituent des informations commerciales confidentielles protégées par l’article 4, paragraphe 2, du règlement nº 1049/2001. Ce pourvoi est, en fait, le premier où cette question spécifique est soumise à la Cour et l’on ne saurait trop souligner, selon moi, son importance pour le droit d’accès aux documents et pour l’application de ce droit à l’industrie pharmaceutique.
5. Avant d’examiner ces questions juridiques aux multiples aspects, il importe de présenter les dispositions juridiques pertinentes.
II. Le cadre juridique
Le droit international
L’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce
6. L’article 39, paragraphes 2 et 3, de l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ci‑après l’« accord ADPIC »), qui fait partie de l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce (OMC) signé par la Communauté européenne et approuvé par la suite par la décision 94/800/CE (5) du Conseil du 22 décembre 1994, prévoit ce qui suit :
« 2. Les personnes physiques et morales auront la possibilité d’empêcher que des renseignements licitement sous leur contrôle ne soient divulgués à des tiers ou acquis ou utilisés par eux sans leur consentement et d’une manière contraire aux usages commerciaux honnêtes, sous réserve que ces renseignements :
a) soient secrets en ce sens que, dans leur globalité ou dans la configuration et l’assemblage exacts de leurs éléments, ils ne sont pas généralement connus de personnes appartenant aux milieux qui s’occupent normalement du genre de renseignements en question ou ne leur sont pas aisément accessibles ;
b) aient une valeur commerciale parce qu’ils sont secrets ; et
c) aient fait l’objet, de la part de la personne qui en a licitement le contrôle, de dispositions raisonnables, compte tenu des circonstances, destinées à les garder secrets.
3. Lorsqu’ils subordonnent l’approbation de la commercialisation de produits pharmaceutiques ou de produits chimiques pour l’agriculture qui comportent des entités chimiques nouvelles à la communication de données non divulguées résultant d’essais ou d’autres données non divulguées, dont l’établissement demande un effort considérable, les Membres protégeront ces données contre l’exploitation déloyale dans le commerce. En outre, les Membres protégeront ces données contre la divulgation, sauf si cela est nécessaire pour protéger le public, ou à moins que des mesures ne soient prises pour s’assurer que les données sont protégées contre l’exploitation déloyale dans le commerce. »
Le droit de l’Union
A. Le règlement nº 1049/2001
7. Les considérants 2 et 11 de ce règlement énoncent ce qui suit :
« 2) La transparence permet d’assurer une meilleure participation des citoyens au processus décisionnel, ainsi que de garantir une plus grande légitimité, efficacité et responsabilité de l’administration à l’égard des citoyens dans un système démocratique. La transparence contribue à renforcer les principes de la démocratie et le respect des droits fondamentaux tels qu’ils sont définis à l’article 6 du traité UE et dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
[…]
11) En principe, tous les documents des institutions devraient être accessibles au public. Toutefois, certains intérêts publics et privés devraient être garantis par le biais d’un régime d’exceptions. Il convient de permettre aux institutions de protéger leurs consultations et délibérations internes lorsque c’est nécessaire pour préserver leur capacité à remplir leurs missions. Lors de l’évaluation de la nécessité d’une exception, les institutions devraient tenir compte des principes consacrés par la législation communautaire en matière de protection des données personnelles dans tous les domaines d’activité de l’Union. »
8. L’article 1er du règlement nº 1049/2001 expose l’objet de ce règlement en ces termes :
« Le présent règlement vise à :
a) définir les principes, les conditions et les limites, fondées sur des raisons d’intérêt public ou privé, du droit d’accès aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (ci‑après dénommés “institutions”) prévu à l’article 255 du traité CE de manière à garantir un accès aussi large que possible aux documents ;
b) arrêter des règles garantissant un exercice aussi aisé que possible de ce droit, et
c) promouvoir de bonnes pratiques administratives concernant l’accès aux documents. »
9. L’article 4 du règlement nº 1049/2001 prévoit les exceptions au droit d’accès aux documents. Les dispositions pertinentes pour la présente affaire figurent aux paragraphes 2, 3 et 6, qui précisent ce qui suit :
« 2. Les institutions refusent l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection :
– des intérêts commerciaux d’une personne physique ou morale déterminée, y compris en ce qui concerne la propriété intellectuelle,
– des procédures juridictionnelles et des avis juridiques,
– des objectifs des activités d’inspection, d’enquête et d’audit,
à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé.
3. L’accès à un document établi par une institution pour son usage interne ou reçu par une institution et qui a trait à une question sur laquelle celle‑ci n’a pas encore pris de décision est refusé dans le cas où sa divulgation porterait gravement atteinte au processus décisionnel de cette institution, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé.
[…]
6. Si une partie seulement du document demandé est concernée par une ou plusieurs des exceptions susvisées, les autres parties du document sont divulguées.
[...] »
10. L’article 6, paragraphe 1, du règlement nº 1049/2001, qui a trait aux demandes d’accès aux documents, énonce ce qui suit :
« 1. Les demandes d’accès aux documents sont formulées sous forme écrite, y compris par des moyens électroniques, dans l’une des langues énumérées à l’article 314 du traité CE et de façon suffisamment précise pour permettre à l’institution d’identifier le document. Le demandeur n’est pas obligé de justifier sa demande. »
B. Le règlement (CE) nº 726/2004 (6)
11. L’article 14, paragraphe 11, du règlement nº 726/2004, qui traite de l’« exclusivité des données » et de l’« exclusivité commerciale » dans le cadre de l’autorisation de mise sur le marché de médicaments à usage humain délivrée par l’EMA, énonce ce qui suit :
« Les médicaments à usage humain autorisés conformément aux dispositions du présent règlement bénéficient, sans préjudice du droit concernant la protection de la propriété industrielle et commerciale, d’une période de protection des données d’une durée de huit ans et d’une période de protection de la mise sur le marché d’une durée de dix ans portée à onze ans au maximum si le titulaire de l’autorisation de mise sur le marché obtient pendant...
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