Opinion of Advocate General Sharpston delivered on 28 February 2019.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2019:151
Date28 February 2019
Celex Number62017CC0677
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-677/17
62017CC0677

CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE

MME ELEANOR SHARPSTON

présentées le 28 février 2019 ( 1 )

Affaire C‑677/17

M. Çoban

contre

Raad van bestuur van het Uitvoeringsinstituut werknemersverzekeringen (Uwv)

[demande de décision préjudicielle formée par le Centrale Raad van Beroep (cour d’appel en matière de sécurité sociale et de fonction publique, Pays-Bas)]

« Renvoi préjudiciel – Accord d’association CEE‑Turquie – Protocole additionnel – Article 59 – Décision no 3/80 – Sécurité sociale des travailleurs migrants – Article 6, paragraphe 1 – Levée des clauses de résidence – Prestations complémentaires accordées au titre de la législation nationale – Suppression »

1.

Il est dans la nature humaine de souhaiter rentrer chez soi après en avoir été longtemps absent et être resté à l’étranger pour un travail ou une mission. Ulysse a renoncé à la richesse et même à l’immortalité pour rentrer à Ithaque ( 2 ). De façon plus prosaïque, tant le législateur de l’Union que le Conseil d’association CEE‑Turquie avaient à l’esprit cet instinct du retour chez soi en adoptant des dispositions qui permettent à un travailleur d’exporter certaines prestations de sécurité sociale s’il quitte l’État membre dans lequel l’institution débitrice de ces prestations est située.

2.

La présente demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la décision no 3/80 du Conseil d’association, du 19 septembre 1980, relative à l’application des régimes de sécurité sociale des États membres des Communautés européennes aux travailleurs turcs et aux membres de leur famille ( 3 ), lue en combinaison avec l’article 59 du protocole additionnel, signé à Bruxelles le 23 novembre 1970 ( 4 ). Cette décision interdit notamment l’application de clauses de résidence au paiement de certains types de prestations sociales aux travailleurs turcs.

3.

Le Centrale Raad van Beroep (cour d’appel en matière de sécurité sociale et de fonction publique, Pays-Bas) s’interroge sur la relation entre cette interdiction et la règle interdisant de réserver un « traitement plus favorable » aux travailleurs turcs qu’aux ressortissants des États membres, prévue à l’article 59 du protocole additionnel.

Le droit de l’Union

L’accord d’association et le protocole additionnel

4.

Les parties contractantes ont signé l’accord d’association en 1963 ( 5 ). Conformément à son article 2, paragraphe 1, l’accord vise à « promouvoir le renforcement continu et équilibré des relations commerciales entre les parties [contractantes], en tenant pleinement compte de la nécessité d’assurer le développement accéléré de l’économie de la Turquie et le relèvement du niveau de l’emploi et des conditions de vie du peuple turc ».

5.

L’article 12 figure au chapitre 3 de l’accord, intitulé « Autres dispositions de caractère économique ». Il prévoit que « [l]es parties contractantes conviennent de s’inspirer des [articles 45 TFUE, 46 TFUE et 47 TFUE] pour réaliser graduellement la libre circulation des travailleurs entre elles ».

6.

Le titre II du protocole additionnel contient les dispositions détaillées régissant la « circulation des personnes et des services », dont le premier chapitre concerne les « travailleurs ».

7.

L’article 39 (qui figure à ce chapitre) prévoit qu’« [a]vant la fin de la première année après l’entrée en vigueur du présent protocole, le Conseil d’association arrête des dispositions en matière de sécurité sociale en faveur des travailleurs de nationalité turque qui se déplacent à l’intérieur de [l’Union] et de leur famille résidant à l’intérieur de [l’Union] ». Ces dispositions « devront permettre aux travailleurs de nationalité turque […] la totalisation des périodes d’assurance ou d’emploi accomplies dans les différents États membres pour ce qui concerne les pensions et rentes de vieillesse, de décès et d’invalidité, ainsi que les soins de santé du travailleur et de sa famille résidant à l’intérieur de [l’Union]» ( 6 ). En vertu de l’article 39, paragraphe 4, « [l]es pensions et rentes de vieillesse, de décès et d’invalidité, acquises en vertu des dispositions prises en application du paragraphe 2, devront pouvoir être exportées vers la Turquie ».

8.

Le titre IV du protocole additionnel (intitulé « Dispositions finales et générales ») comprend l’article 59, qui dispose que « dans les domaines couverts par le présent protocole, la Turquie ne peut bénéficier d’un traitement plus favorable que celui que les États membres s’accordent mutuellement en vertu du traité instituant la Communauté ».

9.

Le protocole additionnel fait partie intégrante de l’accord d’association ( 7 ).

La décision no 1/80

10.

La décision no 1/80 a été adoptée par le Conseil d’association afin de promouvoir la libre circulation des travailleurs ( 8 ). Son article 6 établit les conditions d’accès à l’emploi pour les ressortissants turcs dûment enregistrés comme appartenant au marché régulier de l’emploi d’un État membre. Conformément à une jurisprudence constante, tant que le travailleur turc exerce son droit au travail en vertu de l’accord d’association et de la décision no 1/80, il dispose en même temps d’un droit de séjour dans l’État membre concerné ( 9 ). Toutefois, il perd ce droit s’il quitte le marché de l’emploi définitivement, par exemple en raison d’une incapacité de travail ( 10 ).

La décision no 3/80

11.

La finalité de la décision no 3/80, adoptée sur le fondement de l’article 39 du protocole additionnel, est de mettre en place des mesures de sécurité sociale permettant la circulation des ressortissants turcs qui travaillent ou ont travaillé dans un ou plusieurs États membres ( 11 ). La décision no 3/80 renvoie largement au règlement (CEE) no 1408/71 relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté ( 12 ).

12.

L’article 2 de la décision no 3/80, intitulé « Champ d’application personnel », précise que cette décision s’applique aux travailleurs qui sont ou ont été soumis à la législation de l’un ou de plusieurs des États membres et qui sont des ressortissants de la Turquie, aux membres de la famille de ces travailleurs, qui résident sur le territoire de l’un des États membres, et aux survivants de ces travailleurs.

13.

L’article 3, paragraphe 1, intitulé « Égalité de traitement », prévoit que « les personnes qui résident sur le territoire de l’un des États membres et auxquelles [la décision 3/80 est applicable] sont soumises aux obligations et sont admises au bénéfice de la législation de tout État membre dans les mêmes conditions que les ressortissants de celui-ci ».

14.

En vertu de l’article 4 (intitulé « Champ d’application matériel ») :

« 1. La présente décision s’applique à toutes les législations relatives aux branches de sécurité sociale qui concernent :

[…]

b)

les prestations d’invalidité, y compris celles qui sont destinées à maintenir ou à améliorer la capacité de gain ;

[…]

2. La présente décision s’applique aux régimes de sécurité sociale généraux et spéciaux, contributifs et non contributifs […]

[…]

4. La présente décision ne s’applique ni à l’assistance sociale et médicale […] »

15.

L’article 6, paragraphe 1, premier alinéa, de la décision no 3/80, intitulé « Levée de clauses de résidence […] », dispose : « À moins que la présente décision n’en dispose autrement, les prestations en espèces d’invalidité, de vieillesse ou des survivants ainsi que les rentes d’accidents du travail et de maladies professionnelles, acquises au titre de la législation d’un ou de plusieurs États membres ne peuvent subir aucune réduction, ni modification, ni suspension, ni suppression, ni confiscation du fait que le bénéficiaire réside en Turquie ou sur le territoire d’un État membre autre que celui où se trouve l’institution débitrice ».

Le règlement no 1408/71

16.

Le règlement no 1408/71 définit le terme « prestations » à l’article 1er, sous t), comme signifiant « toutes prestations, […] y compris tous les éléments à charge des fonds publics, les majorations de revalorisation ou allocations supplémentaires, sous réserve des dispositions du titre III, ainsi que les prestations en capital qui peuvent être substituées aux pensions ou rentes et les versements effectués à titre de remboursement de cotisations» ( 13 ). L’article 4 de ce règlement définit son champ d’application matériel, qui inclut toutes les législations relatives aux « branches de sécurité sociale » se rapportant à l’un des risques énumérés à l’article 4, paragraphe 1 – y compris les « prestations d’invalidité » prévues à l’article 4, paragraphe 1, sous b) – et exclut l’« assistance sociale et médicale » (article 4, paragraphe 4), sans opérer de distinction entre les régimes contributifs et non contributifs (article 4, paragraphe 2).

17.

L’article 10, paragraphe 1, dispose que « les prestations en espèces d’invalidité, […] acquises au titre de la législation d’un ou de plusieurs États membres ne peuvent subir aucune réduction, ni modification, ni suspension, ni suppression, ni confiscation du fait que le bénéficiaire réside sur le territoire d’un État membre autre que celui où se trouve l’institution débitrice ». Sa formulation a manifestement servi de modèle lors de la rédaction du premier alinéa de l’article 6, paragraphe 1, de la décision no 3/80.

18.

En vertu de la combinaison de l’article 4, paragraphe 2 bis, sous a), et de l’article 10 bis, paragraphe 1, du règlement no 1408/71, tous deux introduits par le règlement (CEE) no 1247/92 ( 14 ), cette interdiction ne s’applique pas...

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