Opinion of Advocate General Wahl delivered on 22 June 2016.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2016:473
Date22 June 2016
Celex Number62015CC0041
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
CourtCourt of Justice (European Union)
62015CC0041

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NILS WAHL

présentées le 22 juin 2016 ( 1 )

Affaire C‑41/15

Gerard Dowling,

Padraig McManus,

Piotr Skoczylas et

Scotchstone Capital Fund Limited

contre

Minister for Finance

[demande de décision préjudicielle formée par la High Court (Haute Cour, Irlande)]

«Droit des sociétés — Directive 77/91/CEE — Protection des intérêts des actionnaires en ce qui concerne le capital d’une société à responsabilité limitée — Décision 2011/77/UE — Assistance financière accordée à l’Irlande — Recapitalisation d’Irish Life and Permanent plc — Directive 2001/24/CE — Mesures d’assainissement»

1.

Le gouvernement irlandais a-t-il méconnu des dispositions fondamentales du droit des sociétés de l’Union lorsque, durant l’été 2011, il a pris le contrôle d’Irish Life and Permanent Group Holdings plc (devenue Permanent TSB Group Holdings plc, ci-après « ILPGH ») et, par la même occasion, de sa filiale Irish Life and Permanent plc (devenue Permanent TSB plc, ci-après « ILP ») ? Cela constitue le point essentiel du litige dont est saisie la High Court (Haute Cour, Irlande).

2.

En conformité avec ma prise de position dans les conclusions que j’ai présentées le 18 février 2016 dans l’affaire Kotnik e.a. ( 2 ), j’estime, pour les raisons exposées dans les présentes conclusions, que les droits conférés aux actionnaires par la directive 77/91/CEE ( 3 ) ne privent pas un État membre de la possibilité de recapitaliser d’urgence un établissement de crédit en difficulté qui joue un rôle essentiel et fondamental dans son économie, à défaut duquel cette économie pourrait être gravement atteinte et pourrait créer, par ricochet, un risque pour l’économie d’autres États membres.

3.

Partant, je suis d’avis que la mesure en cause en l’espèce a été prise conformément au droit de l’Union. Cela dit, l’analyse appartiendra, en définitive, à la High Court (Haute Cour).

I – Cadre juridique

A – Droit de l’Union

1. La deuxième directive

4.

Conformément à l’article 8 de la deuxième directive, les actions ne peuvent pas être émises pour un montant inférieur à leur valeur nominale ou, à défaut de valeur nominale, à leur pair comptable.

5.

Aux termes de l’article 25 de la deuxième directive, toute augmentation du capital doit être décidée par l’assemblée générale, sauf si elle a été préalablement autorisée par les statuts, l’acte constitutif ou l’assemblée générale dans les conditions prévues par cette disposition.

6.

L’article 29, paragraphe 1, de la deuxième directive dispose que « [l]ors de toute augmentation du capital souscrit par apports en numéraire, les actions doivent être offertes par préférence aux actionnaires proportionnellement à la partie du capital représentée par leurs actions ». En outre, conformément à l’article 29, paragraphe 4, « [l]e droit préférentiel ne peut être limité, ni supprimé par les statuts ou l’acte constitutif. Il peut l’être toutefois par décision de l’assemblée générale » dans les conditions prévues par ce paragraphe.

2. La directive 2001/24/CE ( 4 )

7.

L’article 2 de la directive 2001/24, intitulé « Définitions », définit les « mesures d’assainissement » comme « les mesures qui sont destinées à préserver ou rétablir la situation financière d’un établissement de crédit et qui sont susceptibles d’affecter les droits préexistants de tiers, y compris les mesures qui comportent la possibilité d’une suspension des paiements, d’une suspension des mesures d’exécution ou d’une réduction des créances ».

8.

L’article 3 de la directive 2001/24, intitulé « Adoption de mesures d’assainissement – loi applicable », prévoit que les autorités administratives ou judiciaires de l’État membre d’origine sont seules compétentes pour décider de la mise en œuvre dans un établissement de crédit, y compris pour les succursales établies dans d’autres États membres, d’une ou plusieurs mesures d’assainissement. Ces mesures sont appliquées conformément aux dispositions des lois, règlements et procédures applicables dans l’État membre d’origine, sauf dispositions contraires. À partir du moment où elles produisent leurs effets dans l’État membre dans lequel elles ont été prises, ces mesures produisent tous leurs effets selon la législation de cet État membre dans toute l’Union européenne, sans aucune autre formalité, y compris à l’égard de tiers dans les autres États membres, même si les réglementations de l’État membre d’accueil qui leur sont applicables ne prévoient pas de telles mesures ou soumettent leur mise en œuvre à des conditions qui ne sont pas remplies.

9.

L’article 9 de la directive 2001/24, intitulé « Ouverture d’une procédure de liquidation – Informations à fournir à d’autres autorités compétentes », établit des règles qui sont en grande partie analogues à celles contenues à son article 3 en ce qui concerne les décisions ouvrant une procédure de liquidation.

3. La décision 2011/77/UE ( 5 )

10.

La décision d’exécution a été adoptée sur la base du règlement (UE) no 407/2010 ( 6 ), notamment de son article 3, paragraphe 3. Les considérants 1 à 3 de la décision sont libellés comme suit :

« (1)

L’Irlande est soumise depuis quelque temps à une pression croissante des marchés financiers en raison d’une montée des inquiétudes quant à la viabilité de ses finances publiques, devant les vastes mesures de soutien public prises en faveur d’un secteur financier affaibli. Le système bancaire irlandais, qui avait pris des risques excessifs dans le cadre de projets immobiliers et de construction, a en effet subi de lourdes pertes à la suite de l’effondrement de ces secteurs. La crise économique et bancaire actuelle a également eu sur les finances publiques de l’Irlande des répercussions massives, qui se sont ajoutées aux effets de la récession. Du fait de la contraction des recettes fiscales et de la hausse des dépenses conjoncturelles liée, notamment, à l’aggravation du chômage, le déficit et la dette publics, qui se situaient à un niveau satisfaisant avant la crise, ont très fortement augmenté, malgré la mise en œuvre de cinq grands programmes d’assainissement budgétaire depuis la mi-2008. Les mesures de soutien prises en faveur du secteur bancaire, notamment sous la forme d’injections massives de capitaux, ont largement contribué à cette détérioration de la situation des finances publiques. Les inquiétudes actuelles des marchés, principalement dues au fait que la solvabilité de l’État irlandais et celle du secteur bancaire sont devenues indissociablement liées dans le cadre de la crise, ont provoqué une forte hausse des rendements des obligations souveraines irlandaises, tandis que le système bancaire du pays se retrouve de fait privé d’accès aux capitaux des marchés internationaux.

(2)

Devant ces graves perturbations économiques et financières, dues à des événements exceptionnels échappant à leur contrôle, les autorités irlandaises ont officiellement sollicité, le 21 novembre 2010, une assistance financière de l’Union européenne, des États membres dont la monnaie est l’euro et du Fonds monétaire international (FMI), afin de permettre à l’économie de renouer avec une croissance durable, d’assurer le bon fonctionnement du système bancaire et de préserver la stabilité financière de l’Union et de la zone euro. Le 28 novembre 2010, un accord a été conclu au niveau technique en ce qui concerne une stratégie d’ensemble pour la période 2010-2013.

(3)

Le projet de programme d’ajustement économique et financier soumis au Conseil et à la Commission [ci-après “le programme”] a pour but de rétablir la confiance des marchés financiers dans le secteur bancaire et l’État irlandais et de permettre ainsi à l’économie de retrouver le chemin d’une croissance durable. Pour atteindre ces objectifs, le programme se compose de trois grands volets. Premièrement, une stratégie a été définie pour le secteur financier, qui consiste à redimensionner, à désendetter et à restructurer en profondeur le secteur bancaire, et à compléter ces mesures par une recapitalisation appropriée, pour autant que de besoin […] C’est pour soutenir la réalisation de cette stratégie ambitieuse que les autorités irlandaises sollicitent l’assistance financière de l’Union et des États membres dont la monnaie est l’euro et des prêts bilatéraux du Royaume-Uni, de la Suède, du Danemark et du FMI. »

11.

L’article 1er de la décision d’exécution prévoit :

«1. L’Union met à la disposition de l’Irlande un prêt d’un montant maximal de 22,5 milliards d’[euros], avec une échéance moyenne maximale de sept ans et demi. […]

[…]

4. Le décaissement de la première tranche intervient à l’entrée en vigueur de la convention de prêt et du protocole d’accord. Les paiements suivants dépendent d’une évaluation trimestrielle favorable de la Commission, en consultation avec la [Banque centrale européenne (BCE)], portant sur le respect par l’Irlande des conditions générales de politique économique définies dans la présente décision et dans le protocole d’accord.

[…]

8. La Commission décide du montant des tranches successives et de leur décaissement. La Commission décide du montant des versements échelonnés.

[…] »

12.

L’article 2 de la décision d’exécution précise que la Commission européenne gère cette assistance d’une manière compatible avec les engagements de l’Irlande et avec les recommandations du Conseil de l’Union européenne et fixe les modalités d’exercice de cette supervision. L’article 3 de la décision d’exécution approuve le programme préparé par les autorités irlandaises et dispose que le décaissement de chaque nouvelle tranche est lié à la mise en œuvre satisfaisante du programme, qui doit comprendre...

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