Opinion of Advocate General Szpunar delivered on 28 February 2019.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2019:163
Docket NumberC-377/17
Date28 February 2019
Celex Number62017CC0377
Procedure TypeRecurso por incumplimiento - sobreseimiento
CourtCourt of Justice (European Union)
62017CC0377

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MACIEJ SZPUNAR

présentées le 28 février 2019 ( 1 )

Affaire C‑377/17

Commission européenne

contre

République fédérale d’Allemagne

« Manquement d’État – Services dans le marché intérieur – Directive 2006/123/CE – Article 15 – Honoraires des architectes et ingénieurs – Tarifs obligatoires »

1.

Le présent recours en manquement introduit par la Commission européenne contre la République fédérale d’Allemagne relatif aux honoraires minimaux et maximaux pour des services fournis par les architectes et ingénieurs en Allemagne offre à la Cour l’occasion de clarifier la mesure dans laquelle l’article 15, paragraphe 2, de la directive 2006/123/CE ( 2 ) harmonise certaines restrictions à la liberté d’établissement ainsi que de se prononcer sur le critère de proportionnalité tel qu’établi à l’article 15, paragraphe 3, de cette directive.

I. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

2.

L’article 2 de la directive 2006/123 s’intitule « Champ d’application ». Aux termes de son premier paragraphe, la directive « s’applique aux services fournis par les prestataires ayant leur établissement dans un État membre ».

3.

Le chapitre III (articles 9 à 15) de cette directive est consacré à la liberté d’établissement des prestataires de services. Sa section 2 (articles 14 et 15) concerne les exigences qui sont interdites ou soumises à évaluation.

4.

L’article 15 de cette directive, intitulé « Exigences à évaluer », est libellé comme suit :

« 1. Les États membres examinent si leur système juridique prévoit les exigences visées au paragraphe 2 et veillent à ce que ces exigences soient compatibles avec les conditions visées au paragraphe 3. Les États membres adaptent leurs dispositions législatives, réglementaires ou administratives afin de les rendre compatibles avec ces conditions.

2. Les États membres examinent si leur système juridique subordonne l’accès à une activité de service ou son exercice au respect de l’une des exigences non discriminatoires suivantes :

[...]

g)

les tarifs obligatoires minimum et/ou maximum que doit respecter le prestataire ;

[...]

3. Les États membres vérifient que les exigences visées au paragraphe 2 remplissent les conditions suivantes :

a)

non-discrimination : les exigences ne sont pas directement ou indirectement discriminatoires en fonction de la nationalité ou, en ce qui concerne les sociétés, de l’emplacement de leur siège statutaire ;

b)

nécessité : les exigences sont justifiées par une raison impérieuse d’intérêt général ;

c)

proportionnalité : les exigences doivent être propres à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi, ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif et d’autres mesures moins contraignantes ne doivent pas permettre d’atteindre le même résultat.

[...] »

B. Le droit allemand

5.

En Allemagne, les honoraires des architectes et ingénieurs sont régis par un règlement du gouvernement fédéral intitulé « Honorarordnung für Architekten und Ingenieure » (Barème des honoraires des architectes et ingénieurs), du 10 juillet 2013 ( 3 ) (ci‑après le « HOAI »).

6.

L’article 1er de ce règlement définit le champ d’application de celui-ci et précise qu’il régit le calcul des rémunérations des prestations de base des architectes et ingénieurs établis en Allemagne, dès lors que ces prestations de base sont visées par ledit règlement.

7.

L’article 3 du HOAI relatif aux services et prestations est rédigé comme suit :

« 1. Les honoraires des prestations de base de la planification de surfaces, d’ouvrages et spécialisée sont réglementés avec effet contraignant aux parties 2 à 4 du présent règlement. Les honoraires de services de conseil visés à l’annexe 1 ne sont pas réglementés avec effet contraignant.

2. Les prestations de base qui sont généralement nécessaires à l’exécution conforme d’un mandat sont reprises dans les profils de prestation. Les profils de prestation sont subdivisés en phases de prestation, conformément aux dispositions des parties 2 à 4.

3. La liste des prestations particulières visées par le présent règlement et les profils de prestation et leurs annexes n’est pas exhaustive. Les prestations particulières peuvent également être convenues pour les plans de profils de prestation et les phases de prestation dont elles ne relèvent pas, pour autant qu’elles ne constituent pas des prestations de base. Les honoraires des prestations spéciales peuvent être convenus librement.

4. Il convient toujours de respecter l’efficacité économique de la prestation. »

8.

Aux termes de l’article 7 du HOAI, intitulé « Convention d’honoraires » :

« 1. Les honoraires sont basés sur la convention écrite adoptée par les parties contractantes lors de l’attribution du mandat et s’inscrivent dans le cadre des montants minimaux et maximaux fixés par le présent règlement.

2. Si les coûts ou surfaces éligibles déterminés se situent hors des barèmes fixés dans les tableaux d’honoraires du présent règlement, les honoraires peuvent être convenus librement.

3. Les montants minimaux fixés dans le présent règlement peuvent être abaissés dans des cas exceptionnels, moyennant accord par écrit.

4. Les montants maximaux fixés dans le présent règlement peuvent être dépassés uniquement en cas de prestations de base extraordinaires ou d’une durée inhabituellement longue, moyennant accord par écrit. Il n’est pas tenu compte dans ce cas de circonstances qui ont déjà été déterminantes pour le classement dans les tranches d’honoraires ou pour le classement dans le cadre des montants minimaux et maximaux. »

9.

Les parties 2 et 4 du HOAI, visées à l’article 3, paragraphe 1, de celui-ci, contiennent des dispositions détaillées concernant les montants minimaux et maximaux pour la planification de surfaces, d’ouvrages et spécialisée. Certaines de ces dispositions autorisent la diminution des prix minimaux dans des cas exceptionnels, conformément à l’article 7, paragraphe 3, du HOAI.

10.

Il découle de l’article 44, paragraphe 7, du HOAI que si la charge de planification d’ouvrages de génie civil qui ont une grande extension en longueur et sont érigés dans des conditions de construction égales est disproportionnée par rapport aux honoraires calculés, il convient d’appliquer l’article 7, paragraphe 3.

11.

L’article 52, paragraphe 5, du HOAI prévoit que si la charge de planification de structures portantes d’ouvrages de génie civil qui ont une grande extension en longueur et sont érigés dans des conditions de construction égales est disproportionnée par rapport aux honoraires calculés, il convient d’appliquer l’article 7, paragraphe 3.

12.

L’article 56 du HOAI dispose que si la charge de planification des équipements techniques d’ouvrages de génie civil qui ont une grande extension en longueur et sont érigés dans des conditions de construction égales est disproportionnée par rapport aux honoraires calculés, il convient d’appliquer l’article 7, paragraphe 3.

II. Les antécédents du litige

A. La procédure précontentieuse

13.

Après avoir recueilli les réponses de certains États membres aux questions relatives aux systèmes de tarifs obligatoires nationaux, la Commission a ouvert une procédure EU Pilot, dans le cadre de laquelle la République fédérale d’Allemagne a déposé ses observations pour justifier les dispositions relatives aux honoraires des architectes et ingénieurs le 10 mars 2015.

14.

Par lettre de mise en demeure du 18 juin 2015, la Commission a attiré l’attention des autorités allemandes sur une possible violation, par les dispositions du HOAI relatives aux tarifs, de l’article 15, paragraphe 1, de l’article 15, paragraphe 2, sous g), et de l’article 15, paragraphe 3, de la directive 2006/123 ainsi que de l’article 49 TFUE.

15.

Par réponse du 22 septembre 2015, la République fédérale d’Allemagne a contesté cette allégation. Selon cet État membre, le règlement en cause ne restreindrait pas la liberté d’établissement et, en tout état de cause, une éventuelle restriction de ce type serait justifiée par des raisons impérieuses d’intérêt général. En tout cas, il a observé que des situations de nature purement interne ne relevaient pas du champ d’application de la directive 2006/123.

16.

Le 25 février 2016, la Commission a émis un avis motivé dans lequel elle a réitéré ses arguments figurant déjà dans la lettre de mise en demeure et la République fédérale d’Allemagne y a répondu le 13 mai 2016 en renvoyant aux arguments déjà avancés dans sa réponse à la lettre de mise en demeure.

B. La procédure devant la Cour

17.

La Commission n’ayant pas jugé suffisante la réponse de la République fédérale d’Allemagne du 13 mai 2016, elle a décidé d’introduire le présent recours. Ce dernier a été déposé au greffe de la Cour le 23 juin 2017.

18.

Par demande déposée au greffe de la Cour le 5 octobre 2017, le gouvernement hongrois a demandé à intervenir au soutien de la République fédérale d’Allemagne. Par décision du 7 novembre 2017, le président de la Cour a autorisé cette intervention.

19.

Le gouvernement allemand et la Commission ont présenté des observations orales à l’audience qui s’est tenue le 7 novembre 2018, de même que le gouvernement hongrois.

III. Appréciation

A. Remarques préliminaires

1. De la relation entre l’article 15 de la directive 2006/123 et l’article 49 TFUE

20.

Dans ses observations, la Commission se réfère systématiquement à l’article 15 de la directive 2006/123 et à l’article 49 TFUE...

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