Opinion of Advocate General Sharpston delivered on 31 January 2019.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2019:85
Celex Number62017CC0704
CourtCourt of Justice (European Union)
Date31 January 2019

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME ELEANOR SHARPSTON

présentées le 31 janvier 2019(1)

Affaire C‑704/17

D. H.

contre

Ministerstvo vnitra

[demande de décision préjudicielle formée par le Nejvyšší správní soud (Cour administrative suprême, République tchèque)]

« Demande de décision préjudicielle – Espace de liberté, de sécurité et de justice – Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Articles 6 et 47 – Politique commune en matière d’asile et de protection subsidiaire – Directive 2013/33/UE – Article 9 – Garanties offertes aux demandeurs de protection internationale faisant l’objet d’un placement en rétention administrative – Contrôle juridictionnel de telles décisions – Droit à un recours effectif – Règles nationales clôturant le processus de contrôle juridictionnel à la remise en liberté du demandeur de protection internationale »






1. Par la présente demande de décision préjudicielle, le Nejvyšší správní soud (Cour administrative suprême, République tchèque) demande à la Cour des précisions quant à l’interprétation des dispositions de la directive 2013/33/UE (2) qui prévoient des garanties pour les demandeurs de protection internationale placés en rétention administrative au titre d’une décision des autorités nationales compétentes. La juridiction de renvoi souhaite savoir si, interprétée à la lumière de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (3), notamment les droits à la liberté, à la sûreté ainsi qu’à un recours effectif que la Charte consacre, la directive susmentionnée s’oppose à des règles nationales selon lesquelles une procédure de recours contre une décision de placement en rétention doit être clôturée lorsque la personne concernée est remise en liberté.

2. La question que soulève la juridiction de renvoi requiert, entre autres, que la Cour examine le droit fondamental à un recours effectif conjointement avec les principes généraux du droit de l’Union d’équivalence et d’effectivité dans le cadre de l’autonomie procédurale nationale.

La convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (4)

3. L’article 5, paragraphe 1, de la CEDH prévoit que « [t]oute personne a droit à la liberté et à la sûreté ». Aux termes de l’article 5, paragraphe 4, « [t]oute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d’introduire un recours devant un tribunal, afin qu’il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale ». En vertu de l’article 5, paragraphe 5, « [t]oute personne victime d’une arrestation ou d’une détention dans des conditions contraires aux dispositions de cet article a droit à réparation ».

Le droit de l’Union

La Charte

4. L’article 6 de la Charte prévoit que « [t]oute personne a droit à la liberté et à la sûreté » (5). Les autres dispositions que l’article 5 de la CEDH contient ne sont pas spécifiquement reprises.

5. L’article 47, premier alinéa, de la Charte prévoit que toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal (6).

6. L’article 51, paragraphe 1, de la Charte précise que ses dispositions s’appliquent aux États membres « uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union ».

7. Selon l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, « [t]oute limitation de l’exercice des droits et libertés reconnus par [elle] doit être prévue par la loi et respecter le contenu essentiel desdits droits et libertés. Dans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et libertés d’autrui ». À l’article 52, paragraphe 3, la Charte dispose que « [d]ans la mesure où [elle] contient des droits correspondant à des droits garantis par la [CEDH], leur sens et leur portée sont les mêmes que ceux que leur confère ladite convention. Cette disposition ne fait pas obstacle à ce que le droit de l’Union accorde une protection plus étendue ». À l’article 52, paragraphe 7, elle dispose que « [l]es explications élaborées en vue de guider [son] interprétation » doivent être « dûment prises en considération » par les juridictions de l’Union et des États membres (7).

8. Les explications relatives à la Charte précisent que « [l]es droits prévus à l’article 6 correspondent à ceux qui sont garantis par l’article 5 de la CEDH et ont, conformément à l’article 52, paragraphe 3, de la Charte, le même sens et la même portée ». Il en résulte que « les limitations qui peuvent légitimement leur être apportées ne peuvent excéder les limites permises par la CEDH ». Les explications relatives à la Charte indiquent que la protection de l’article 47 de la Charte est plus étendue que celle qu’assure l’article 13 de la CEDH, puisqu’elle garantit un droit à un recours effectif devant un juge.

La directive 2013/32

9. L’article 26, paragraphe 2, de la directive 2013/32/UE relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale (8) prévoit que « [l]orsqu’un demandeur est placé en rétention, les États membres veillent à prévoir la possibilité d’un contrôle juridictionnel rapide conformément à la directive 2013/33 ».

La directive 2013/33

10. Le préambule de la directive 2013/33 contient les déclarations suivantes :

– Le Conseil européen a adopté le programme de Stockholm (9), réaffirmant un attachement à l’objectif d’établir un espace commun de protection et de solidarité, fondé sur une procédure d’asile commune et un statut uniforme pour les personnes bénéficiant d’une protection internationale s’appuyant sur des normes de protection élevées et des procédures équitables et efficaces (considérant 5) ;

– Pour ce qui concerne le traitement des demandeurs de protection internationale, les États membres sont liés par les obligations qui leur incombent en vertu des instruments de droit international auxquels ils sont parties (considérant 10) ;

– Ces demandeurs ne peuvent être placés en rétention que dans des circonstances exceptionnelles définies de manière très claire dans la directive 2013/33 et dans le respect des principes de nécessité et de proportionnalité en ce qui concerne tant la forme que la finalité de ce placement en rétention ; lorsqu’un demandeur de protection internationale est placé en rétention, il devrait bénéficier effectivement des garanties procédurales nécessaires, telles qu’un droit de recours auprès d’une autorité judiciaire nationale (considérant 15) ; et

– La directive 2013/33 respecte les droits fondamentaux et observe les principes reconnus, notamment par la Charte ; elle vise, en particulier, à favoriser l’application, entre autres, des articles 6 et 47 de la Charte et doit être mise en œuvre en conséquence (considérant 35).

11. L’article 2 de la directive 2013/33 contient les définitions qui suivent. Par « demande de protection internationale », on entend « la demande de protection présentée à un État membre par un ressortissant d’un pays tiers ou un apatride, qui peut être comprise comme visant à obtenir le statut de réfugié ou le statut conféré par la protection subsidiaire, le demandeur ne sollicitant pas explicitement un autre type de protection hors du champ d’application de la [directive 2011/95/UE] et pouvant faire l’objet d’une demande séparée » (10). Par « demandeur », on entend « tout ressortissant de pays tiers ou tout apatride ayant présenté une demande de protection internationale sur laquelle il n’a pas encore été statué définitivement » (11). Enfin, par « rétention », on entend « toute mesure d’isolement d’un demandeur par un État membre dans un lieu déterminé, où le demandeur est privé de sa liberté de mouvement » (12).

12. L’article 3 de la directive 2013/33 précise que celle-ci s’applique à « […] tous les ressortissants de pays tiers et apatrides qui présentent une demande de protection internationale sur le territoire d’un État membre, y compris à la frontière, dans les eaux territoriales ou les zones de transit, tant qu’ils sont autorisés à demeurer sur le territoire en qualité de demandeurs […] ».

13. Conformément à l’article 4 de la directive 2013/33, les États membres peuvent adopter ou maintenir des dispositions plus favorables pour ce qui concerne les conditions d’accueil des demandeurs.

14. L’article 8 de la directive 2013/33 établit les conditions de fond qui régissent le placement en rétention des demandeurs de protection internationale. Ceux-ci ne peuvent être placés en rétention que pour les motifs énoncés à l’article 8, paragraphe 3. L’article 8, paragraphe 3, sous d), autorise les États membres, en particulier, à placer un demandeur de protection internationale en rétention dans le cadre d’une procédure de retour au titre de la directive 2008/115/CE (13) « pour préparer le retour et/ou procéder à l’éloignement », lorsque l’État membre concerné « peut justifier sur la base de critères objectifs, tels que le fait que le demandeur a déjà eu la possibilité d’accéder à la procédure d’asile, qu’il existe des motifs raisonnables de penser que le demandeur a présenté la demande de protection internationale à seule fin de retarder ou d’empêcher l’exécution de la décision de retour ». Les motifs du placement en rétention doivent être définis par le droit national.

15. L’article 9 de la directive 2013/33, intitulé « Garanties offertes aux demandeurs placés en rétention », prévoit ce qui suit :

« 1. Un demandeur n’est placé en rétention que pour une durée la plus brève possible et tant que les motifs énoncés à l’article 8, paragraphe 3, sont applicables.

[…]

2. Le placement en rétention des demandeurs est ordonné par écrit par les autorités judiciaires ou administratives. La décision de placement en rétention indique les motifs de fait et de droit sur lesquels elle est basée.

3. Lorsque le placement en...

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