Opinion of Advocate General Pitruzzella delivered on 6 March 2019.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2019:175
Docket NumberC-705/17
Celex Number62017CC0705
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date06 March 2019
62017CC0705

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. GIOVANNI PITRUZZELLA

présentées le 6 mars 2019 ( 1 )

Affaire C‑705/17

Patent-och registreringsverket

contre

Mats Hansson

[demande de décision préjudicielle formée par le Svea hovrätt (cour d’appel siégeant à Stockholm, Suède)]

« Renvoi préjudiciel – Marques – Directive 2008/95/CE – Motifs supplémentaires de refus ou de nullité concernant les conflits avec des droits antérieurs – Marque antérieure contenant une indication de provenance géographique couverte par une déclaration de renonciation (disclaimer) – Incidence de cette déclaration sur l’appréciation du risque de confusion »

1.

Dans les législations qui le prévoient, l’enregistrement d’une marque peut s’accompagner d’une déclaration de renonciation, appelée « disclaimer », lorsque la demande a pour objet un signe complexe ou composé à l’intérieur duquel figurent un ou plusieurs termes descriptifs ou génériques désignant un ou plusieurs produits ou services couverts par la demande. Le disclaimer, qui, selon la réglementation applicable, peut être spontanément proposé par le demandeur ou imposé par le service compétent comme une condition de l’enregistrement, a pour but de préciser que le ou les termes descriptifs et non distinctifs du signe dont l’enregistrement est demandé ne font pas l’objet d’une exclusivité et restent donc disponibles ( 2 ). Par conséquent, le titulaire de la marque n’aura pas le droit d’empêcher d’autres entreprises d’utiliser ces termes.

2.

L’utilisation décrite ci-dessus du disclaimer est admise en droit suédois. Par le renvoi préjudiciel faisant l’objet des présentes conclusions, le Svea hovrätt Patent- och marknadsöverdomstolen (cour d’appel siégeant à Stockholm en tant que Tribunal de la propriété intellectuelle et de commerce, Suède) demande à la Cour si et dans quelle mesure, en cas de conflit entre un signe dont l’enregistrement est demandé en tant que marque et une marque antérieure, le fait qu’un élément de cette dernière soit couvert par un disclaimer a une incidence sur l’appréciation du risque de confusion qu’il convient d’effectuer en application de l’article 4, paragraphe 1, sous b), de la directive 2008/95/CE ( 3 ).

3.

Cette question a été soulevée dans le cadre d’un litige portant sur le rejet par le Patent-och registeringsverket (office suédois de la propriété intellectuelle, ci-après le « PRV ») d’une demande d’enregistrement d’une marque verbale nationale présentée par M. Mats Hansson.

Cadre juridique

Le droit de l’Union

4.

Conformément à l’article 4, paragraphe 1, sous b), de la directive 2008/95 :

«1. Une marque est refusée à l’enregistrement ou, si elle est enregistrée, est susceptible d’être déclarée nulle :

[...]

b)

lorsqu’en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion qui comprend le risque d’association avec la marque antérieure» ( 4 ).

5.

Selon l’article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive 2008/95 :

« 1. La marque enregistrée confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires :

[...]

b)

d’un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services couverts par la marque et le signe, il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion qui comprend le risque d’association entre le signe et la marque» ( 5 ).

Le droit suédois

6.

L’article 10, premier alinéa, point 2, du chapitre 1er de la varumärkslagen (2010:1877) (loi no 1877 de 2010 sur les marques, ci‑après la « loi de 2010 ») ( 6 ), qui transpose en droit suédois l’article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive 2008/95, définit le contenu du droit exclusif conféré au titulaire d’une marque enregistrée contre l’usage, par des tiers non autorisés, de signes donnant lieu à un risque de confusion ou d’association avec cette marque.

7.

Aux termes de l’article 5 du chapitre 2 de la loi de 2010, qui transpose en droit suédois l’article 3, paragraphe 1, sous b), de la directive 2008/95, pour être enregistrée, une marque doit être dotée d’un caractère distinctif pour les produits ou services au titre desquels son enregistrement est demandé.

8.

Conformément à l’article 12, premier alinéa, du chapitre 2 de la loi de 2010, si une marque contient un élément qui ne peut plus être enregistré en lui‑même et s’il existe un risque manifeste que l’enregistrement soit susceptible de faire naître des incertitudes quant à la portée du droit exclusif conféré à son titulaire, cet élément peut être exclu, de manière explicite, de la protection lors de l’enregistrement. Le deuxième alinéa de cette même loi précise que, si, ultérieurement, cet élément vient à satisfaire aux conditions d’un enregistrement, celui-ci, ou la marque dans son intégralité, peut être enregistré sans l’exclusion visée au premier alinéa, sur présentation d’une nouvelle demande.

Le litige au principal et les questions préjudicielles

9.

Le 16 décembre 2015, M. Mats Hansson, défendeur au principal, a déposé, auprès du PRV, demanderesse au principal, une demande d’enregistrement du vocable ROSLAGSÖL en tant que marque verbale nationale pour des produits faisant partie de la classe 32 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié (ci-après l’« arrangement de Nice ») et, en particulier, pour des boissons non alcoolisées et des bières (ci-après la « marque demandée »).

10.

Par décision du 14 juillet 2016, le PRV a rejeté la demande d’enregistrement en raison du risque de confusion entre la marque demandée et la marque figurative antérieure ROSLAGS PUNSCH (ci‑après la « marque antérieure »), représentée ci-dessous :

Image

enregistrée pour des boissons alcoolisées faisant partie de la classe 33 au sens de l’arrangement de Nice et détenue depuis 2007 par la société Norrtelje Brenneri Aktiebolag ( 7 ). L’enregistrement de cette dernière marque est assorti de l’indication suivante : « l’enregistrement ne confère pas un droit exclusif sur le vocable “Roslagspunsch” ».

11.

Le vocable « Roslagen » désigne une région située le long de la côte orientale suédoise.

12.

En concluant à l’existence d’un risque de confusion, le PRV a tenu compte du fait, d’une part, que les marques en conflit commencent par le terme descriptif « Roslagen », qui a un caractère dominant dans les deux signes, et, d’autre part, que ces marques sont destinées à être utilisées pour des produits identiques ou similaires, susceptibles d’être distribués par les mêmes circuits de vente et de s’adresser à la même clientèle.

13.

M. Hansson a introduit un recours contre la décision du PRV du 14 juillet 2016 auprès du Patent-och marknadsdomstolen (Tribunal de la propriété industrielle et de commerce, Suède), en invoquant, d’une part, l’absence de similitude entre la marque demandée, verbale, et la marque antérieure, figurative, et, d’autre part, le fait que le terme « Roslagen » est couramment utilisé dans les signes distinctifs des entreprises établies dans la région en cause. Au cours de la procédure devant le Patent-och marknadsdomstolen (Tribunal de la propriété industrielle et de commerce), les parties ont pris position sur l’incidence du disclaimer qui accompagne l’enregistrement de la marque antérieure. Le PRV a fait valoir que, généralement, les éléments d’une marque qui sont exclus du bénéfice de la protection par l’effet d’un disclaimer sont considérés comme dépourvus de caractère distinctif et ne doivent dès lors pas être pris en compte dans l’examen du risque de confusion. Toutefois, le PRV a indiqué que sa pratique relative à l’enregistrement des noms géographiques avait évolué au fil du temps et que, conformément aux règles actuellement applicables, le terme « Roslags », figurant dans la marque antérieure, devait être pris en compte, nonobstant le disclaimer, afin d’évaluer l’existence d’un motif de refus fondé sur le risque de confusion avec la marque antérieure ( 8 ).

14.

Le Patent-och marknadsdomstolen (Tribunal de la propriété industrielle et de commerce) a accueilli le recours de M. Hansson. Il a considéré, en substance, que nonobstant le disclaimer, les termes « Roslags » et « Punsch » devaient être pris en compte dans l’appréciation du risque de confusion entre les marques en conflit en raison de leur incidence sur l’impression globale produite par la marque antérieure. Toutefois, cette juridiction a considéré, d’une part, que les éléments figuratifs de la marque antérieure, ainsi que le fait que la partie verbale de cette dernière se compose de deux termes séparés, permettaient de distinguer visuellement les deux marques, et, d’autre part, que la différence entre l’élément verbal « punsch », dans la marque antérieure, et les lettres composant le terme « öl », dans la partie finale du vocable dont la marque demandée est formée, atténuaient la similitude phonétique entre les deux marques. Compte tenu également du faible degré de similitude entre les produits en question, le Patent‑och marknadsdomstolen (Tribunal de la propriété industrielle et de commerce) a donc conclu à l’absence de risque de confusion.

15.

Le PRV a interjeté appel du jugement de première instance devant la juridiction de renvoi.

16.

Cette...

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