Opinion of Advocate General Bot delivered on 24 January 2018.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2018:34
Docket NumberC-175/17
Celex Number62017CC0175
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date24 January 2018
62017CC0175

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES BOT

présentées le 24 janvier 2018 ( 1 )

Affaires C‑175/17 et C‑180/17

X

contre

Belastingdienst/Toeslagen

et

X et Y

contre

Staatssecretaris van Veiligheid en Justitie

[demandes de décision préjudicielle formées par l’Afdeling bestuursrechtspraak van de Raad van State (section du contentieux administratif du Conseil d’État, Pays-Bas)]

« Renvoi préjudiciel – Politique commune en matière d’asile et de protection subsidiaire – Directive 2005/85/CE – Article 39 – Directive 2008/115/CE – Article 13Directive 2013/32/UE – Article 46 – Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Articles 4 et 18 ainsi qu’article 19, paragraphe 2, et article 47 – Droit à un recours effectif – Principe de non-refoulement – Décision rejetant une demande d’asile et imposant une obligation de retour – Réglementation nationale prévoyant un second degré de juridiction en matière d’asile – Effet suspensif automatique limité au recours en première instance – Exception si les effets juridiques de la décision annulée en première instance sont maintenus »

I. Introduction

1.

Les présentes demandes de décision préjudicielle se recouvrent en substance. Dès lors, il sera conclu conjointement sur ces deux affaires, qui représentent l’occasion pour la Cour d’apporter une nouvelle contribution au droit à un recours effectif en matière d’asile.

2.

Il est ici question de savoir si le droit de l’Union européenne, garantissant le droit à un recours effectif, doit être interprété en ce sens que les droits nationaux doivent attribuer un effet suspensif automatique aux procédures d’appel qu’ils prévoient contre les décisions rejetant les demandes d’asile et portant obligation de retour, lorsqu’est invoqué un risque de violation du principe de non-refoulement par la personne concernée. Les présentes affaires inviteront la Cour à se prononcer sur l’interprétation des dispositions de l’article 39 de la directive 2005/85/CE ( 2 ), de l’article 13 de la directive 2008/115/CE ( 3 ) et de l’article 46 de la directive 2013/32/UE ( 4 ), lues à la lumière des articles 4 et 18, de l’article 19, paragraphe 2, et de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ( 5 ).

3.

À l’issue de notre analyse, nous proposerons à la Cour de dire pour droit que ni les dispositions de la directive 2005/85, ni celles de la directive 2008/115, ni celles de la directive 2013/32, ni encore celles de la Charte n’imposent aux États membres de prévoir un effet suspensif automatique à un recours en appel, interjeté dans le cadre d’une procédure intentée contre un refus d’asile comportant une décision de retour, même lorsque la personne faisant l’objet de cette mesure invoque un risque de violation du principe de non-refoulement. Cependant, le droit à un recours effectif, tel qu’il résulte de ces dispositions, s’oppose à ce que les effets juridiques d’un refus d’asile et d’une décision de retour soient maintenus malgré l’annulation de ces mesures en première instance et impose que, dans une telle situation, le recours en appel soit assorti d’un effet suspensif automatique.

II. Le cadre juridique

A. Le droit international

1. La convention de Genève

4.

L’article 33 de la convention de Genève ( 6 ), intitulé « Défense d’expulsion et de refoulement », dispose, à son paragraphe 1 :

« Aucun des États contractants n’expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques. »

2. La convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales

5.

L’article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ( 7 ), intitulé « Interdiction de la torture », prévoit :

« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

6.

L’article 13 de ce texte, intitulé « Droit à un recours effectif », est ainsi rédigé :

« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente [c]onvention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »

B. Le droit de l’Union

1. La directive 2005/85

7.

L’article 3 de la directive 2005/85, intitulé « Champ d’application », dispose, à son paragraphe 1 :

« La présente directive s’applique à toutes les demandes d’asile introduites sur le territoire des États membres, y compris à la frontière ou dans une zone de transit, ainsi qu’au retrait du statut de réfugié. »

8.

L’article 39 de cette directive, intitulé « Droit à un recours effectif », se lit comme suit :

« 1. Les États membres font en sorte que les demandeurs d’asile disposent d’un droit à un recours effectif devant une juridiction contre les actes suivants :

a)

une décision concernant leur demande d’asile [...]

[...]

e)

une décision de retirer le statut de réfugié, en application de l’article 38.

2. Les États membres prévoient des délais et énoncent les autres règles nécessaires pour que le demandeur puisse exercer son droit à un recours effectif en application du paragraphe 1.

3. Les États membres prévoient le cas échéant les règles découlant de leurs obligations internationales relatives :

a)

à la question de savoir si le recours prévu en application du paragraphe 1 a pour effet de permettre aux demandeurs de rester dans l’État membre concerné dans l’attente de l’issue du recours ;

b)

à la possibilité d’une voie de droit ou de mesures conservatoires si le recours visé au paragraphe 1 n’a pas pour effet de permettre aux demandeurs de rester dans l’État membre concerné dans l’attente de l’issue de ce recours. Les États membres peuvent aussi prévoir une procédure d’office [...]

[...] »

2. La directive 2008/115

9.

L’article 13 de la directive 2008/115, intitulé « Voies de recours », dispose :

« 1. Le ressortissant concerné d’un pays tiers dispose d’une voie de recours effective pour attaquer les décisions liées au retour visées à l’article 12, paragraphe 1, devant une autorité judiciaire ou administrative compétente ou une instance compétente composée de membres impartiaux et jouissant de garanties d’indépendance.

2. L’autorité ou l’instance visée au paragraphe 1 est compétente pour réexaminer les décisions liées au retour visées à l’article 12, paragraphe 1, et peut notamment en suspendre temporairement l’exécution, à moins qu’une suspension temporaire ne soit déjà applicable en vertu de la législation nationale.

[...] »

3. La directive 2013/32

10.

L’article 46 de la directive 2013/32, intitulé « Droit à un recours effectif », prévoit :

« 1. Les États membres font en sorte que les demandeurs disposent d’un droit à un recours effectif devant une juridiction contre les actes suivants :

a)

une décision concernant leur demande de protection internationale, y compris :

i)

les décisions considérant comme infondée une demande quant au statut de réfugié et/ou au statut conféré par la protection subsidiaire ;

[...]

3. Pour se conformer au paragraphe 1, les États membres veillent à ce qu’un recours effectif prévoie un examen complet et ex nunc tant des faits que des points d’ordre juridique, y compris, le cas échéant, un examen des besoins de protection internationale en vertu de la directive 2011/95/UE [du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection ( 8 )], au moins dans le cadre des procédures de recours devant une juridiction de première instance.

[...]

5. Sans préjudice du paragraphe 6, les États membres autorisent les demandeurs à rester sur leur territoire jusqu’à l’expiration du délai prévu pour l’exercice de leur droit à un recours effectif et, si ce droit a été exercé dans le délai prévu, dans l’attente de l’issue du recours.

6. En cas de décision :

a)

considérant une demande comme manifestement infondée conformément à l’article 32, paragraphe 2, ou infondée après examen conformément à l’article 31, paragraphe 8, à l’exception des cas où les décisions sont fondées sur les circonstances visées à l’article 31, paragraphe 8, point h) ;

b)

considérant une demande comme irrecevable en vertu de l’article 33, paragraphe 2, points a), b) ou d) ;

c)

rejetant la réouverture du dossier du demandeur après qu’il a été clos conformément à l’article 28 ; ou

d)

de ne pas procéder à l’examen, ou de ne pas procéder à l’examen complet de la demande en vertu de l’article 39,

une juridiction est compétente pour décider si le demandeur peut rester sur le territoire de l’État membre, soit à la demande du demandeur ou de sa propre initiative, si cette décision a pour conséquence de mettre un terme au droit du demandeur de rester dans l’État membre et lorsque, dans ces cas, le droit de rester dans l’État membre dans l’attente de l’issue du recours n’est pas prévu par le droit national.

[...] »

C. Le droit néerlandais

11.

En droit néerlandais, le recours en première instance devant le rechtbank (tribunal, Pays-Bas) contre une décision du...

To continue reading

Request your trial
2 practice notes
  • X v Belastingdienst/Toeslagen.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 26 September 2018
    ...prévoyant un deuxième degré de juridiction – Effet suspensif de plein droit limité au recours de première instance » Dans l’affaire C‑175/17, ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Raad van State (Conseil d’État, Pays-Bas), p......
  • Opinion of Advocate General Hogan delivered on 11 February 2021.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 11 February 2021
    ...2, letra c), de la Directiva sobre procedimientos]. 43 Véanse las conclusiones del Abogado General Bot presentadas en los asuntos X y X e Y (C‑175/17 y C‑180/17, EU:C:2018:34), punto 31, respecto a la predecesora de la Directiva sobre procedimientos. Esta valoración sigue siendo válida para......
2 cases
  • X v Belastingdienst/Toeslagen.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 26 September 2018
    ...prévoyant un deuxième degré de juridiction – Effet suspensif de plein droit limité au recours de première instance » Dans l’affaire C‑175/17, ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Raad van State (Conseil d’État, Pays-Bas), p......
  • Opinion of Advocate General Hogan delivered on 11 February 2021.
    • European Union
    • Court of Justice (European Union)
    • 11 February 2021
    ...2, letra c), de la Directiva sobre procedimientos]. 43 Véanse las conclusiones del Abogado General Bot presentadas en los asuntos X y X e Y (C‑175/17 y C‑180/17, EU:C:2018:34), punto 31, respecto a la predecesora de la Directiva sobre procedimientos. Esta valoración sigue siendo válida para......

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT