Opinion of Advocate General Kokott delivered on 31 January 2019.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2019:86
Date31 January 2019
Celex Number62018CC0025
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-25/18
62018CC0025

CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE

MMEJULIANE KOKOTT

présentées le 31 janvier 2019 ( 1 )

Affaire C‑25/18

Brian Andrew Kerr

contre

Pavlo Postnov,

Natalia Postnova

[demande de décision préjudicielle formée par l’Okrazhen sad – Blagoevgrad (tribunal régional de Blagoevgrad, Bulgarie)]

« Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière civile – Règlement (UE) no 1215/2012 – Compétence judiciaire, reconnaissance et exécution des décisions en matière civile et commerciale – Article 24, point 1, premier alinéa – Compétence exclusive en matière de droits réels immobiliers – Article 24, point 2 – Compétence exclusive en matière de validité des décisions des organes des sociétés ou personnes morales – Article 7, point 1, sous a) – Compétence spéciale en matière contractuelle – Demande de paiement d’une contribution pour l’entretien d’un immeuble fondée sur une décision d’une copropriété sans personnalité juridique propre – Droit applicable – Applicabilité du règlement (CE) no 593/2008 »

I. Introduction

1.

À quelle juridiction nationale le règlement Bruxelles I bis ( 2 ) confie-t-il compétence internationale lorsqu’une copropriété intente un recours pour obtenir le paiement de contributions destinées à l’entretien d’un immeuble, mais que les propriétaires défaillants sont domiciliés dans un autre État membre ? Cette question se pose en l’espèce à propos d’une obligation de paiement fondée sur des décisions adoptées par une copropriété dépourvue de personnalité juridique propre en droit national.

2.

La juridiction de renvoi se demande dans ce contexte si, au lieu du for général du domicile du défendeur, le for spécial du lieu d’exécution de l’obligation en cause peut être retenu, dans la mesure où les demandes de paiement litigieuses relèvent de la « matière contractuelle » au sens de l’article 7, point 1, sous a), du règlement Bruxelles I bis. La juridiction de renvoi aimerait, en outre, savoir si le règlement Rome I ( 3 ) est applicable aux décisions d’une copropriété telles que celles en cause en l’espèce, et selon quelle loi les droits découlant de ces décisions doivent être appréciés au fond.

II. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

1. Le règlement Bruxelles I bis

3.

Les extraits pertinents des considérants 15 et 16 du règlement Bruxelles I bis sont ainsi rédigés :

« (15)

Les règles de compétence devraient présenter un haut degré de prévisibilité et s’articuler autour de la compétence de principe du domicile du défendeur. Cette compétence devrait toujours être disponible, sauf dans quelques cas bien déterminés où la matière en litige ou l’autonomie des parties justifie un autre critère de rattachement. S’agissant des personnes morales, le domicile doit être défini de façon autonome de manière à accroître la transparence des règles communes et à éviter les conflits de compétence.

(16)

Le for du domicile du défendeur devrait être complété par d’autres fors autorisés en raison du lien étroit entre la juridiction et le litige ou en vue de faciliter la bonne administration de la justice. L’existence d’un lien étroit devrait garantir la sécurité juridique et éviter la possibilité que le défendeur soit attrait devant une juridiction d’un État membre qu’il ne pouvait pas raisonnablement prévoir […] »

4.

L’article 4, paragraphe 1, du règlement Bruxelles I bis prévoit :

« Sous réserve du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre. »

5.

L’article 7, point 1, du règlement Bruxelles I bis dispose :

« Une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite dans un autre État membre :

1.

a)

en matière contractuelle, devant la juridiction du lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande ;

b)

aux fins de l’application de la présente disposition, et sauf convention contraire, le lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande est :

pour la vente de marchandises, le lieu d’un État membre où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées,

pour la fourniture de services, le lieu d’un État membre où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis,

c)

le point a) s’applique si le point b) ne s’applique pas […] »

6.

L’article 24 du règlement Bruxelles I bis établit notamment les compétences exclusives suivantes :

« Sont seules compétentes les juridictions ci-après d’un État membre, sans considération de domicile des parties :

1)

en matière de droits réels immobiliers et de baux d’immeubles, les juridictions de l’État membre où l’immeuble est situé.

[…]

2)

en matière de validité, de nullité ou de dissolution des sociétés ou personnes morales, ou de validité des décisions de leurs organes, les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel celles-ci ont leur siège. Pour déterminer le siège, le juge applique les règles de son droit international privé ;

[…] »

7.

En vertu de l’article 27 du règlement Bruxelles I bis, « [l]a juridiction d’un État membre saisie à titre principal d’un litige pour lequel les juridictions d’un autre État membre sont exclusivement compétentes en vertu de l’article 24 se déclare d’office incompétente ». Conformément à l’article 28, paragraphe 1, de ce même règlement, la juridiction doit également, sauf si sa compétence découle des dispositions du règlement, se déclarer d’office incompétente lorsque le défendeur domicilié sur le territoire d’un autre État membre n’a pas comparu pour objecter.

2. Le règlement Rome I

8.

Conformément au considérant 7 du règlement Rome I, « [l]e champ d’application matériel et les dispositions du présent règlement devraient être cohérents par rapport au règlement (CE) no 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (Bruxelles I) ». Par conséquent, le considérant 17 du règlement Rome I précise que « les notions de “prestation de services” et de “vente de biens” devraient recevoir la même interprétation que celle retenue pour l’application de l’article 5 du règlement (CE) no 44/2001, dans la mesure où ce dernier couvre la vente de biens et la fourniture de services ».

9.

L’article 1, paragraphe 2, sous f), du règlement Rome I exclut du champ d’application du règlement « les questions relevant du droit des sociétés, associations et personnes morales, telles que la constitution, par enregistrement ou autrement, la capacité juridique, le fonctionnement interne et la dissolution des sociétés, associations et personnes morales, ainsi que la responsabilité personnelle légale des associés et des agents pour les dettes de la société, association ou personne morale ».

B. Le droit bulgare

10.

En Bulgarie, les relations juridiques découlant de la propriété immobilière sont régies par le Zakon za sobstvenostta (loi sur la propriété). Son article 38 précise les éléments d’un immeuble d’habitation qui peuvent être détenus en copropriété.

11.

Le Zakon za upravlenie na etazhnata sobstvenost (loi sur l’administration des copropriétés d’appartements, ci-après le « ZUES ») définit les droits et obligations respectifs des propriétaires, usagers et occupants dans le cadre de la gestion du bien détenu en copropriété. Son article 10 désigne l’assemblée générale et le conseil d’administration (le gestionnaire) en tant qu’organes de gestion. Conformément à l’article 1, paragraphe 1, point 5, du ZUES, l’assemblée générale fixe le montant des contributions financières aux frais d’administration et d’entretien des parties communes du bâtiment. Les décisions adoptées par l’assemblée générale à cet égard sont, en vertu de l’article 38, paragraphe 2, du ZUES, exécutoires conformément au code de procédure civile bulgare, l’article 40 du ZUES aménageant une possibilité de recours en vue de la révocation de la décision concernée. L’article 6, paragraphe 1, point 8, du ZUES précise que les décisions des organes de gestion de la copropriété sont obligatoires pour les propriétaires. Conformément au point 9 de cette disposition, les propriétaires sont tenus de participer, au prorata des parts théoriques qu’ils détiennent, aux frais de rénovation et à la constitution des provisions à cette fin ainsi que, conformément au point 10 de la disposition, aux frais de gestion et d’entretien des parties communes de l’immeuble.

III. Les faits et la procédure au principal

12.

M. Kerr, requérant en première instance et actuellement appelant dans la procédure devant la juridiction de renvoi, est le syndic d’un immeuble détenu en copropriété, situé dans la ville de Bansko (Bulgarie). Il a introduit devant le Rayonen sad Razlog (tribunal d’arrondissement de Razlog, Bulgarie) un recours contre deux copropriétaires, M. Postnov et Mme Postnova. Il réclamait le paiement de contributions dont ceux-ci restaient redevables, en totalité ou partie, pour l’entretien des parties communes de l’immeuble en vertu de décisions prises par l’assemblée générale des copropriétaires de 2013 à 2017. Selon les affirmations de l’appelant dans la procédure au principal, la requête était accompagnée d’une demande de mesures conservatoires.

13.

Dans sa présentation, la juridiction de renvoi n’indique pas que les défendeurs ou d’autres copropriétaires auraient, au titre de l’article 40 du ZUES, demandé la révocation des décisions concernées.

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