Opinion of Advocate General Saugmandsgaard Øe delivered on 11 December 2019.
Jurisdiction | European Union |
Celex Number | 62018CC0667 |
ECLI | ECLI:EU:C:2019:1066 |
Date | 11 December 2019 |
Court | Court of Justice (European Union) |
Édition provisoire
CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. HENRIK SAUGMANDSGAARD ØE
présentées le 11 décembre 2019 (1)
Affaire C‑667/18
Orde van Vlaamse Balies,
Ordre des barreaux francophones et germanophone
contre
Ministerraad
[demande de décision préjudicielle formée par le Grondwettelijk Hof (Cour constitutionnelle, Belgique)]
« Renvoi préjudiciel – Directive 2009/138/CE – Assurance de protection juridique – Libre choix de l’avocat ou d’un représentant par le preneur d’assurance – Procédure judiciaire ou administrative – Notion – Médiation judiciaire ou extrajudiciaire »
I. Introduction
1. La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 201, paragraphe 1, sous a), de la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009, sur l’accès aux activités de l’assurance et de la réassurance et leur exercice (solvabilité II) (2).
2. Cette demande a été présentée dans le cadre d’un recours en annulation formé par l’Orde van Vlaamse Balies et l’Ordre des barreaux francophones et germanophone (ci-après les « ordres des barreaux ») visant à l’annulation de la wet tot wijziging van de wet van 4 april 2014 betreffende de verzekeringen en ertoe strekkende de vrije keuze van een advocaat of iedere andere persoon die krachtens de op de procedure toepasselijke wet de vereiste kwalificaties heeft om zijn belangen te verdedigen in elke fase van de rechtspleging te waarborgen in het kader van een rechtsbijstandsverzekeringsovereenkomst (loi modifiant la loi du 4 avril 2014 relative aux assurances et visant à garantir le libre choix d’un avocat ou de toute autre personne ayant les qualifications requises par la loi applicable à la procédure pour défendre ses intérêts dans toute phase judiciaire, dans le cadre d’un contrat d’assurance de la protection juridique) (3), du 9 avril 2017.
3. Le recours des ordres des barreaux porte sur l’extension, par le législateur belge, à la procédure d’arbitrage et non à la procédure de médiation, de la liberté de choix d’un avocat ou d’un représentant par le preneur d’une assurance de protection juridique.
4. Par sa question préjudicielle, le Grondwettelijk Hof (Cour constitutionnelle, Belgique) cherche à savoir si la procédure de médiation, qu’elle soit judiciaire ou extrajudiciaire, prévue par le droit belge relève de la notion de « procédure judiciaire » au sens de l’article 201, paragraphe 1, sous a), de la directive 2009/138.
5. À l’issue de mon exposé, je proposerai à la Cour de répondre positivement à cette interrogation. Je vais, d’abord, rappeler le caractère autonome de l’article 201, paragraphe 1, sous a), de la directive 2009/138, qui traite du libre choix de l’avocat par l’assuré, par rapport à l’article 198, paragraphe 1, de cette directive, qui prévoit la prise en charge des frais qui en découle. Ensuite, je dégagerai de la jurisprudence de la Cour relative aux droits du preneur d’une assurance de protection juridique et, plus particulièrement, de celle relative à la notion de « procédure administrative » les éléments utiles à l’interprétation de la notion de « procédure judiciaire ». Enfin, j’en tirerai les conséquences en prenant en considération les caractéristiques de la médiation, conformément aux objectifs poursuivis par la même directive.
II. Le cadre juridique
A. Le droit de l’Union
1. La directive 87/344/CEE abrogée
6. La directive 87/344/CEE du Conseil, du 22 juin 1987, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l’assurance-protection juridique (4), qui a été abrogée par la directive 2009/138 (5), prévoyait, à son article 4, paragraphe 1, sous a) :
« 1. Tout contrat de protection juridique reconnaît explicitement que :
a) lorsqu’il est fait appel à un avocat ou à toute autre personne ayant les qualifications admises par la loi nationale, pour défendre, représenter ou servir les intérêts de l’assuré, dans toute procédure judiciaire ou administrative, l’assuré a la liberté de le choisir. »
2. La directive 2009/138
7. Le considérant 16 de la directive 2009/138 énonce :
« Le principal objectif de la réglementation et du contrôle en matière d’assurance et de réassurance est de garantir la protection adéquate des preneurs et des bénéficiaires. Le terme “bénéficiaire” entend désigner toute personne physique ou morale titulaire d’un droit en vertu d’un contrat d’assurance. La stabilité financière et la stabilité et l’équité des marchés constituent d’autres objectifs de la réglementation et du contrôle en matière d’assurance et de réassurance qui devraient être également pris en compte, sans détourner cependant du principal objectif. »
8. Le titre II de cette directive, intitulé « Dispositions particulières relatives à l’assurance et à la réassurance », comporte un chapitre II, relatif aux « [d]ispositions propres à l’assurance non-vie », dont la section 4, intitulée « Assurance-protection juridique », comprend les articles 198 à 205 (6).
9. L’article 198 de ladite directive, intitulé « Champ d’application de la présente section », dispose, à son paragraphe 1 :
« La présente section s’applique à l’assurance-protection juridique visée à la branche 17 de la partie A de l’annexe I, par laquelle une entreprise d’assurance s’engage, moyennant le paiement d’une prime, à prendre en charge des frais de procédure judiciaire et à fournir d’autres services directement liés à la couverture d’assurance, notamment en vue :
[...]
b) de défendre ou de représenter l’assuré dans une procédure civile, pénale, administrative ou autre, ou contre une réclamation dont il est l’objet. »
10. L’article 200, paragraphes 1 et 4, de la directive 2009/138 prévoit :
« 1. L’État membre d’origine veille à ce que les entreprises d’assurance adoptent, suivant l’option choisie par l’État membre ou selon leur choix si l’État membre y consent, au moins l’une des méthodes de gestion des sinistres énoncées aux paragraphes 2, 3 et 4.
Quelle que soit l’option retenue, l’intérêt des assurés couverts en protection juridique est considéré comme garanti de manière équivalente en vertu de la présente section.
[...]
4. Le contrat prévoit que dès qu’il est en droit de réclamer une intervention au titre de ce contrat, l’assuré a le droit de confier la défense de ses intérêts à un avocat de son choix ou, dans la mesure où le droit national le permet, à toute autre personne ayant les qualifications appropriées. »
11. L’article 201 de cette directive, intitulé « Libre choix de l’avocat », dispose, à son paragraphe 1, sous a) :
« 1. Tout contrat d’assurance[-]protection juridique prévoit explicitement :
a) que, lorsqu’il est fait appel à un avocat ou à toute autre personne ayant les qualifications appropriées selon le droit national, pour défendre, représenter ou servir les intérêts de l’assuré dans une procédure judiciaire ou administrative, l’assuré a la liberté de choisir cet avocat ou cette autre personne. »
B. Le droit belge
1. La loi relative aux assurances avant l’entrée en vigueur de la loi du 9 avril 2017
12. Jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi du 9 avril 2017, l’article 156, 1°, de la wet betreffende de verzekeringen (loi relative aux assurances) (7), du 4 avril 2014, était rédigé comme suit :
« Tout contrat d’assurance de la protection juridique stipule explicitement au moins que :
1° lorsqu’il faut recourir à une procédure judiciaire ou administrative, l’assuré a la liberté de choisir pour défendre, représenter ou servir ses intérêts, un avocat ou toute autre personne ayant les qualifications requises par la loi applicable à la procédure. »
2. La loi du 9 avril 2017
13. L’article 2 de la loi du 9 avril 2017 prévoit :
« Dans l’article 156 de la loi [...] relative aux assurances, le 1° est remplacé par ce qui suit :
“1° l’assuré a la liberté de choisir, lorsqu’il faut recourir à une procédure judiciaire, administrative ou arbitrale, un avocat ou toute autre personne ayant les qualifications requises par la loi applicable à la procédure pour défendre, représenter et servir ses intérêts et, dans le cas d’un arbitrage, d’une médiation ou d’un autre mode non judiciaire reconnu de règlement des conflits, une personne ayant les qualifications requises et désignée à cette fin ;”. »
3. Le code judiciaire
14. Il ressort du dossier soumis à la Cour que le Gerechtelijk Wetboek (code judiciaire), tel que modifié en dernier lieu par la wet houdende diverse bepalingen inzake burgerlijk recht en bepalingen met het oog op de bevordering van alternatieve vormen van geschillenoplossing (loi portant dispositions diverses en matière de droit civil et des dispositions en vue de promouvoir des formes alternatives de résolution des litiges) (8), du 18 juin 2018, prévoit deux formes de médiation, à savoir extrajudiciaire ou judiciaire, régies, pour la première, aux articles 1730 à 1733 de ce code et, pour la seconde, aux articles 1734 à 1737 dudit code. Les principes généraux sont énoncés aux articles 1723/1 à 1729 du code judiciaire.
a) Les principes généraux
15. Aux termes de l’article 1723/1 du code judiciaire :
« La médiation est un processus confidentiel et structuré de concertation volontaire entre parties en conflit qui se déroule avec le concours d’un tiers indépendant, neutre et impartial qui facilite la communication et tente de conduire les parties à élaborer elles-mêmes une solution. »
16. L’article 1729 du code judiciaire prévoit :
« Chacune des parties peut à tout moment mettre fin à la médiation, sans que cela puisse lui porter préjudice. »
b) La médiation extrajudiciaire
17. L’article 1730, paragraphe 1, du code judiciaire dispose :
« Toute partie peut proposer aux autres parties, indépendamment de toute procédure judiciaire ou arbitrale, avant, pendant ou après le déroulement d’une procédure judiciaire, de recourir au processus de médiation. Les parties désignent le médiateur de commun accord ou chargent un tiers de cette désignation. »
18. Aux termes de l’article 1731...
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