Opinion of Advocate General Saugmandsgaard Øe delivered on 19 September 2018.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2018:741
Date19 September 2018
Celex Number62017CC0374
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-374/17
62017CC0374

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. HENRIK SAUGMANDSGAARD ØE

présentées le 19 septembre 2018 ( 1 )

Affaire C‑374/17

Finanzamt B

contre

A‑Brauerei,

en présence de

Bundesministerium der Finanzen

[demande de décision préjudicielle formée par le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances, Allemagne)]

« Renvoi préjudiciel – Aides accordées par les États – Sélectivité matérielle – Absence – Critère de disponibilité générale – Mesure générale – Cadre de référence – Comparabilité – Justification tirée de la nature ou de l’économie générale du cadre de référence – Avantage fiscal – Impôt sur les acquisitions immobilières – Exonération en faveur d’opérations de transformation au sein d’un groupe de sociétés – Condition de participation à concurrence d’au moins 95 % dans le capital social des sociétés participantes – Périodes de détention de cinq années avant et après l’opération de transformation »

I. Introduction

1.

Par décision du 30 mai 2017, le Bundesfinanzhof (Cour fédérale des finances, Allemagne) a adressé à la Cour une demande tendant à obtenir une décision préjudicielle sur l’interprétation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

2.

Cette question s’inscrit dans le cadre d’un litige opposant A‑Brauerei et le Finanzamt B (l’administration fiscale, Allemagne) au sujet de la décision de ce dernier d’exclure l’opération d’absorption par A‑Brauerei de sa filiale, T‑GmbH, du bénéfice de l’exonération prévue à l’article 6a du Grunderwerbsteuergesetz (loi allemande relative à l’impôt sur les acquisitions immobilières, dans la version du 26 février 1997, BGBl. I, p. 418, 1804, modifiée en dernier lieu par l’article 12, point 1, de la loi du 22 juin 2011, BGBl. I, p. 1126, ci–après le « GrEStG »). En substance, cette disposition exempte de l’impôt sur les acquisitions immobilières certaines opérations de transformation réalisées au sein d’un groupe de sociétés.

3.

La juridiction de renvoi considère que l’absorption de T‑GmbH par A‑Brauerei relève de l’article 6a du GrEStG et, partant, doit être exonérée de l’impôt sur les acquisitions immobilières. Cette juridiction se demande cependant si cette exonération doit être qualifiée d’« aide d’État » au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Elle souligne que la qualification d’« aide d’État » dans le contexte du litige au principal dépendra principalement de l’interprétation de la condition de sélectivité. Ladite juridiction est néanmoins d’avis que l’exonération prévue à l’article 6a du GrEStG n’est pas sélective et, partant, ne constitue pas une aide d’État.

4.

Il me faut relever, à titre liminaire, que la jurisprudence de la Cour au sujet de la sélectivité matérielle se caractérise par la coexistence de deux méthodes d’analyse, notamment en matière fiscale, ce que confirme la communication de la Commission européenne sur la notion d’« aide d’État» ( 2 ).

5.

D’une part, la méthode d’analyse classique, qui peut être déduite de la lettre du traité FUE ( 3 ), se fonde sur le critère de disponibilité générale. Selon cette approche, appliquée notamment dans l’arrêt Commission et Espagne/Government of Gibraltar et Royaume‑Uni ( 4 ), est sélectif tout avantage qui n’est pas ouvert à l’ensemble des entreprises présentes sur le territoire national. Le critère de disponibilité générale exige non pas que toutes les entreprises jouissent effectivement de l’avantage concerné, mais bien que toutes puissent en bénéficier ( 5 ).

6.

D’autre part, la méthode dite « du cadre de référence », qui remonte à l’arrêt Paint Graphos e.a. ( 6 ) prononcé en 2011 et qui a été confirmée dans l’arrêt Commission/World Duty Free Group e.a. ( 7 ), repose sur le critère de discrimination ( 8 ). Selon cette approche en trois étapes, un avantage est sélectif lorsqu’il constitue une dérogation au cadre de référence pertinent, lorsqu’il n’est pas ouvert à toutes les entreprises se trouvant dans des situations comparables et lorsqu’il n’est pas justifié par la nature ou l’économie générale du régime en cause ( 9 ).

7.

Chacune de ces deux méthodes d’analyse vise à distinguer les mesures sélectives, qui relèvent de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, des mesures générales, qui n’en relèvent pas. Dans le cadre de la présente affaire, l’application de chacune de ces deux méthodes aboutit, selon moi, au même résultat, à savoir l’absence de sélectivité de l’exonération prévue à l’article 6a du GrEStG.

8.

Toutefois, je propose à la Cour d’appliquer la seule méthode d’analyse classique et de juger, en application de cette méthode, que l’exonération prévue à l’article 6a du GrEStG constitue une mesure générale dès lors qu’elle est ouverte à toute entreprise présente sur le territoire national, et même à toute entreprise nationale ou étrangère détenant un immeuble sur le territoire national ( 10 ).

9.

J’avoue, en effet, nourrir certaines inquiétudes quant aux conséquences pratiques du recours à la méthode du cadre de référence, sur les plans tant substantiel que formel ( 11 ). Il me semble, notamment, que cette méthode comporte le risque d’étendre la discipline des aides d’État à toute différenciation fiscale, en invitant à passer en revue l’ensemble des régimes fiscaux des États membres à la recherche de discriminations.

10.

À titre subsidiaire, j’exposerai les motifs pour lesquels l’application de la méthode du cadre de référence aboutit à la même conclusion, à savoir l’absence d’aide d’État, sans occulter les difficultés notables que suscite l’application de cette méthode ( 12 ).

II. Le cadre juridique allemand

11.

L’article 1er de l’Umwandlungsgesetz (loi allemande relative aux transformations des sociétés, ci‑après l’« UmwG ») est libellé comme suit :

« (1) Les sujets de droit ayant leur siège sur le territoire national peuvent subir une transformation

1.

par fusion ;

2.

par scission (scission par dissolution et transfert de l’ensemble du patrimoine, scission sans dissolution et transfert partiel du patrimoine, scission par filialisation) ;

3.

par transfert du patrimoine ;

[…] »

12.

L’article 2 de l’UmwG énonce :

« Les sujets de droit peuvent fusionner par dissolution sans liquidation :

1.

par voie d’absorption par transfert de l’ensemble du patrimoine d’un ou plusieurs sujets de droit (sujets absorbés) à un autre sujet de droit existant (sujet absorbant) […] ».

13.

L’article 1er du GrEStG dispose :

« (1) Pour autant qu’elles portent sur des immeubles situés sur le territoire national, les opérations juridiques suivantes sont assujetties à l’impôt sur les acquisitions immobilières :

1.

un contrat de vente ou un autre acte juridique fondant le droit au transfert de la propriété ;

2.

l’accord de transfert de la propriété, si celui-ci n’a été précédé d’aucun acte juridique fondant le droit au transfert de la propriété ;

3.

le transfert de propriété, si celui-ci n’a été précédé d’aucun acte juridique fondant le droit au transfert de la propriété et qu’aucun accord de transfert de la propriété n’est également nécessaire.

[…]

(2a) Si un immeuble situé sur le territoire national fait partie du patrimoine d’une société de personnes et si, au cours d’une période de cinq ans, la composition du groupe des associés est modifiée directement ou indirectement de telle sorte qu’au moins 95 pour cent des parts sociales sont transférées à de nouveaux associés, l’on considère qu’il s’agit d’un acte juridique portant transfert de la propriété d’un immeuble à une nouvelle société de personnes. […]

(3) Si un immeuble situé sur le territoire national fait partie du patrimoine d’une société, les opérations juridiques suivantes sont, en outre, assujetties à l’impôt, pour autant qu’une imposition au titre du paragraphe 2a soit exclue :

1.

un acte juridique fondant le droit au transfert d’une ou de plusieurs parts sociales, lorsque, à la suite du transfert, au moins 95 pour cent des parts sociales seraient exclusivement détenues, directement ou indirectement, par l’acquéreur ou par des entreprises dominantes et dépendantes ou des personnes dépendantes, ou encore par des entreprises dépendantes ou des personnes dépendantes ;

2.

la réunion, directement ou indirectement, d’au moins 95 pour cent des parts sociales, si celle‑ci n’a pas été précédée d’une opération relevant du droit des obligations, visée au point 1 ;

3.

un acte juridique fondant le droit au transfert, directement ou indirectement, d’au moins 95 pour cent des parts sociales ;

4.

le transfert, directement ou indirectement, d’au moins 95 pour cent des parts sociales à un autre, si ce transfert n’a pas été précédé d’une opération relevant du droit des obligations, visée au point 3. »

14.

L’article 6a du GrEStG prévoit :

« S’agissant d’une opération juridique imposable, visée à l’article 1er, paragraphe 1, point 3, et à l’article 1er, paragraphes 2a ou 3, consécutive à une transformation au sens de l’article 1er, paragraphe 1, points 1 à 3, de [l’UmwG], l’impôt n’est pas prélevé ; […] la première phrase s’applique également à des transformations analogues prévues par le droit d’un État membre de l’Union européenne ou d’un État auquel s’applique l’accord sur l’Espace économique européen. La première phrase ne s’applique que lorsque participent à l’opération de transformation, exclusivement, une entreprise dominante et une ou plusieurs sociétés dépendantes de cette entreprise dominante ou plusieurs sociétés dépendantes d’une entreprise dominante. Au sens de la troisième phrase, est “dépendante” une société...

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