Opinion of Advocate General Saugmandsgaard Øe delivered on 21 March 2018.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2018:205
Date21 March 2018
Celex Number62017CC0005
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-5/17
62017CC0005

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. HENRIK SAUGMANDSGAARD ØE

présentées le 21 mars 2018 ( 1 )

Affaire C‑5/17

Commissioners for Her Majesty’s Revenue and Customs

contre

DPAS Limited

[demande de décision préjudicielle formée par l’Upper Tribunal (Tax and Chancery Chamber) [tribunal supérieur (chambre de la fiscalité et de la Chancery), Royaume-Uni]

« Renvoi préjudiciel – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée – Directive 2006/112/CE – Exonération – Article 135, paragraphe 1, sous d) – Opérations concernant les paiements et les virements – Absence – Conception et mise en œuvre de plans de paiement de soins dentaires par débit direct – Absence de prestation entraînant le transfert d’une somme d’argent – Recouvrement de créances – Principe de réalité économique – Absence de pertinence de l’identité du destinataire formel de la prestation »

I. Introduction

1.

Par décision du 28 novembre 2016, parvenue à la Cour le 6 janvier 2017, l’Upper Tribunal (Tax and Chancery Chamber) [tribunal supérieur (chambre de la fiscalité et de la Chancery), Royaume-Uni] a adressé à la Cour une demande tendant à obtenir une décision préjudicielle sur l’interprétation de l’article 135, paragraphe 1, sous d), de la directive 2006/112/CE (ci-après la « directive TVA ») ( 2 ).

2.

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant DPAS Limited aux Commissioners for Her Majesty’s Revenue and Customs (administration fiscale et douanière du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, ci-après l’« administration fiscale »), au sujet du refus de cette dernière d’exonérer de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) une prestation de services effectuée par DPAS.

3.

DPAS propose des plans de soins dentaires commercialisés sous le nom du cabinet dentaire à des dentistes et fournit des services de gestion de ces plans aux patients qui y souscrivent. La question soulevée dans la procédure nationale est, en substance, celle de savoir si les services fournis à ces patients constituent des « opérations concernant les paiements ou les virements » exonérées au titre de l’article 135, paragraphe 1, sous d), de la directive TVA.

4.

Je proposerai à la Cour de répondre à cette question par la négative dès lors qu’une prestation de services telle que celle en cause dans le litige au principal ne réalise pas, en tant que telle, les modifications juridiques et financières caractérisant le transfert d’une somme d’argent. En pratique, cette réponse implique qu’une telle prestation doit être soumise à la TVA.

II. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

5.

Au chapitre 3 du titre IX de la directive TVA, l’article 135, paragraphe 1, prévoit :

« Les États membres exonèrent les opérations suivantes :

[...]

d)

les opérations, y compris la négociation, concernant les dépôts de fonds, comptes courants, paiements, virements, créances, chèques et autres effets de commerce, à l’exception du recouvrement de créances ;

[...] »

B. Le droit du Royaume-Uni

6.

L’article 31 du Value Added Tax Act 1994 (loi de 1994 relative à la taxe sur la valeur ajoutée) prévoit qu’une prestation de services est exonérée si elle relève d’une catégorie précisée à l’annexe 9 de celui‑ci.

7.

Cette annexe 9 dispose notamment :

« GROUPE 5 – FINANCE

[Est exonéré de TVA :]

1.

Le versement, le transfert ou la perception d’argent, de tout titre représentant de l’argent ou de tout billet ou ordre visant au paiement d’argent ainsi que toute opération portant sur de l’argent ou de pareils effets.

[...]

5.

La fourniture de services d’intermédiaires en rapport avec toute opération visée [au point 1] (que ces opérations aient ou non été finalement conclues) par une personne agissant en qualité d’intermédiaire. »

8.

La note explicative (1A) du groupe 5 énonce :

« Le point 1 n’inclut pas une prestation de services qui est préparatoire à la réalisation d’une opération relevant de ce point. »

III. Le litige au principal et les questions préjudicielles

9.

DPAS, qui est l’acronyme de « Dental Plan Administration Services », conçoit et met en œuvre des plans de soins dentaires au Royaume-Uni.

10.

DPAS propose des plans de soins dentaires commercialisés sous le nom du cabinet dentaire à des dentistes et fournit des services de gestion de ces plans à des patients de dentistes. En l’espèce, un « plan de soins dentaires » fait référence aux accords entre un dentiste et son ou sa patient(e) en vertu desquels le dentiste accepte de fournir un certain niveau de soins dentaires, le patient acceptant en retour de verser mensuellement un montant forfaitaire. Ce plan inclut également d’autres services, à savoir des services d’assurance et de gestion des paiements fournis par DPAS.

11.

DPAS gère les aspects administratifs, financiers et d’assurance des plans de soins dentaires. DPAS conseille notamment les dentistes et leur personnel en ce qui concerne l’élaboration du plan et fournit du matériel de commercialisation tel que des brochures, des dépliants et des posters, des formulaires d’inscription, du papier de correspondance/à en‑tête et des cartes d’adhésion au plan.

12.

Ces plans de soins dentaires permettent aux patients de répartir le coût des soins dentaires de manière uniforme sur l’ensemble de l’année. À cette fin, les patients effectuent des paiements mensuels à DPAS au moyen d’un mandat de « débit direct ». Selon la juridiction de renvoi, la manière d’opérer le débit direct est matériellement identique à celle décrite aux points 7 à 11 de l’arrêt Axa UK ( 3 ). Interrogée par la Cour à ce sujet, cette juridiction a confirmé que les services fournis par DPAS sont « identiques ou très similaires » à ceux décrits dans ce dernier arrêt.

13.

Jusqu’au 1er janvier 2012, les plans de soins dentaires avaient été structurés par DPAS comme des services fournis aux dentistes, et les accords contractuels mettant en œuvre ces plans étaient conclus entre DPAS et les dentistes. DPAS percevait mensuellement auprès de chaque dentiste un tarif fixe, s’élevant dans l’immense majorité des cas à 366,66 GBP (environ 415 euros), ainsi qu’un tarif « par patient » allant de 0,94 GBP à 2,90 GBP (environ 1,06 euro à 3,28 euros). DPAS percevait le montant de ses tarifs en les déduisant des montants collectés auprès des patients par débit direct.

14.

En pratique, DPAS demandait à la banque du patient, sur le fondement du mandat de débit direct, de procéder au transfert du montant convenu du compte bancaire du patient vers son propre compte bancaire. DPAS demandait ensuite à sa propre banque de transférer vers le compte bancaire du dentiste le montant total dû à ce dernier, en tenant compte des seuls patients ayant payé leur cotisation mensuelle par débit direct et déduction faite du montant facturé par DPAS pour ses services.

15.

L’administration fiscale considérait que DPAS procédait à des opérations concernant les paiements ou les virements, exonérées de TVA en application de l’article 135, paragraphe 1, sous d), de la directive TVA ou de la disposition équivalente de la sixième directive ( 4 ).

16.

Le 28 octobre 2010, la Cour a rendu l’arrêt Axa UK ( 5 ) concernant l’assujettissement à la TVA de services proposés par Denplan Ltd, un concurrent de DPAS proposant également des plans de paiement de soins dentaires pour le compte de dentistes. Dans cet arrêt, la Cour a jugé que les services tels que ceux fournis par Denplan constituaient, « en principe », des opérations concernant les paiements mais devaient être qualifiés de services de recouvrement de créances et, à ce titre, ne pouvaient pas bénéficier de l’exonération précitée.

17.

À la suite de cet arrêt, DPAS a restructuré les aspects contractuels de ses plans de soins dentaires à compter du 1er janvier 2012, de manière à fournir des prestations de services non plus seulement aux dentistes mais également aux patients.

18.

Dans une lettre datée du 8 septembre 2011 et adressée à ses clients dentistes, DPAS a expliqué, en substance, cette restructuration comme suit :

l’effet pratique de l’arrêt Axa UK ( 6 ) était de soumettre à la TVA les services fournis par DPAS aux dentistes, alors qu’ils étaient auparavant considérés comme exonérés par l’administration fiscale, ce qui aurait entraîné un surcoût de l’ordre de 20 % que DPAS aurait dû répercuter sur ses clients ;

jusqu’alors, les plans de soins dentaires gérés par DPAS incluaient, d’une part, un contrat entre DPAS et le dentiste pour la fourniture de services de plans de paiement de soins dentaires (« dental payment plan services ») et, d’autre part, un contrat entre DPAS et le patient pour la fourniture d’une couverture d’assurance complémentaire ;

la restructuration proposée consistait à scinder le premier des contrats précités en deux, à savoir un contrat entre DPAS et le dentiste portant sur des services de plans de paiement de soins dentaires (« dental payment plan services ») et un contrat entre DPAS et le patient portant sur des « facilités » relatives aux plans de paiement de soins dentaires (« dental payment plan facilities ») ;

DPAS précisait que le montant de ses tarifs demeurerait inchangé, dès lors qu’elle prendrait à sa charge la TVA due sur la prestation de service fournie au dentiste, étant entendu que les autres services demeureraient exemptés de TVA ;

DPAS soulignait que ces changements étaient « purement administratifs » et qu’ils n’impliquaient « aucune différence pratique par rapport...

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