Levola Hengelo BV v Smilde Foods BV.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2018:618
Date25 July 2018
Docket NumberC-310/17
CourtCourt of Justice (European Union)
Celex Number62017CC0310
Procedure TypeCuestión prejudicial - sobreseimiento
62017CC0310

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MELCHIOR WATHELET

présentées le 25 juillet 2018 ( 1 )

Affaire C‑310/17

Levola Hengelo BV

contre

Smilde Foods BV

[demande de décision préjudicielle formée par la Gerechtshof Arnhem-Leeuwarden (cour d’appel d’Arnhem-Leeuwarden, Pays-Bas)]

« Renvoi préjudiciel – Directive 2001/29/CE – Droit d’auteur et droits voisins – Notion d’“œuvre” – Saveur d’un produit alimentaire »

1.

La présente demande de décision préjudicielle du 23 mai 2017, déposée au greffe de la Cour le 29 mai 2017 par la Gerechtshof Arnhem-Leeuwarden (cour d’appel d’Arnhem-Leeuwarden, Pays-Bas), porte sur l’interprétation des articles 2 à 5 de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l’information ( 2 ).

2.

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la société Levola Hengelo BV, (ci-après « Levola »), à la société Smilde Foods BV (ci-après « Smilde »), deux entreprises qui produisent des denrées alimentaires, au sujet de la prétendue violation par Smilde du droit d’auteur de Levola portant sur la saveur d’un fromage à tartiner à la crème fraîche et aux fines herbes, dénommé « Heksenkaas » ou « Heks’nkaas » (ci-après le « Heksenkaas ») ( 3 ).

3.

La juridiction de renvoi considère que, afin de trancher le litige devant elle, il lui est nécessaire de savoir, notamment, si le droit de l’Union, et plus particulièrement la directive 2001/29, s’oppose à la protection, par le droit d’auteur, de la saveur d’un produit alimentaire.

I. Le cadre juridique

A. Le droit international

1. La convention de Berne

4.

L’article 2 de la convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques, signée à Berne le 9 septembre 1886 (acte de Paris du 24 juillet 1971), dans sa version résultant de la modification du 28 septembre 1979 (ci-après la « convention de Berne »), stipule :

«1. Les termes “œuvres littéraires et artistiques” comprennent toutes les productions du domaine littéraire, scientifique et artistique, quel qu’en soit le mode ou la forme d’expression, telles que: les livres, brochures et autres écrits; les conférences, allocutions, sermons et autres œuvres de même nature; les œuvres dramatiques ou dramatico-musicales; les œuvres chorégraphiques et les pantomimes; les compositions musicales avec ou sans paroles; les œuvres cinématographiques, auxquelles sont assimilées les œuvres exprimées par un procédé analogue à la cinématographie; les œuvres de dessin, de peinture, d’architecture, de sculpture, de gravure, de lithographie; les œuvres photographiques, auxquelles sont assimilées les œuvres exprimées par un procédé analogue à la photographie; les œuvres des arts appliqués; les illustrations, les cartes géographiques; les plans, croquis et ouvrages plastiques relatifs à la géographie, à la topographie, à l’architecture ou aux sciences.

2. Est toutefois réservée aux législations des pays de l’Union la faculté de prescrire que les œuvres littéraires et artistiques ou bien l’une ou plusieurs catégories d’entre elles ne sont pas protégées tant qu’elles n’ont pas été fixées sur un support matériel.

[…]

5. Les recueils d’œuvres littéraires ou artistiques tels que les encyclopédies et anthologies qui, par le choix ou la disposition des matières, constituent des créations intellectuelles sont protégés comme telles, sans préjudice des droits des auteurs sur chacune des œuvres qui font partie de ces recueils.

6. Les œuvres mentionnées ci-dessus jouissent de la protection dans tous les pays de l’Union. Cette protection s’exerce au profit de l’auteur et de ses ayants droit.

[…] »

5.

Selon l’article 9, paragraphe 1, de la convention de Berne :

« Les auteurs d’œuvres littéraires et artistiques protégés par la présente [c]onvention jouissent du droit exclusif d’autoriser la reproduction de ces œuvres, de quelque manière et sous quelque forme que ce soit. »

2. Le traité de l’OMPI sur le droit d’auteur

6.

Le 20 décembre 1996, l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) a adopté à Genève le traité de l’OMPI sur le droit d’auteur (ci-après le « traité de l’OMPI sur le droit d’auteur »), qui est entré en vigueur le 6 mars 2002 et qui a été approuvé au nom de la Communauté européenne par la décision 2000/278/CE ( 4 ).

7.

Aux termes de l’article 1er, paragraphe 4, du traité de l’OMPI sur le droit d’auteur, intitulé « Rapport avec la [c]onvention de Berne » :

« Les Parties contractantes doivent se conformer aux articles 1er à 21 et à l’annexe de la [c]onvention de Berne. »

8.

L’article 2 du traité de l’OMPI sur le droit d’auteur, intitulé « Étendue de la protection au titre du droit d’auteur » dispose :

« La protection au titre du droit d’auteur s’étend aux expressions et non aux idées, procédures, méthodes de fonctionnement ou concepts mathématiques en tant que tels ».

9.

L’article 4 du traité de l’OMPI sur le droit d’auteur, intitulé « Programmes d’ordinateur » prévoit :

« Les programmes d’ordinateur sont protégés en tant qu’œuvres littéraires au sens de l’article 2 de la [c]onvention de Berne. La protection prévue s’applique aux programmes d’ordinateur quel qu’en soit le mode ou la forme d’expression ».

10.

Aux termes de l’article 5 du traité de l’OMPI sur le droit d’auteur, intitulé « Compilations de données (bases de données) » :

« Les compilations de données ou d’autres éléments, sous quelque forme que ce soit, qui, par le choix ou la disposition des matières, constituent des créations intellectuelles sont protégées comme telles. Cette protection ne s’étend pas aux données ou éléments eux-mêmes et elle est sans préjudice de tout droit d’auteur existant sur les données ou éléments contenus dans la compilation. »

3. Les accords OMC et ADPIC

11.

L’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC), du 15 avril 1994 (JO 1994, L 336, p. 214, ci-après l’« accord ADPIC »), constituant l’annexe 1 C de l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce (OMC) (JO 1994, L 336, p. 3, ci-après l’« accord OMC »), a été approuvé par la décision 94/800/CE du Conseil, du 22 décembre 1994, relative à la conclusion au nom de la Communauté européenne, pour ce qui concerne les matières relevant de ses compétences, des accords des négociations multilatérales du cycle de l’Uruguay (1986-1994) ( 5 ).

12.

L’article 9 de l’accord ADPIC intitulé « Rapport avec la [c]onvention de Berne » énonce :

« 1. Les membres [de l’OMC] se conformeront aux articles premier à 21 de la [c]onvention de Berne (1971) et à l’[a]nnexe de ladite [c]onvention […].

2. La protection du droit d’auteur s’étendra aux expressions et non aux idées, procédures, méthodes de fonctionnement ou concepts mathématiques en tant que tels ».

13.

L’article 10 de l’accord ADPIC, intitulé « Programmes d’ordinateur et compilations de données » dispose :

« 1. Les programmes d’ordinateur, qu’ils soient exprimés en code source ou en code objet, seront protégés en tant qu’œuvres littéraires en vertu de la [c]onvention de Berne (1971).

2. Les compilations de données ou d’autres éléments, qu’elles soient reproduites sur support exploitable par machine ou sous toute autre forme, qui, par le choix ou la disposition des matières, constituent des créations intellectuelles seront protégées comme telles. Cette protection, qui ne s’étendra pas aux données ou éléments eux-mêmes, sera sans préjudice de tout droit d'auteur subsistant pour les données ou éléments eux-mêmes ».

B. Le droit de l’Union

14.

L’article 2 de la directive 2001/29, intitulé « Droit de reproduction » dispose :

« Les États membres prévoient le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire la reproduction directe ou indirecte, provisoire ou permanente, par quelque moyen et sous quelque forme que ce soit, en tout ou en partie :

a)

pour les auteurs, de leurs œuvres ;

[…] »

15.

L’article 3 de la directive 2001/29, intitulé « Droit de communication d’œuvres au public et droit de mettre à la disposition du public d’autres objets protégés » dispose :

« 1. Les États membres prévoient pour les auteurs le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire toute communication au public de leurs œuvres, par fil ou sans fil, y compris la mise à la disposition du public de leurs œuvres de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement.

[…] »

16.

L’article 4 de la directive 2001/29, intitulé « Droit de distribution » dispose :

« 1. Les États membres prévoient pour les auteurs le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire toute forme de distribution au public, par la vente ou autrement, de l’original de leurs œuvres ou de copies de celles‑ci.

[…] »

C. Le droit néerlandais

17.

L’article 1er de l’Auteurswet (loi néerlandaise sur le droit d’auteur, ci-après la « loi sur le droit d’auteur ») dispose :

« Le droit d’auteur est le droit exclusif de l’auteur d’une œuvre littéraire, scientifique ou artistique, ou de ses ayants droit, de rendre celle‑ci publique et de la reproduire, sous réserve des limitations prévues par la loi. »

18.

L’article 10 de la loi sur le droit d’auteur est ainsi libellé :

« 1. Par œuvres littéraires, scientifiques ou artistiques, on entend dans la présente loi :

1)

les livres, brochures, journaux, périodiques et tous autres écrits ;

2)

les œuvres dramatiques ou dramatico-musicales ;

3)

les conférences et allocutions ;

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