Hotel Sava Rogaška, Gostinstvo, turizem in storitve, d.o.o. v Republika Slovenija.

JurisdictionEuropean Union
Celex Number62014CC0207
ECLIECLI:EU:C:2015:220
Date14 April 2015
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-207/14
62014CC0207

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NIILO JÄÄSKINEN

présentées le 14 avril 2015 ( 1 )

Affaire C‑207/14

Hotel Sava Rogaška, gostinstvo, turizem in storitve, d.o.o.

contre

Republika Slovenija

[demande de décision préjudicielle formée par le Vrhovno sodišče (Slovénie)]

«Rapprochement des législations — Directive 2009/54/CE — Article 8, paragraphe 2 — Annexe I — Notion d’‘eau minérale naturelle provenant d’une même source' — Critères d’interprétation»

I – Introduction

1.

Au cours du XIXe siècle, la consommation des eaux thermales à la source s’est popularisée, celle-ci ayant été suivie, à la suite du développement social et culturel, de la commercialisation, sous la forme de mise en bouteille. En 1870, la première réclame pour la source d’eau minérale naturelle Perrier se référait au concept de «la princesse des eaux de table». En droit de l’Union, l’encadrement juridique des eaux minérales naturelles relève de l’objectif visant à établir et à assurer la libre circulation des marchandises, tout en mettant un accent particulier sur la protection des consommateurs.

2.

Dans ce contexte, la présente demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la notion d’«eau minérale naturelle provenant d’une même source», au sens de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2009/54/CE ( 2 ), laquelle, tout en procédant à la codification de la directive 80/777/CEE ( 3 ) qui a été la première à réglementer la problématique du marché des eaux minérales embouteillées en droit de l’Union, a remplacé cette dernière. En particulier, aux termes de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2009/54, il est interdit de commercialiser l’eau provenant d’une même source sous plusieurs désignations commerciales.

3.

Le litige au principal oppose donc l’entreprise Hotel Sava Rogaška, gostinstvo, turizem in storitve, d.o.o. (ci‑après «HSR») à la Republika Slovenija (République de Slovénie), représentée par le Ministrstvo za kmetijstvo in okolje (ministère de l’Agriculture et de l’Environnement, ci‑après le «ministère»), au sujet du refus opposé par ce dernier d’attribuer l’appellation «eau minérale naturelle» au bénéfice de HSR. Ainsi qu’il ressort du dossier, le refus en cause au principal est fondé sur le fait qu’une même nappe souterraine dessert deux puits, dont celui pour lequel HSR s’est vu octroyer une concession d’exploitation. Or, l’eau tirée du second puits a déjà été reconnue en Slovénie sous une désignation particulière où elle est légalement commercialisée comme telle.

4.

Ancrée sur des notions relativement techniques et révélant une difficulté interprétative fondée sur l’accentuation entre les critères relatifs aux propriétés objectives de l’eau minérale, d’une part, et ceux relatifs à la structure hydrogéologique de son émergence, d’autre part, cette affaire constitue pour la Cour une opportunité de se prononcer pour la première fois sur l’interprétation de la directive 2009/54 afin de clarifier ses objectifs et les valeurs ayant présidé à son adoption.

II – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

5.

Aux termes des considérants 5 et 9 de la directive 2009/54:

«(5)

Toute réglementation relative aux eaux minérales naturelles doit avoir pour objectifs primordiaux de protéger la santé des consommateurs et de leur éviter des sources de méprise, ainsi que de garantir la loyauté des transactions commerciales.

[...]

(9)

Pour garantir l’information des consommateurs, il convient que la mention de la composition analytique d’une eau minérale naturelle soit obligatoire.»

6.

L’article 1er, paragraphe 1, de cette directive prévoit:

«La présente directive concerne les eaux extraites du sol d’un État membre et reconnues par l’autorité responsable de cet État membre comme eaux minérales naturelles répondant aux dispositions de l’annexe I, partie I.»

7.

L’article 8, paragraphe 2, de la directive 2009/54 précise:

«La commercialisation sous plusieurs désignations commerciales d’une eau minérale naturelle provenant d’une même source est interdite.»

8.

L’annexe I de la directive 2009/54 contient dans sa partie I, intitulée «Définition», les points suivants:

«1.

On entend par ‘eau minérale naturelle’ une eau microbiologiquement saine, au sens de l’article 5, ayant pour origine une nappe ou un gisement souterrain et provenant d’une source exploitée par une ou plusieurs émergences naturelles ou forées.

L’eau minérale naturelle se distingue nettement de l’eau de boisson ordinaire:

a)

par sa nature, caractérisée par sa teneur en minéraux, oligo‑éléments ou autres constituants et, le cas échant, par certains effets;

b)

par sa pureté originelle,

l’une et l’autre caractéristiques ayant été conservées intactes en raison de l’origine souterraine de cette eau […]

[...]

3.

La composition, la température et les autres caractéristiques essentielles de l’eau minérale naturelle doivent demeurer stables dans le cadre de fluctuations naturelles; en particulier, elles ne doivent pas être modifiées par les variations éventuelles de débit.

[...]»

9.

La directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2000, établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau ( 4 ), définit un cadre pour la gestion et la protection commune des eaux fondé non pas sur des frontières ou des politiques nationales, mais sur les formations hydrologiques, c’est‑à‑dire par bassin hydrographique, dans une perspective de développement durable. Sur le plan terminologique, elle établit, à son article 2, une structure complexe des définitions d’une grande technicité, telles qu’un aquifère ou une masse d’eau souterraine.

B – Le droit national

10.

La directive 80/777, remplacée par la directive 2009/54, a été transposée en droit slovène, notamment, par le règlement sur les eaux minérales naturelles, les eaux de source et les eaux de table ( 5 ). L’article 4, paragraphe 1, de ce règlement prévoit que l’eau minérale est l’eau qui, outre certaines exigences microbiologiques, satisfait, entre autres choses, à la condition qu’elle ait son origine dans une nappe ou un gisement souterrain, protégé contre toute forme de contamination possible et provenant d’une source exploitée par une ou plusieurs émergences naturelles ou forées. L’article 12, paragraphe 4, du règlement prévoit que l’eau minérale naturelle provenant d’une même source ne peut, dans le commerce, porter qu’une seule marque commerciale.

III – Les faits du litige au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

11.

Il ressort du dossier que, le 18 juillet 2011, HSR a présenté au ministère une demande visant à faire reconnaître en Slovénie la désignation commerciale «ROI Roitschocrene» pour l’eau minérale naturelle tirée du puits dénommé «RgS‑2/88».

12.

Par décision du 26 février 2012, le ministère a rejeté cette demande au motif qu’une eau minérale naturelle provenant d’une même source ne peut, en vertu de l’article 12, paragraphe 4, du règlement et de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2009/54, être commercialisée que sous une seule désignation commerciale et qu’une eau minérale naturelle tirée du même aquifère que l’eau en cause, mais d’un autre puits (dénommé «V‑3/66‑70»), a déjà été reconnue comme eau minérale naturelle sous la désignation commerciale «Donat Mg» par décision du 3 juillet 2001 et commercialisée comme telle.

13.

HSR a introduit un recours visant à l’annulation de cette décision devant l’Upravno sodišče (tribunal administratif), en soutenant, d’une part, que le puits «RgS‑2/88» ne produit pas la même eau que le puits «V‑3/66‑70» et, d’autre part, qu’il convient de distinguer les notions de «source» et d’«aquifère». Ce recours ayant été rejeté, HSR a introduit un recours en révision devant la juridiction de renvoi, en faisant notamment valoir que le tribunal administratif a interprété de manière erronée la notion de «source» figurant à l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2009/54.

14.

Dans sa décision de renvoi, le Vrhovno sodišče (Cour suprême) précise que les puits «V‑3/66‑70» et «RgS‑2/88» partagent une même nappe ou un même gisement souterrain ( 6 ). En outre, elle note que l’eau minérale naturelle Donat Mg est inscrite au registre des eaux minérales naturelles reconnues en Slovénie ainsi que sur la liste des eaux minérales naturelles reconnues par les États membres ( 7 ), la source indiquée étant la source Donat ( 8 ).

15.

La juridiction de renvoi s’interroge sur l’interprétation à donner à l’expression «eau minérale naturelle provenant d’une même source» au sens de l’article 8 de la directive 2009/54. Elle observe que le terme «source», utilisé à plusieurs reprises dans ladite directive, n’y est pas défini. Au vu des divergences linguistiques de la définition d’«eau minérale naturelle» figurant à l’annexe I, chapitre I, point 1, de la même directive, plusieurs interprétations de cette expression seraient possibles. C’est dans ces conditions que le Vrhovno sodišče a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)

L’article 8, paragraphe 2, de la directive [2009/54] doit‑il être interprété en ce sens qu’il convient de considérer comme une ‘eau minérale naturelle provenant d’une même source’:

a)

l’eau provenant du même puits individuel, mais pas l’eau tirée d’un autre puits bien qu’il s’agisse d’une eau qui a son origine dans le même aquifère de la même masse d’eau souterraine au sens de la définition des notions d’‘aquifère’ et de ‘masse...

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