Opinion of Advocate General Saugmandsgaard Øe delivered on 5 September 2019.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2019:679
Date05 September 2019
Celex Number62018CC0272
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-272/18
62018CC0272

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. HENRIK SAUGMANDSGAARD ØE

présentées le 5 septembre 2019 ( 1 )

Affaire C‑272/18

Verein für Konsumenteninformation

contre

TVP Treuhand‑ und Verwaltungsgesellschaft für Publikumsfonds mbH & Co. KG

[demande de décision préjudicielle formée par l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême, Autriche)]

« Renvoi préjudiciel – Espace de liberté, de sécurité et de justice – Coopération judiciaire en matière civile – Loi applicable – Contrats de fiducie conclus entre des consommateurs résidant habituellement dans un premier pays et un professionnel établi dans un second pays, ayant pour objet la gestion de participations dans des sociétés en commandite régies par le droit du second pays – Convention de Rome sur la loi applicable aux obligations contractuelles – Règlement (CE) no 593/2008 – Matières exclues – Article 1er, paragraphe 2 – Questions relevant du droit des sociétés, associations et personnes morales – Règles protectrices en matière de contrats de consommation – Contrats exclus – Article 5, paragraphe 4, de la convention de Rome et article 6, paragraphe 4, du règlement (CE) no 593/2008 – Contrat de fourniture de services dans le cadre duquel les services dus au consommateur doivent être fournis exclusivement dans un pays autre que celui dans lequel il a sa résidence habituelle – Directive 93/13/CEE concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs – Caractère abusif d’une clause de choix de loi désignant le droit du siège du prestataire de services »

I. Introduction

1.

Le Verein für Konsumenteninformation (ci‑après « VKI »), une association de protection des consommateurs établie en Autriche, a intenté une action en cessation ( 2 ) contre TVP Treuhand‑ und Verwaltungsgesellschaft für Publikumsfonds mbH & Co. KG (ci‑après « TVP »), une société dont le siège se situe à Hambourg (Allemagne), visant à interdire à cette société d’utiliser, dans ses relations d’affaires avec les consommateurs résidant en Autriche, un certain nombre de clauses contractuelles. Ces clauses figurent dans des contrats de fiducie ayant pour objet la gestion de participations dans des fonds immobiliers fermés établis en Allemagne et constitués sous la forme de sociétés en commandite. Parmi les clauses en question se trouve une clause de choix de loi désignant le droit allemand.

2.

L’Oberster Gerichtshof (Cour suprême, Autriche) s’interroge sur la compatibilité de cette clause de choix de loi avec la directive 93/13/CEE concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs ( 3 ), eu égard, en particulier, à l’interprétation retenue par la Cour de cette directive dans l’arrêt Verein für Konsumenteninformation ( 4 ). La réponse à cette interrogation dépend, en particulier, du point de savoir si le droit autrichien serait applicable aux contrats de fiducie litigieux en l’absence d’un tel choix, ou s’il s’agirait au contraire du droit allemand. Ce dernier point dépend, quant à lui, de l’interprétation de la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles ( 5 ) et du règlement (CE) no 593/2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles ( 6 ).

3.

Cette juridiction a ainsi posé à la Cour différentes questions visant, d’abord, à déterminer si ces contrats de fiducie soulèvent des « questions relevant du droit des sociétés, associations et personnes morales », exclues du champ d’application matériel de la convention de Rome et du règlement Rome I, dans la mesure où ils portent sur des participations commanditaires et sont étroitement liés aux statuts des sociétés en commandite concernées. À supposer que tel ne soit pas le cas, ces questions portent, ensuite, sur le point de savoir si lesdits contrats sont exclus du champ d’application des règles protectrices en matière de contrats de consommation prévues par ces instruments au motif que les services dus aux consommateurs seraient, selon les termes de ces mêmes contrats, fournis exclusivement en dehors de l’Autriche. Lesdites questions concernent, finalement, la compatibilité de la clause de choix de loi litigieuse avec la directive sur les clauses abusives.

4.

Dans les présentes conclusions, j’expliquerai pourquoi, à mon sens, la loi applicable à des contrats de fiducie tels que ceux en cause dans l’affaire au principal doit être déterminée conformément aux règles de la convention de Rome et du règlement Rome I. Par ailleurs, j’exposerai les raisons pour lesquelles, selon moi, pareils contrats, dans le cadre desquels des services doivent être fournis à distance dans le pays de résidence habituelle du consommateur depuis le territoire d’un autre pays, relèvent des règles protectrices en matière de contrats de consommation prévues par ces instruments. Enfin, j’expliquerai qu’une clause de choix de loi telle que celle incluse dans les contrats litigieux est abusive dès lors qu’elle n’informe pas le consommateur du fait que, nonobstant ce choix, il bénéficie de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi du pays de sa résidence habituelle.

II. Le cadre juridique

A. La convention de Rome

5.

L’article 1er de la convention de Rome, intitulé « Champ d’application », dispose, à ses paragraphes 1 et 2 :

« 1. Les dispositions de la présente convention sont applicables, dans les situations comportant un conflit de lois, aux obligations contractuelles.

2. Elles ne s’appliquent pas :

[...]

e)

aux questions relevant du droit des sociétés, associations et personnes morales, telles que la constitution, la capacité juridique, le fonctionnement interne et la dissolution des sociétés, associations et personnes morales, ainsi que la responsabilité personnelle légale des associés et des organes pour les dettes de la société, association ou personne morale ;

[...] »

6.

L’article 5 de la convention de Rome, intitulé « Contrats conclus par les consommateurs », prévoit :

« 1. Le présent article s’applique aux contrats ayant pour objet la fourniture d’objets mobiliers corporels ou de services à une personne, le consommateur, pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle, ainsi qu’aux contrats destinés au financement d’une telle fourniture.

2. Nonobstant les dispositions de l’article 3, le choix par les parties de la loi applicable ne peut avoir pour résultat de priver le consommateur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi du pays dans lequel il a sa résidence habituelle :

si la conclusion du contrat a été précédée dans ce pays d’une proposition spécialement faite ou d’une publicité, et si le consommateur a accompli dans ce pays les actes nécessaires à la conclusion du contrat

ou

si le cocontractant du consommateur ou son représentant a reçu la commande du consommateur dans ce pays

[...]

3. Nonobstant les dispositions de l’article 4 et à défaut de choix exercé conformément à l’article 3, ces contrats sont régis par la loi du pays dans lequel le consommateur a sa résidence habituelle, s’ils sont intervenus dans les circonstances décrites au paragraphe 2 du présent article.

4. Le présent article ne s’applique pas :

[...]

b)

au contrat de fourniture de services lorsque les services dus au consommateur doivent être fournis exclusivement dans un pays autre que celui dans lequel il a sa résidence habituelle.

[...] »

B. Le règlement Rome I

7.

L’article 1er du règlement Rome I, intitulé « Champ d’application matériel », dispose, à ses paragraphes 1 et 2 :

« 1. Le présent règlement s’applique, dans des situations comportant un conflit de lois, aux obligations contractuelles relevant de la matière civile et commerciale.

Il ne s’applique pas, notamment, aux matières fiscales, douanières et administratives.

2. Sont exclus du champ d’application du présent règlement :

[...]

f)

les questions relevant du droit des sociétés, associations et personnes morales, telles que la constitution, par enregistrement ou autrement, la capacité juridique, le fonctionnement interne et la dissolution des sociétés, associations et personnes morales, ainsi que la responsabilité personnelle légale des associés et des agents pour les dettes de la société, association ou personne morale ;

[...] »

8.

L’article 6 de ce règlement, intitulé « Contrats de consommation », prévoit :

« 1. Sans préjudice des articles 5 et 7, un contrat conclu par une personne physique (ci‑après “le consommateur”), pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle, avec une autre personne (ci‑après “le professionnel”), agissant dans l’exercice de son activité professionnelle, est régi par la loi du pays où le consommateur a sa résidence habituelle, à condition que le professionnel :

[...]

b)

par tout moyen, dirige cette activité vers ce pays ou vers plusieurs pays, dont celui‑ci,

et que le contrat rentre dans le cadre de cette activité.

2. Nonobstant les dispositions du paragraphe 1, les parties peuvent choisir la loi applicable à un contrat satisfaisant aux conditions du paragraphe 1, conformément à l’article 3. Ce choix ne peut cependant avoir pour résultat de priver le consommateur de la protection que lui assurent les dispositions auxquelles il ne peut être dérogé par accord en vertu de la loi qui aurait été applicable, en l’absence de choix, sur la base du paragraphe 1.

3. Si les conditions établies au paragraphe 1, point a) ou b), ne sont pas remplies, la loi applicable à un contrat entre un consommateur et un professionnel est déterminée conformément aux articles 3 et 4.

4. Les paragraphes 1 et 2 ne s’appliquent pas :

a)

au contrat de fourniture de...

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