Opinion of Advocate General Tanchev delivered on 28 March 2019.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2019:271
Celex Number62017CC0569
CourtCourt of Justice (European Union)
Date28 March 2019

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. EVGENI TANCHEV

présentées le 28 mars 2019 (1)

Affaire C569/17

Commission européenne

contre

Royaume d’Espagne

« Manquement d’État – Article 258 TFUEDirective 2014/17/UE – Crédit hypothécaire – Article 260, paragraphe 3, TFUE – Manquement à l’obligation de communiquer des mesures de transposition d’une directive adoptée conformément à une procédure législative – Sanctions financières – Astreinte »






I. Introduction

1. Dans la présente affaire, la Commission a introduit un recours en manquement contre le Royaume d’Espagne au titre de l’article 258 TFUE pour ne pas avoir adopté les mesures nécessaires aux fins de transposer, au plus tard le 21 mars 2016, la directive 2014/17/UE du Parlement européen et du Conseil, du 4 février 2014, sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel et modifiant les directives 2008/48/CE et 2013/36/UE et le règlement (UE) nº 1093/2010 (la « directive sur le crédit hypothécaire ») (2) ou, en tout état de cause, pour avoir omis de communiquer ces mesures à la Commission. La Commission demande également à la Cour d’infliger, conformément à l’article 260, paragraphe 3, TFUE, une astreinte journalière de 105 991.60 euros au Royaume d’Espagne, à compter de la date du prononcé de l’arrêt de la Cour constatant le manquement à l’obligation qui lui incombe de communiquer des mesures de transposition de la directive 2014/17.

2. Par conséquent, cette affaire donne à la Cour l’occasion de se prononcer pour la première fois sur l’interprétation et l’application de l’article 260, paragraphe 3, TFUE (3). Cette disposition, introduite par le traité de Lisbonne, permet à la Commission de former un recours en manquement devant la Cour en vertu de l’article 258 TFUE lorsqu’un État membre a « manqué à son obligation de communiquer des mesures de transposition d’une directive adoptée conformément à une procédure législative » et de demander à la Cour d’infliger dans le même temps des sanctions financières à cet État membre (4).

3. Les problèmes essentiels qui se posent aux fins de la résolution du litige sont, en substance, les points de savoir, premièrement, si l’article 260, paragraphe 3, TFUE s’applique en cas de communication par un État membre de mesures de transposition incomplètes ou incorrectes ; deuxièmement, par rapport à quelles règles doit être calculée l’astreinte infligée au titre de cette disposition ; et, troisièmement, si l’astreinte en cause est proportionnée.

II. Le cadre légal

4. L’article 260, paragraphe 3, TFUE énonce :

« Lorsque la Commission saisit la Cour d’un recours en vertu de l’article 258, estimant que l’État membre concerné a manqué à son obligation de communiquer des mesures de transposition d’une directive adoptée conformément à une procédure législative, elle peut, lorsqu’elle le considère approprié, indiquer le montant d’une somme forfaitaire ou d’une astreinte à payer par cet État, qu’elle estime adapté aux circonstances.

Si la Cour constate le manquement, elle peut infliger à l’État membre concerné le paiement d’une somme forfaitaire ou d’une astreinte dans la limite du montant indiqué par la Commission. L’obligation de paiement prend effet à la date fixée par la Cour dans son arrêt ».

5. L’article 42, paragraphe 1, de la directive 2014/17 énonce :

« Les États membres adoptent et publient, au plus tard le 21 mars 2016, les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive. Ils communiquent immédiatement à la Commission le texte de ces dispositions ».

III. La procédure précontentieuse

6. N’ayant reçu, à l’expiration du délai de transposition du 21 mars 2016, aucune communication du Royaume d’Espagne concernant les mesures de transposition de la directive 2014/17 en droit espagnol, la Commission lui a adressé une lettre de mise en demeure, en date du 26 mai 2016, l’invitant à procéder à cette communication.

7. Dans sa réponse transmise par courrier en date du 28 juillet 2016, le Royaume d’Espagne a indiqué qu’il n’avait pas été en mesure de transposer la directive 2014/17 en raison de circonstances exceptionnelles liées à la nature intérimaire du gouvernement, mais que des travaux préparatoires concernant le projet de loi de transposition de cette directive avaient débuté.

8. Par avis motivé du 17 novembre 2016, la Commission a indiqué que le Royaume d’Espagne n’avait toujours pas adopté les mesures de transposition de la directive 2014/17 ni communiqué ces mesures. La Commission l’a invité à prendre les mesures nécessaires dans un délai de deux mois à compter de la réception de cet avis motivé.

9. Dans sa réponse à cet avis motivé, transmise par courrier en date du 19 janvier 2017, le Royaume d’Espagne a informé la Commission de l’état d’avancement de l’avant-projet de loi de transposition de la directive 2014/17.

10. Considérant que le Royaume d’Espagne n’avait toujours pas transposé la directive 2014/17 ni communiqué aucune mesure de transposition, la Commission a décidé, le 27 avril 2017, d’introduire un recours en manquement devant la Cour.

IV. La procédure devant la Cour

11. Par sa requête présentée le 27 septembre 2017, la Commission a formé le présent recours devant la Cour sur le fondement de l’article 258 et de l’article 260, paragraphe 3, TFUE. La Commission conclut à ce qu’il plaise à la Cour :

– premièrement, constater que, en ayant omis d’adopter avant le 21 mars 2016 les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive 2014/17 ou, en tout état de cause, en ayant omis de communiquer ces dispositions à la Commission, le Royaume d’Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 42, paragraphe 1, de cette directive ;

– deuxièmement, condamner le Royaume d’Espagne, conformément à l’article 260, paragraphe 3, TFUE, au paiement d’une astreinte journalière de 105 991.60 euros, avec effet à compter de la date du prononcé de l’arrêt constatant le manquement à l’obligation d’adopter ou, en tout état de cause, de communiquer à la Commission les dispositions nécessaires pour se conformer à la directive 2014/17 ; et

– troisièmement, condamner le Royaume d’Espagne aux dépens.

12. Dans son mémoire en défense, déposé le 15 décembre 2017, le Royaume d’Espagne conclut à ce qu’il plaise à la Cour :

– premièrement, rejeter le présent recours dans son intégralité ou, à titre subsidiaire, réduire le montant de l’astreinte ; et

– deuxièmement, condamner la Commission aux dépens.

13. La Commission et le Royaume d’Espagne ont également déposé un mémoire en réplique et un mémoire en duplique, respectivement le 26 janvier et le 12 mars 2018.

14. Par requête présentée le 26 décembre 2017, la République française a demandé à intervenir à la procédure au soutien du Royaume d’Espagne. Par décision du 30 janvier 2018, il a été fait droit à sa demande d’intervention et, le 7 mars 2018, la République française a déposé son mémoire en intervention. Le 14 mai 2018, la Commission et le Royaume d’Espagne ont présenté des observations sur le mémoire en intervention de la République française.

15. Une audience s’est tenue le 21 janvier 2019, au cours de laquelle la Commission, le Royaume d’Espagne et la République française ont présenté des observations orales.

V. Les arguments des parties

A. Le manquement au titre de l’article 258 TFUE

16. La Commission fait valoir que le Royaume d’Espagne n’a pas adopté, à la date limite du 21 mars 2016 prévue à l’article 42, paragraphe 1, de la directive 2014/17, les mesures nécessaires pour transposer cette directive ni communiqué ces mesures à la Commission.

17. Le Royaume d’Espagne ne conteste pas ne pas avoir communiqué de mesures de transposition de la directive 2014/17. Le Royaume d’Espagne a indiqué lors de l’audience que la loi nationale de transposition devait être adoptée le 14 février 2019.

B. L’application de l’article 260, paragraphe 3, TFUE

18. La Commission soumet tout d’abord quelques observations liminaires relatives à sa communication de 2011 sur la mise en œuvre de l’article 260, paragraphe 3, TFUE (ci-après la « communication de 2011 ») (5). La Commission souligne notamment que l’objectif de l’article 260, paragraphe 3, TFUE est d’inciter plus fortement les États membres à transposer les directives dans les délais fixés par le législateur de l’Union et à assurer ainsi l’efficacité réelle de la législation de l’Union (6). En outre, en réponse aux arguments de la République française, la Commission fait valoir que l’article 260, paragraphe 3, TFUE ne sanctionne pas seulement un manquement à l’obligation purement « formelle » de communication des mesures de transposition, mais également à l’obligation « matérielle » de procéder à la transposition elle-même, c’est-à-dire, le fait pour l’État membre de ne pas avoir adapté son ordre juridique interne à la directive en question. La Commission soutient ensuite que l’article 260, paragraphe 3, TFUE s’applique à l’omission totale par un État membre de communiquer des mesures de transposition, comme cela est le cas en l’espèce, tout comme à l’omission partielle de communiquer des mesures de transposition, comme cela est le cas lorsque ces mesures ne couvrent pas l’ensemble du territoire de l’État membre ou ne correspondent pas à l’ensemble des dispositions de la directive en question (7).

19. S’agissant de la fixation de sanctions financières, la Commission soutient que les sanctions proposées en vertu de l’article 260, paragraphe 3, TFUE devraient être calculées selon la même méthode que celle prévue à l’article 260, paragraphe 2, TFUE (8). En réponse aux arguments présentés par la République française, la Commission souligne notamment que, par l’introduction de l’article 260, paragraphe 3, TFUE, les traités prévoient que l’omission par un État membre d’adopter et de communiquer des mesures de...

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