Graham J. Wilson v Ordre des avocats du barreau de Luxembourg.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2006:311
Docket NumberC-506/04
Celex Number62004CC0506
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date11 May 2006

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME CHRISTINE STIX-HACKL

présentées le 11 mai 2006 (1)

Affaire C-506/04

Graham J. Wilson

contre

conseil de l’ordre des avocats du barreau de Luxembourg

[demande de décision préjudicielle formée par la Cour administrative (Luxembourg)]

«Directive 98/5/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 1998, visant à faciliter l’exercice permanent de la profession d’avocat dans un État membre autre que celui où la qualification a été acquise ‑ Exercice permanent de la profession d’avocat dans un État membre autre que celui où la qualification a été acquise – Inscription au tableau national de l’ordre des avocats – Contrôle des connaissances relatives aux langues de l’État membre d’accueil – Voies de recours juridictionnel – Recours devant le Conseil disciplinaire et administratif du barreau»





I – Remarques introductives

1. La présente procédure préjudicielle porte, à l’instar de la procédure parallèle en constatation de manquement d’État (2), sur la question du rapport existant entre, d’une part, les garanties prévues par la directive 98/5/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 1998, visant à faciliter l’exercice permanent de la profession d’avocat dans un État membre autre que celui où la qualification a été acquise (3) (ci-après la «directive»), et, d’autre part, une disposition nationale selon laquelle ces avocats précisément, ressortissants d’États membres de la Communauté, doivent, aux fins de leur inscription au tableau de l’ordre des avocats de l’État membre d’accueil, se soumettre à un examen oral visant à faire constater leurs connaissances des langues nationales de cet État.

2. De plus, la demande de décision préjudicielle porte sur les exigences posées par la directive quant aux recours internes prévus en cas de refus d’inscription.

II – Le cadre juridique

A – Le droit communautaire

3. Selon son article 1er, paragraphe 1, la directive a pour objet de faciliter l’exercice permanent de la profession d’avocat à titre indépendant ou salarié dans un État membre autre que celui dans lequel a été acquise la qualification professionnelle.

4. Selon son article 2, premier alinéa, tout avocat a le droit d’exercer à titre permanent, dans tout autre État membre, sous son titre professionnel d’origine, les activités d’avocat telles que précisées à l’article 5.

5. Aux termes de l’article 3 qui régit l’inscription auprès de l’autorité compétente:

«1. L’avocat voulant exercer dans un État membre autre que celui où il a acquis sa qualification professionnelle est tenu de s’inscrire auprès de l’autorité compétente de cet État membre.

2. L’autorité compétente de l’État membre d’accueil procède à l’inscription de l’avocat au vu de l’attestation de son inscription auprès de l’autorité compétente de l’État membre d’origine. Elle peut exiger que cette attestation délivrée par l’autorité compétente de l’État membre d’origine n’ait pas, lors de sa production, plus de trois mois de date. Elle informe l’autorité compétente de l’État membre d’origine de cette inscription.

3. Pour l’application du paragraphe 1:

– au Royaume-Uni et en Irlande, les avocats exerçant sous un titre professionnel autre que ceux du Royaume-Uni ou de l’Irlande s’inscrivent, soit auprès de l’autorité compétente pour la profession de ‘barrister’ ou d’’advocate’, soit auprès de l’autorité compétente pour la profession de ‘solicitor’,

– au Royaume-Uni, l’autorité compétente pour un ‘barrister’ d’Irlande est celle de la profession de ‘barrister’ ou d’’advocate’ et pour un ‘solicitor’ d’Irlande, celle de la profession de ‘solicitor’,

– en Irlande, l’autorité compétente pour un ‘barrister’ ou un ‘advocate’ du Royaume-Uni est celle de la profession de ‘barrister’ et pour un ‘solicitor’ du Royaume-Uni celle de la profession de ‘solicitor’.

4. Lorsque l’autorité compétente de l’État membre d’accueil publie les noms des avocats inscrits auprès d’elle, elle publie également les noms des avocats inscrits en vertu de la présente directive.»

6. L’article 5 de la directive, qui réglemente le domaine d’activité, dispose:

«1. Sous réserve des paragraphes 2 et 3, l’avocat exerçant sous son titre professionnel d’origine pratique les mêmes activités professionnelles que l’avocat exerçant sous le titre professionnel approprié de l’État membre d’accueil et peut notamment donner des consultations juridiques dans le droit de son État membre d’origine, en droit communautaire, en droit international et dans le droit de l’État membre d’accueil. Il respecte, en tout cas, les règles de procédure applicables devant les juridictions nationales.

2. Les États membres qui autorisent sur leur territoire une catégorie déterminée d’avocats à établir des actes habilitant à administrer les biens des personnes décédées ou portant sur la création ou le transfert de droits réels immobiliers, qui dans d’autres États membres sont réservés à des professions différentes de celle de l’avocat, peuvent exclure de ces activités l’avocat exerçant sous un titre professionnel d’origine délivré dans un de ces derniers États membres.

3. Pour l’exercice des activités relatives à la représentation et à la défense d’un client en justice et dans la mesure où le droit de l’État membre d’accueil réserve ces activités aux avocats exerçant sous le titre professionnel de cet État, ce dernier peut imposer aux avocats exerçant sous leur titre professionnel d’origine d’agir de concert soit avec un avocat exerçant auprès de la juridiction saisie et qui serait responsable, s’il y a lieu, à l’égard de cette juridiction, soit avec un ‘avoué’ exerçant auprès d’elle.

Néanmoins, dans le but d’assurer le bon fonctionnement de la justice, les États membres peuvent établir des règles spécifiques d’accès aux cours suprêmes, telles que le recours à des avocats spécialisés.»

7. Aux termes de l’article 9, qui réglemente la motivation de certaines décisions relatives à l’inscription, ainsi que les voies de recours pouvant être exercées à leur encontre:

«Les décisions de refus de l’inscription visée à l’article 3 ou de retrait de cette inscription ainsi que les décisions prononçant des sanctions disciplinaires doivent être motivées.

Ces décisions sont susceptibles d’un recours juridictionnel de droit interne.»

B – Le droit interne

8. Les dispositions ici applicables du régime linguistique figurent dans la loi du 24 février 1984 sur le régime des langues (4) (ci‑après la «loi de 1984»).

9. Selon l’article 2 de ladite loi, les actes législatifs et leurs règlements d’exécution sont rédigés en français. D’autres règlements peuvent être également rédigés dans une autre langue. La langue employée dans chaque cas fait foi.

10. Selon l’article 3 de la loi de 1984, en matière administrative et contentieuse, il peut être fait usage des langues française, allemande ou luxembourgeoise, sans préjudice de dispositions spéciales.

11. C’est une loi du 13 novembre 2002 (5), modifiant certaines dispositions du droit luxembourgeois (6), qui transpose la directive dans la législation luxembourgeoise.

12. Selon l’article 8, paragraphe 3, de la loi de 1991, dans la version de l’article 14 de la loi de 2002, le tableau des avocats comprend quatre listes: la liste I (avocats remplissant les conditions des articles 5, c’est‑à‑dire l’inscription, et 6 relatif aux conditions d’inscription et de prestation de serment, et ayant réussi à l’examen de fin de stage prévu par la loi), la liste II (avocats remplissant les conditions des articles 5 et 6), les listes III et IV (avocats exerçant sous leur titre professionnel d’origine).

13. Des dispositions supplémentaires de droit interne figurent en annexe des présentes conclusions.

III – Les faits, la procédure au principal et les questions préjudicielles

14. M. Graham J. Wilson, ressortissant britannique, est barrister et membre de l’Honourable Society of Gray’s Inn ainsi que membre du barreau d’Angleterre et du pays de Galles depuis 1975. Il exerce depuis 1994 la profession d’avocat au Luxembourg.

15. Le 29 avril 2003, M. Wilson a été convoqué par le conseil de l’ordre des avocats du barreau de Luxembourg (ci-après le «conseil de l’ordre») à l’examen oral de langue prévu à l’article 3, paragraphe 2, de la loi de 2002.

16. Le 7 mai 2003, M. Wilson s’est présenté à l’examen, assisté d’un avocat luxembourgeois dont le conseil de l’ordre a refusé la présence.

17. Par courrier du 14 mai 2003, le conseil de l’ordre a fait part à M. Wilson de son refus de l’inscrire sur la liste IV du tableau de l’ordre des avocats et a motivé sa décision par le fait que M. Wilson s’était refusé à passer l’examen oral sans l’assistance de son avocat et que le conseil de l’ordre s’était donc trouvé dans l’incapacité d’apprécier les compétences linguistiques de M. Wilson.

18. Dans ce courrier, M. Wilson a été informé de ce que, conformément à l’article 26, paragraphe 7, de la loi de 1991, cette décision pouvait faire l’objet d’un recours devant le Conseil disciplinaire et administratif.

19. M. Wilson a toutefois saisi le tribunal administratif d’un recours, au motif que la voie de recours prévue devant le Conseil disciplinaire et administratif ne satisfaisait ni aux exigences du droit communautaire ni à celles de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH), et que le tribunal administratif devait donc statuer sur le fondement de sa compétence de réserve.

20. Par décision du 13 mai 2004, le tribunal administratif s’est toutefois déclaré incompétent.

21. Le 22 juin 2004, M. Wilson a interjeté appel de ce jugement devant la Cour administrative. Cette dernière juge indispensable d’interpréter l’article 9, paragraphe 2, de la directive pour statuer sur la compétence de la juridiction administrative et, partant, sur sa propre compétence. De plus, elle doute de la compatibilité, avec les garanties prévues par cette directive, de l’examen...

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